Le Canada pourrait-il fournir plus d’armes à l’Ukraine?
Des militaires ukrainiens tirent un obus depuis un obusier M777 près d'une ligne de front, alors que l'attaque de la Russie contre l'Ukraine se poursuit dans la région de Donetsk, en Ukraine, le 6 juin 2022.
Photo : Reuters / Stringer
Prenez note que cet article publié en 2022 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Pour maximiser ses chances de victoire sur l’envahisseur russe, l’Ukraine a maintes fois réclamé à ses alliés plus de livraisons d’armes. Le Canada pourrait-il répondre à la demande? Si des experts soulignent que les réserves des Forces armées canadiennes sont limitées, d’autres sont d’avis que le pays devrait contribuer davantage.
L’aide militaire est non seulement bienvenue, elle est nécessaire et c’est urgent!
, affirme l’ambassadrice de l’Ukraine au Canada, Youlia Kovaliv. Malgré les avancées des troupes ukrainiennes et des gains territoriaux considérables, les derniers mois ont été difficiles au front. Les munitions sont limitées et elles s’épuisent rapidement.
La guerre n’a pas eu droit à une pause estivale
, ajoute l’ambassadrice ukrainienne. Depuis le début de l’invasion russe, Ottawa a fourni 626 millions de dollars en aide militaire, mais sa dernière promesse pour l’envoi d’équipements militaires remonte au 30 juin, au tout début de l’été.
L'ambassadrice ukrainienne au Canada, Yulia Kovaliv, souligne l'urgence pour son pays de recevoir plus d'armes pour lutter contre l'envahisseur russe.
Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld
Soutien militaire canadien envers l'Ukraine à ce jour
- 30 juin 2022 : 39 véhicules blindés d’appui tactique;
- 14 juin 2022 : 10 tubes de remplacement pour les obusiers M777;
- 24 mai 2022 : 20 000 obus d’artillerie de calibre standard de 155 mm (y compris des mèches et des gargousses);
- 22 avril 2022 : 4 obusiers M777 et des projectiles;
- 3 mars 2022 : 4500 lance-roquettes M72, 750 grenades à main;
- 28 février 2022 : 100 armes antichars, canon sans recul Carl Gustav M2, 2000 projectiles de 84 mm;
- 14 février 2022 : mitrailleuses, pistolets, carabines, 1,5 million de balles, fusils de tireur d’élite.
Source : Gouvernement du Canada
Correction
Une précédente version de cet article mentionnait que des projectiles de 8 mm étaient fournis avec le canon Carl Gustav. C’est bien ce qu'indiquait la version française du communiqué du gouvernement fédéral, mais il s'agissait d'une erreur. Il était en fait question de projectiles de 84 mm, comme l'indiquait la version anglaise du même communiqué.
Mise au point
Dans le cadre d’une révision, l’ombudsman de Radio-Canada a adressé un blâme à la Direction de l’information au sujet d’inexactitudes qu’un lecteur a dû signaler à trois reprises par le biais de l’adresse courriel correction@radio-canada avant qu’elles ne soient adéquatement corrigées.
Les informations erronées se trouvaient dans le présent article.
Afin d’éviter la répétition d’un tel incident, une nouvelle procédure a été instaurée pour inciter les personnes concernées à réagir rapidement lorsqu’une erreur est détectée et rapportée.
Pour lire la révision de l’ombudsman, veuillez cliquer ici (Nouvelle fenêtre).
Le premier ministre Justin Trudeau avait alors annoncé que le Canada était en voie de conclure les négociations pour fournir 39 véhicules blindés d’appui tactique aux Ukrainiens.
Or, ces véhicules ne sont pas armés, contrairement à ce que demande l’Ukraine. Kiev réclame surtout des véhicules blindés légers, similaires à ceux qui avaient été utilisés par les Forces armées canadiennes en Afghanistan.
Kiev réclame aussi d’autres obusiers M777, réputés pour leur légèreté. Le gouvernement canadien en a déjà acheminé 4 sur les 37 que possèdent les Forces armées canadiennes.
Questionnée sur le sujet, la ministre de la Défense nationale, Anita Anand, refuse de se prononcer. Elle affirme que les discussions avec les dirigeants ukrainiens se poursuivent. Notre objectif est d’être là pour l’Ukraine, dans le court et le long terme
, dit-elle.
Le reportage de Kim Vermette.
Les réserves du Canada suffisent-elles?
De nombreux experts témoignent de la réticence de certains militaires canadiens d’acheminer plus d’équipements aux troupes ukrainiennes. Les réserves des Forces armées canadiennes sont limitées, rappellent-ils.
Depuis une vingtaine d’années, on voit une sorte de négligence des Forces armées et des capacités de défense au Canada par différents gouvernements
, explique Christian Leuprecht, professeur au Collège militaire royal et à l'Université Queen’s.
Résultat : au début de l’invasion russe en février dernier, le Canada n’avait pas vraiment de réserve d’équipement – une situation par ailleurs similaire à celle vécue par d’autres pays membres de l’Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN).
Tout l’équipement qu’on fournit à l’Ukraine manque par la suite aux Forces armées canadiennes.
Il ajoute que les demandes des Ukrainiens excèdent de façon considérable les capacités à notre disposition
.
La ministre Anand affirme que ce n’est pas seulement une question de réserves. Ce n’est pas seulement à propos de l’équipement [déjà en la possession] des Forces armées canadiennes, c’est aussi en matière d’approvisionnement de l’industrie. Qu’est-ce que l’industrie peut faire?
, signale-t-elle.
Le Canada a lancé une mission, avec la Grande-Bretagne et les États-Unis, pour aider à former l'armée ukrainienne après que la Russie a ordonné l'annexion de la péninsule de Crimée en 2014.
Photo : La Presse canadienne / Tijana Martin
C'est le moment ou jamais
D’autres experts sont plutôt d’avis que le gouvernement ne devrait pas hésiter à fournir plus d’armes aux troupes ukrainiennes.
Je ne crois pas que le Canada soit engagé dans un combat plus important que la victoire ukrainienne contre les Russes
, lance le professeur de sciences politiques à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Justin Massie. Il ajoute qu’à cet égard, le Canada pourrait en faire davantage.
Il rappelle que l’objectif politique du Canada est une victoire des Ukrainiens contre la Russie. Pour que les Ukrainiens gagnent la guerre, ils ont besoin de continuer à recevoir l’aide militaire de l’Occident, de l’OTAN, dont le Canada dispose.
Il faut une certaine cohérence entre ce qu’on dit et ce qu’on fait. C’est ce qui manque à certains égards de la part du Canada.
Le politologue à l’Université de Calgary Jean-Christophe Boucher partage la même opinion.
La seule façon qu’il y ait une sortie de crise, c’est que l’Ukraine réussisse à protéger son territoire
, explique-t-il.
La Russie ne montre aucune volonté de mettre fin à la crise et, dans ce contexte, il faut armer l’Ukraine pour qu’elle se défende
.
Le politologue rappelle que la décision sera d’abord et avant tout politique : C’est au gouvernement canadien de décider ce qu’on veut envoyer et c’est aux militaires d’obtempérer.