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Des geeks contre la COVID-19

Dans la lutte contre le coronavirus, la France place son personnel soignant en « première ligne ». En « seconde ligne », les livreurs, les caissières et les employés du transport en commun. Et les geeks? Souvent dans l’ombre, ils mettent aussi leur savoir-faire au service de la nation. Visite à Nantes, l’un des bastions français des startups numériques.

Benoit Furet, Patrick Le Callet et Yannick Ouvrard portent le masque.

Trois des enseignants de l'Université de Nantes impliqués dans divers projets visant le coronavirus. De gauche à droite : Benoit Furet, Patrick Le Callet et Yannick Ouvrard.

Photo : Radio-Canada / Yanik Dumont Baron

La pièce est vaste. Un puits de lumière artificielle donne l’illusion permanente d’un bel après-midi ensoleillé. Sur les tables installées pêle-mêle, du bric-à-brac de bricoleur : pistolet à colle, circuits électroniques, pièces de plastique.

Depuis quelques semaines, la salle de conférence de l’incubateur « le Palace » de Nantes a trouvé d’autres fonctions. Ce qu’on fabrique ici, c’est un appareil médical crucial dans la lutte contre le coronavirus : un respirateur artificiel.

Quentin Adam devant le MakAir.

Quentin Adam expliquant le fonctionnement de la MakAir. Au bout du tube, une poche de plastique qui simule un poumon humain à gonfler.

Photo : Radio-Canada / Yanik Dumont Baron

Assis au centre de tout ce bazar, il y a Quentin Adam, ingénieur, patron d’une boîte qui oeuvre dans le numérique. Son confinement, il s’apprêtait à le passer bien tranquille à la maison, à bosser à distance.

Le 16 mars, le discours du président Emmanuel Macron lui fait prendre conscience que les hôpitaux français n’ont pas assez de respirateurs artificiels pour soigner tous ceux qui pourraient être touchés par le coronavirus.

COVID-19 : tout sur la pandémie

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Une représentation du coronavirus.

Quentin Adam n’a que 31 ans et aucune connaissance médicale pointue. Il s’attaque quand même à ce problème. Dans les heures qui suivent, il contacte des connaissances, pose des questions. Rapidement, le collectif Makers for Life est créé.

En quelques semaines, le groupe a accouché du MakAir, un « respirateur de crise » aux fonctionnalités minimales requises pour maintenir en vie un patient atteint du coronavirus.

Un appareil déjà en voie de certification par les autorités médicales françaises.

Agir avec les moyens du bord

La recette tient à peu de choses : beaucoup d’heures de travail (et peu de temps pour le sommeil), des imprimantes 3D, les bons contacts.

Et beaucoup d’ingéniosité.

Le MakAir a été réalisé entièrement avec les pièces disponibles accessibles au grand public, comme un moteur de drone et des piles de mobylette.

Le MakAir ressemble à une boîte de plastique.

Le plus récent prototype de la MakAir, un respirateur artificiel à l'étude par les autorités françaises de réglementation médicale (ANSM).

Photo : Radio-Canada / Yanik Dumont Baron

Les fabricants traditionnels de respirateurs avec des pièces spécifiques, on ne veut pas les déranger, explique Quentin Adam. On ne veut pas leur piquer des composants dont ils ont besoin.

Une partie des pièces a été fabriquée à l’aide d’imprimantes 3D prêtées au collectif. Des imprimantes qui ont permis d’accélérer tout le processus.

Les 10 premiers jours, on a tout fait en plastique pourri, lance Quentin Adam. Des prototypes de plastiques modelés et testés dans les minutes suivant leur impression.

C’est une façon de faire plus rapide, qui est issue du monde du logiciel. Une façon très startup d’aborder les problèmes, en testant toutes les hypothèses pour arriver rapidement à la bonne.

Le principe du logiciel libre guide aussi les travaux. Les plans de la machine sont accessibles à tous sur le site Internet du collectif. On dit aux gens : “prenez ce qui est le plus simple à trouver pour vous”.

Ce besoin de faire autre chose

Cette façon de faire, différente, rapide, c’est un regard extérieur à une industrie, soutient Francky Trichet, adjoint au maire de Nantes pour l’innovation et le numérique.

Une façon de faire autrement qui devrait permettre de fabriquer tous les respirateurs artificiels dont la France a besoin pour ses patients COVID-19 et en moins de temps que les entreprises ordinaires ne le sont capables.

Un projet qui fait la fierté de Ricky Trichet. Comme d’autres projets, en développement dans la Halle 6 de l’Université de Nantes.

Dans la vaste agora au centre de l’édifice, des employés s’affairent à monter des visières de protection pour les caissières, les préposées aînées.

Des bureaux, des boîtes et des travailleurs dans un grand espace.

L'agora de la Halle 6 de l'Université de Nantes transformée en mini-usine de production de visières de protection.

Photo : Radio-Canada / Yanik Dumont Baron

Des visières conçues par une équipe parisienne, raffinées par des collègues de Nantes. Vingt-deux mille visières seront produites en quelques semaines. Un effort imité à plusieurs endroits en France.

C’est de la mise en commun des travaux des uns et des autres, lance Benoît Furet, un des enseignants de l’Université de Nantes. C’est aussi une façon, avec notre savoir, de contribuer à lutter contre tout ce qui se passe.

Des solutions parfois toutes simples

Et les idées ne manquent pas. Avec des confrères, Patrick Le Callet a réfléchi aux façons de redonner un peu de confiance aux parents qui doivent renvoyer leurs enfants à l’école sous peu.

Quand on se lave les mains, on ne sait pas si c’est bien lavé, reconnaît cet enseignant au Laboratoire des sciences du numérique de l’Université.

Il a trouvé une solution toute bête : mélanger de la fluorine à une solution désinfectante. Les mains lavées sont passées sous une lampe ultraviolette. Les endroits qui ne sont pas fluorescents sont mal lavés.

Des mains s'illuminent sous la lumière noire.

Le concept de Corridoor permettant de vérifier où les mains ont été mal lavées. Une solution fluorescente indique les endroits où le gel désinfectant a été appliqué.

Photo : Radio-Canada / Yanik Dumont Baron

On veut rendre visible l’invisible, lance-t-il, en regardant les mains d’un cobaye. Regardez les pouces. Ce n’est pas bien fait. Une solution bon marché, si simple qu’elle paraît enfantine.

Une solution bien utile pour apprendre, une fois pour toutes, à se laver correctement les mains. Ça ne sert pas qu’aux enfants, ça sert aussi aux adultes.

L’idée est baptisée Corridoor et pourrait bien être adoptée par des écoles en France, qui doivent organiser un retour controversé des élèves dans leurs classes.

Un peu à l’écart, Francky Trichet regarde la scène, fier de toutes ces idées sortant de son université. Il entrevoit tout ça comme une des grandes leçons de cette crise.

Il parle du besoin de créer des circuits courts pour la matière grise. Un peu comme ce mouvement qui cherche à éliminer les intermédiaires entre les agriculteurs et leurs clients.

Ça va permettre d’anticiper, croit-il, de se dire : “et si on faisait, localement, une solution qui peut rayonner?”.

Rayonner, comme ces geeks collaborant pour lutter contre le coronavirus.

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