Si la vaccination facilite les tournages, la pandémie a laissé des traces
« On peut revenir à un scénario précovidien, des gens qui se touchent, qui s’embrassent et se tiennent proches les uns des autres. » – Sophie Prégent
Le tournage de «5e rang», a été le premier à reprendre en juin 2020 avec de nombreuses mesures de protection.
Photo : Productions Casablanca
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les tournages ont repris depuis juin 2020 grâce à une série de mesures sanitaires, mais celles-ci ont aussi engendré une hausse des coûts de production. Si la vaccination a permis les rapprochements des comédiennes et comédiens, des restrictions demeurent, et surtout, une sévère pénurie de main-d’œuvre sévit.
C’est toujours une production en temps de COVID avec ce que ça entraîne comme contraintes et coûts supplémentaires
, précise Hélène Messier, directrice générale de l’Association de la production médiatique (AQPM).
La vaccination permet les rapprochements
Si l’AQPM espérait un allègement des mesures cet automne, l’arrivée du variant Delta a effacé ses espoirs. Par ailleurs, la rentrée scolaire a augmenté les craintes de transmission.
Toutefois, les comédiennes et comédiens qui ont été vaccinés peuvent maintenant se rapprocher lors des tournages, et ce, sans limitation de temps, selon le Guide de normes sanitaires pour le secteur des arts de la scène, les salles de spectacle et les cinémas – COVID-19 de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).
La présidente de l'UDA Sophie Prégent
Photo : La production est encore jeune / Karine Dufour
On peut revenir à un scénario précovidien, des gens qui se touchent, qui s’embrassent et se tiennent proches les uns des autres
, souligne la présidente de l’Union des artistes (UDA), Sophie Prégent.
Cependant, les équipes techniques continuent de prendre leurs distances. Tout le monde doit porter le masque, incluant les artistes, dès que le tournage d’une scène est terminé.
Vaccination demandée pour les artistes
Dans l’équipe de la populaire série District 31, presque tout le monde est vacciné. Ça facilite grandement les tournages. Il y avait une personne qui ne l’était pas et qui devait tourner à deux mètres [de ses collègues], contrairement aux autres, alors elle a décidé d’aller se faire vacciner
, a expliqué Fabienne Larouche en conférence de presse.
Fabienne Larouche sur le plateau de Bonsoir bonsoir!
Photo : La production est encore jeune / Éric Myre
Les maisons de production peuvent demander une preuve de vaccination aux comédiennes et comédiens qui tournent des scènes intimes. D’ailleurs, c’est l’une des exigences du guide de la CNESST pour le tournage de ces scènes. L’employeur doit s’assurer que ses travailleurs sont vaccinés
, explique-t-on du côté des relations publiques de la CNESST.
Aucune preuve ne sera demandée à l’équipe technique. Ce n’est pas notre recommandation. Ça se justifie pour les comédiens. Mais on espère que les gens vont le faire; c’est une responsabilité sociale et communautaire de se faire vacciner, surtout quand on travaille dans une équipe
, soutient Hélène Messier.
L’UDA a également averti ses membres que la vaccination sera demandée dans les cas où le scénario le justifie.
Le premier point du guide des normes sanitaires est d’offrir un environnement de travail sécuritaire.
Et l’on sait pour le moment que la vaccination est la meilleure solution pour combattre la pandémie
Cependant, elle reconnaît que le problème est très complexe à gérer, entre la liberté individuelle et la responsabilité de se protéger. Mais il ne peut pas y avoir deux poids, deux mesures.
Sophie Prégent pense toutefois que la majorité des artistes, comme la population, considère la double vaccination comme la meilleure solution.
D’ailleurs, plusieurs ont fait des publications sur les réseaux sociaux au sujet de leur vaccination.
C’est ce que confirme la productrice Joanne Forgues, dont deux séries sont actuellement en tournage : C’est comme ça que je t’aime et 5e rang.
La plupart des comédiens sont vaccinés sur les deux plateaux. Ça facilite beaucoup la mise en scène. Quand on avait une scène de repas et que les gens étaient à deux mètres, c’était un peu étrange.
L’équipe de 5e rang, la série d’ICI Télé, a été la première à recommencer les tournages, en juin 2020. Néanmoins, Joanne Forgues est inquiète de la montée du variant Delta, qui pourrait forcer la santé publique à réimposer les limitations de temps et de distance, même pour les personnes doublement vaccinées.
L'équipe de tournage de la série «5e rang»
Photo : Productions Casablanca
Pénurie de main-d’œuvre
Le nombre élevé de tournages étrangers et le retard des productions québécoises, conséquence de la pandémie, engendrent aussi une pénurie de main-d’œuvre, comme dans de nombreux domaines, une situation qui n’existait avant qu’en période de pointe ou qui était limitée. Avec la reprise des tournages, le manque de personnel est criant.
Ça exerce une pression très grande sur le coût des tournages. C’est une nouvelle problématique avec laquelle on compose. Et les budgets de tournage en langue française sont très bas. Il est même impossible d’absorber des coûts supplémentaires.
Cette pénurie de personnel s’avère vraiment sévère selon l’AQPM. Est-ce qu’il y a moins de personnel, car des gens auraient changé de métier? Je ne le sais pas, mais on a une pénurie de main-d'œuvre et un accroissement des demandes de hausse de salaire. Des techniciens désertent les plateaux à quelques jours d’avis pour des contrats plus alléchants du côté américain
, ajoute Hélène Messier.
La pénurie de main d'œuvre est importante sur les plateaux de tournage.
Photo : getty images/istockphoto / guruXOOX
Outre les productions étrangères, les productions québécoises tournent à plein régime ou presque. L’an dernier, on n’était pas tant de gens que ça à tourner. Plusieurs ont eu peur et n’ont pas tourné. Maintenant, les diffuseurs ont besoin de matériel, donc on tourne. Certaines productions ont même été reportées à l’an prochain, à cause du manque de main-d’œuvre
, confirme Joanne Forgues.
Entraide entre les productions
La reprise des tournages, depuis juin 2020, a également été possible grâce à la solidarité entre les producteurs et les productrices. Ils se sont donné des trucs. Les premiers qui avaient expérimenté les tournages en temps de COVID ont conseillé et aidé leurs collègues. Il y a eu beaucoup de générosité pour que la reprise se passe le mieux possible. Tout le monde était conscient que s’il y avait des problèmes majeurs sur des plateaux, ça pouvait mettre à risque toute l’industrie
, mentionne Hélène Messier.
Masques, visières et panneaux de plexiglas font désormais partie de l’environnement de travail des plateaux de tournage.
Photo : Radio-Canada
Elle précise que des producteurs comme Guillaume L’Espérance, qui n’a jamais arrêté les tournages de Tout le monde en parle et de Bonsoir bonsoir, a proposé des mesures au gouvernement pour que d’autres puissent recommencer à tourner.
L’écoute du gouvernement nous a permis d’être l’un des seuls secteurs culturels qui ont pu continuer leurs activités. On a été précurseur au Canada et on est la seule province qui a eu ce programme de maintien des capacités de production
Sans cette aide financière, la reprise des tournages aurait été impossible. En effet, le gouvernement du Québec a pallié l’absence d’assurances COVID-19 pour les tournages.
La pandémie a même forcé les productions à prendre plus de temps pour les tournages. Honnêtement, je ne crois pas qu’on va revenir au temps d’avant. Les comédiens et les techniciens ne l’accepteront pas. On tournait trop vite
, conclut Joanne Forgues.
Finalement, si la situation est loin d’être idéale pour les différentes productions médiatiques, les mesures sanitaires mises en place ont fonctionné, puisque aucune éclosion n’est survenue sur les plateaux. Il n’y a eu que quelques cas de COVID-19 qui ont forcé l’arrêt temporaire de certains tournages, notamment ceux médiatisés de District 31 et du Bye bye 2021.