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Denis Villeneuve aux portes de Dune

Le cinéma est une véritable obsession et une compulsion pour Denis Villeneuve, à tel point que ses enfants se moquent de lui, dit-il. C'est cette obsession qui lui a permis d'accomplir son rêve de réaliser Dune et c'est cette compulsion qui l'incite à tenir tête à Hollywood pour sa sortie en salles. Entrevue.

Le réalisateur en chemise blanche donne des indications à d'autres personnes.

Denis Villeneuve et Javier Bardem sur le tournage de Dune

Photo : Warner Bros. / Chiabella James

Humble et réservé, Denis Villeneuve a frayé son chemin dans le brouhaha d'Hollywood depuis le triomphe à l'international avec son film Incendies (2010), enchaînant les succès Prisoners (2013), Enemy (2013), Sicario (2015), Arrival (2016) et Blade Runner 2049 (2017). À deux semaines de la première mondiale à la Mostra de Venise de la première partie de son adaptation du roman Dune, un des films les plus attendus de l'année, nous avons discuté pendant trente minutes.

Il s'agit sans aucun doute d'un grand moment pour le cinéaste, qui depuis un jeune âge voue un culte pour ce chef d'orchestre de la science-fiction qu'est Frank Herbert.

C'est un livre que j'ai dû lire au début de l'adolescence vers 13 ou 14 ans. Ce qu'on suit, c'est l'histoire d'un jeune homme qui se cherche, qui définit son identité, qui a de la difficulté à négocier avec son héritage génétique, familial et politique, explique-t-il. Cette exploration des névroses, cette exploration du joug du passé, des voix intérieures, de comment on est influencé par notre éducation, génétiquement aussi, on transporte des douleurs, des colères, des générations précédentes. C'est quelque chose qui était présent dans Incendies aussi, ce sont des thèmes qui m'inspirent beaucoup.

Après avoir été inspirée, l'adaptation de Dune a été un marathon longuement réfléchi. Il y a trente ans, le cinéaste de Bécancour a participé à l'émission La course Europe-Asie qu'il a remportée et pendant laquelle il a visité la Jordanie. C'est dans ce pays qu'il a tourné Incendies puis Dune.

J'ai découvert la Jordanie durant la course, je suis allé tourner là-bas. J'étais attiré par le désert et à l'époque, je voulais faire un film sur les Nabatéens, sur l'architecture de Pétra. Quand j'ai découvert cet espace-là et quand je suis retourné pour tourner Incendies, je me souviens d'avoir exploré des zones et de me dire que si jamais je faisais un film sur Dune, c'est ici que je le ferais, raconte-t-il.

Ce sont des paysages qui me rappelaient les descriptions de Frank Herbert. Il y a une force dans le paysage jordanien. Comme disait un de mes collaborateurs, c'est un paysage tellement gigantesque que même si tu es athée tu te mets à croire en Dieu.

Dune, prise deux

Denis Villeneuve connaît le roman Dune presque par cœur. Depuis ses débuts, sa vision semble être guidée par la grande phrase clé du roman de Frank Herbert : Je ne connaîtrais pas la peur, car la peur tue l'esprit.

Le Dune de David Lynch sorti 1984 avait laissé Denis Villeneuve sur son appétit, même s'il est un grand admirateur du réalisateur américain.

On pourrait y voir un geste d'une immense arrogance de venir faire une autre adaptation de ce roman-là après celle de David Lynch. [...]J'ai senti que depuis le début, en voyant le film de Lynch, que c'est pas le film que j'avais rêvé. Je sentais qu'il y avait de la place pour une autre interprétation. Donc c'est juste un geste d'amour envers Frank Herbert, explique-t-il.

Et pour ce geste d'amour, le réalisateur a beaucoup appris de son film Blade Runner 2049, un succès critique, mais pas le succès commercial escompté.

Le film Blade Runner 2049 avait la réputation d'être long et intellectuel. Comme réalisateur, on ne m'a pas donné tout l'argent du monde pour faire Dune, j'ai dû le faire dans un cadre précis parce que j'étais le gars qui venait de faire Blade Runner 2049.

On est aussi bon que le dernier film qu'on a fait dans ce milieu-là. Ça fait partir du jeu.

Une citation de Denis Villeneuve

Le Dune de Denis Villeneuve est une adaptation de près de 200 millions de dollars mettant en vedette une impressionnante distribution incluant entre autres Timothée Chalamet, Rebecca Ferguson et Oscar Isaac.

Un homme et une femme debout dans le désert avec des fils dans le nez.

Le reportage de Louis-Philippe Ouimet

Photo : Chiabella James Warner

La sortie du film a été repoussée à cause de la pandémie et sa mise en marché a été maintes fois revue et corrigée. Warner Bros. a décidé en décembre 2020 de distribuer Dune aux États-Unis simultanément dans les salles de cinéma et sur son site de visionnement en ligne HBO MAX, ce qui a provoqué la colère de Denis Villeneuve, qui a écrit une lettre ouverte vitriolique dans le magazine Variety.

Je maintiens ma position. L'idée que dans la crise il y a une décision unilatérale de sortir toute une série de films simultanément sur grand écran et dans un service de streaming, le premier problème est ne pas avoir consulté personne. C'est un coup de poignard dans le dos pour moi. Le cinéma est un travail d'équipe. Je n'y crois pas du tout à ce modèle-là.

Ça m'a mis en colère et j'ai dit ce qui me semblait juste, ajoute-t-il. Ce qui est dit est vrai. Il n'y avait pas de mauvaise foi. Je dédie ma vie au cinéma et le grand écran fait partie du langage.

Il n'y a rien de plus touchant que d'être dans une salle de cinéma et de vivre une vague d'émotions, on ne peut pas vivre ça à la maison. Les gens qui vont voir Dune à la maison n'auront pas du tout la même expérience.

Une citation de Denis Villeneuve

Tout pour l'amour du cinéma

Diplômé en cinéma de l'UQAM, Denis Villeneuve a un parcours impressionnant et il est parmi les réalisateurs les plus en vue. Il y a trente ans, il remportait La Course Europe-Asie, mais pour lui ça fait mille ans.

Un film, c'est comme un autoportrait, comme on se voit à l'adolescence, on voit juste les défauts. Donc je revois mes films tranquillement dans le temps, explique-t-il. Pour des raisons techniques, j'ai dû revoir Maelström après 20 ans. C'est la première fois que je pouvais vraiment recevoir le film sans avoir toute la charge émotive qui vient avec la fabrication du film. Chaque film comporte son lot de déception, de colère, de déception face à soi-même. Ça prend du temps avant de pouvoir faire la paix avec ses films.

Incendies a célébré l'an dernier son dixième anniversaire. Un film qui l'habite encore, car Denis Villeneuve ne cesse de réfléchir en images.

Pour expliquer son ascension au firmament d'Hollywood, il nous confie ceci : moi, je fais juste du cinéma! J'en mange, c'est ce que je fais, c'est ma vie!

Le cinéma c'est ce qui m'a permis d'être en relation avec le monde. C'est une obsession.

Une citation de Denis Villeneuve

Mes enfants se moquent de moi parce que tous mes temps libres sont consacrés à ça. Donc il y a peut-être un côté compulsif, obsessif qui fait que ça m'a poussé là, admet-il. Le reste, il y a eu beaucoup de chance aussi. Dans tout mon parcours, il y a eu beaucoup de moments clés. J'ai eu un flair aussi pour m'associer aux bonnes personnes.

Dune en première mondiale

Dune sera présenté en première mondiale le 3 septembre à la Mostra de Venise, un festival qui a une portée symbolique pour Denis Villeneuve. Il s'y était déjà rendu en 2011 pour la sortie de son film Incendies et en 2016 pour son film Arrival.

Je vais être soulagé quand je vais être assis dans la salle. Les choses progressent tellement rapidement et il y a tellement de changements au quotidien. Je vais y croire quand je vais être assis là-bas. Je dirais que c'est un exercice de lâcher-prise la sortie de ce film. [...] Ça va sortir dans un contexte imparfait et j'accepte le fait que c'est la sécurité des gens avant tout.

Denis Villeneuve affirme qu'il n'y a pas de version de quatre ou six heures de son film, que celle qui sera aussi présentée au Festival international du film de Toronto en septembre et dans les salles de cinéma le 22 octobre sera la bonne. On lui souhaite, car Warner Bros. attendra les résultats du box-office avant de financer le tournage de la deuxième partie.

Denis Villeneuve garde la tête froide, concentré sur la sortie de Dune (première partie). Pour la suite, on verra. J'essaie de ne pas trop m'éparpiller. Je suis quelqu'un d'assez monomanique. J'essaie de travailler sur un projet à la fois. La deuxième partie de Dune sera une priorité. Je commence à travailler sur un film sur la vie de Cléopâtre, qui est un projet qui m'habite depuis longtemps. C'est un projet que je n'aurais pas osé faire il y a dix ans, mais que maintenant j'ai les connaissances techniques pour pouvoir faire le film dont je rêve.

Il y a le deuxième livre de Dune, Le Messie de Dune, qui pourrait faire un film extraordinaire, croit-il. J'ai toujours vu qu'il pourrait y avoir une trilogie, après ça on verra. C'est des années de travail, je ne vois pas aller plus loin que ça.

Des extraits de cette entrevue seront diffusés le vendredi 20 août au Téléjournal avec Patrice Roy et au Téléjournal 22 h de Radio-Canada.

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