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La déesse des mouches à feu : criant de vérité

Un groupe de jeunes marchent sur un chemin avec un chien.

Le reportage de Louis-Philippe Ouimet

Photo : Entract Films

Présenté en grande première mondiale et en compétition dans la catégorie « Generation 14plus » de la Berlinale 2020, La déesse des mouches à feu, d'Anaïs Barbeau-Lavalette, est un film coup de poing, brutal et qui dérange.

Le roman La déesse des mouches à feu (Le Quartanier, 2014), de l'autrice Geneviève Pettersen, s'est écoulé à des dizaines de milliers d'exemplaires et, après l'avoir dévoré en une seule nuit, la réalisatrice Anaïs Barbeau-Lavalette a décidé d'en faire un film. La belle idée!

Le roman met en scène Catherine, une adolescente de 14 ans aux prises avec le divorce de ses parents pas toujours parfaits dans le Chicoutimi-Nord des années 1990. Cette période trouble pendant laquelle on achetait d'un côté des Discman tout en faisant, de l'autre côté, des cassettes de nos chansons préférées.

En pleine crise existentielle, Catherine se tourne vers la fête et la drogue. La mauvaise idée. Il y a beaucoup du vécu de Geneviève Pettersen là-dedans, qui s'était fait dire à l'époque, par le directeur de son école, qu’elle ne ferait jamais rien de [sa] vie si [elle] continuait comme ça.

Le film, maintenant.

Dans la vision cinématographique d'Anaïs Barbeau-Lavalette, Catherine a 16 ans. La réalisatrice explique ce vieillissement par cette volonté de se rapprocher le plus possible de l'âge de l'actrice Kelly Depeault, qui a 17 ans.

Je crois aussi que c'est parce que certaines scènes n'auraient tout simplement pas passé la rampe auprès d'un certain public. Je pense aux deux scènes crues  – ça fait longtemps qu’on n’avait pas vu ça – et à toutes celles où l'adolescente enfile à plein nez des « clés » de cocaïne. Pendant près de deux heures, il y a plus de drogue dans ce film que pendant toute la tournée des Rolling Stones de 1973. On fume, on boit, on sniffe à qui mieux mieux.

Dans tout ce tourbillon, Catherine dit : « Je m'en fous » et mange ses céréales tout en buvant de la bière. Pendant ce temps, son père écoute du Offenbach (Ayoye! Tu me fais mal, à mon cœur d'animal) et sa mère mange une barre nutritive en guise de repas tout en regardant les pylônes électriques derrière sa cour. Le courant ne passe plus dans cette famille. Débarquent alors des bottes faites en peau de serpent. Quel zoo!

L'adolescence est la période de l'amour fou, de l'amour éternel, de l'amour trahi et de l'amour niaiseux. Malgré les avertissements, les signaux d'alarme, il n'y a souvent rien à faire. La situation est tellement absurde qu'à un moment donné, il faut bien écouter Rock 'n' Roll Suicide, de David Bowie, ou, encore mieux, Seul au combat, des BB.

« Filmer de façon intime »

Le mérite de la réalisatrice Anaïs Barbeau-Lavalette est d'avoir trouvé un équilibre pour illustrer tout ce déséquilibre que constitue le période trouble de l'adolescence. Ces jeunes, qui se tuent à petit feu à force de vouloir trop vivre, trop vite, elle les a bien transposés à l'écran.

J'avais le goût de filmer de façon intime, nous a-t-elle confié.

Par ailleurs, tous les jeunes comédiens (Kelly Depeault, Robin L'Houmeau, Noah Parker, Éléonore Loiselle, Antoine Desrochers et Marine Johnson) crèvent l'écran. Caroline Néron marque ici un retour au jeu après 13 ans d'absence. Elle est parfaite dans son rôle de mère au bout du rouleau. Normand D'Amour incarne aussi avec force le rôle du père.

La plus belle scène de ce film, qui brille par sa vérité et sa sincérité, est sans aucun doute celle de ces imperméables entrelacés sous la pluie, montrant de façon sublime l'impuissance devant le chaos. Le directeur de la photographie Jonathan Decoste n'a visiblement pas mangé ses céréales avec de la bière pendant ce jour de tournage.

Près de 800 personnes ont assisté à la première mondiale du film présenté à la Berlinale. Il n'y a pas eu d'ovation, mais des applaudissements nourris.

Car La déesse des mouches à feu dérange; il est frontal et s'adresse à un public averti. Je ne suis pas convaincu que tous les lecteurs et lectrices du roman accepteront la proposition. Ce n'est pas tout le monde qui voudra vivre cette descente aux enfers.

La question, maintenant : le film remportera-t-il un Ours de cristal à la Berlinale? Les paris sont ouverts!

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