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La loi sur la protection des milieux humides sera assouplie

« C’est sans doute au printemps prochain qu’on arriverait avec une proposition de modifications pour corriger un certain nombre d’irritants très très importants », a déclaré le ministre de l’Environnement du Québec.

Une étendue d'eau entourée de végétation.

Les milieux humides filtrent l’eau contaminée. Ils agissent comme des éponges et préviennent les inondations ou l’érosion des berges.

Photo : Radio-Canada / Pier Gagné

Un enregistrement obtenu par l’émission La semaine verte révèle que le ministre de l’Environnement, Benoit Charrette, a l’intention d’assouplir la loi sur les milieux humides et hydriques. Jugée essentielle dans la lutte contre les changements climatiques, cette loi a soulevé l’ire du monde agricole, qui tente de la faire amender depuis son adoption en 2017.

Patrick Déry est un des producteurs agricoles touchés par cette loi. Il pratique l’agriculture de subsistance à La Baie, au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Il comptait éventuellement remettre en culture un boisé de 26 hectares. Or, il a récemment appris que le gouvernement considère désormais ce boisé comme une tourbière, un milieu humide protégé.

Si M. Déry s’entête à cultiver ce terrain, payé 40 000 $ il y a quatre ans, il devra donner 7,8 millions de dollars en compensation au gouvernement.

Patrick Déry.

Patrick Déry, producteur agricole à La Baie, au Saguenay–Lac-Saint-Jean.

Photo : Radio-Canada / Pier Gagné

C’est une forme d’expropriation, mais sans compensation! On ne reçoit aucun sou, mais on dit : “Vous n’êtes plus chez vous”.

Une citation de Patrick Déry

Une loi adoptée après des années d’abus

Québec a adopté la loi sur les milieux humides et hydriques après des années d’abus.

Entre 1990 et 2011, 19 % des milieux humides des basses terres du Saint-Laurent ont été détruits. Une grande perte, selon Stéphanie Pellerin, de l’Institut de recherche en biologie végétale de l’Université de Montréal.

Stéphanie Pellerin.

Stéphanie Pellerin, de l’Institut de recherche en biologie végétale de l’Université de Montréal.

Photo : Radio-Canada / Pier Gagné

Parce qu’on a beaucoup de superficies de milieux humides au Québec, on n’a pas l’impression de l’urgence quand on les détruit. Mais ils sont excessivement importants.

Une citation de La chercheuse Stéphanie Pellerin

La chercheuse a coprésidé un comité chargé de faire le point sur la destruction des milieux humides de la province en 2012 pour le compte du gouvernement. Son rapport a ouvert la voie à l’élaboration de la loi actuelle qui vise zéro perte nette de milieux humides.

Un milieu humide complètement détruit.

Québec a adopté la loi sur les milieux humides et hydriques en 2017, après des années d’abus.

Photo : Radio-Canada / Pier Gagné

Des outils dans la lutte contre les changements climatiques

Les milieux humides, comme les marécages ou les tourbières, rendent d’importants services à la population. Ils filtrent l’eau contaminée; en absorbant les surplus d’eau, ils agissent comme des éponges et préviennent les inondations ou l’érosion des berges.

Les tourbières, en particulier, sont de formidables outils dans la lutte contre les changements climatiques. Elles séquestrent 33 % du carbone de la planète. Mais on les a trop longtemps sous-estimées, les considérant souvent comme de simples « mares à grenouilles ».

Une étendue d'eau entourée d'arbres.

Les tourbières sont de formidables outils dans la lutte contre les changements climatiques.

Photo : Radio-Canada / Pier Gagné

De là l’idée de stopper leur destruction en imposant des compensations financières salées à ceux qui voudraient tout de même les exploiter.

L’argent ainsi recueilli par le ministère de l’Environnement est désormais versé dans un fonds dédié à la création ou la restauration d’autres milieux humides.

Les agriculteurs parmi les plus touchés

Avec les promoteurs immobiliers et les municipalités, les agriculteurs sont parmi les plus touchés par la loi. Pour déterminer les zones à protéger, Québec a amorcé la cartographie de la province à l’aide de photographies aériennes et d’images satellites.

Certaines régions, comme l’Abitibi, ont annoncé qu’avec la nouvelle loi, 50 % de leur territoire serait considéré comme un milieu humide, mais cela n’a pas été validé par la cartographie officielle.

Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, par contre, les données qui servent de cadre législatif sont disponibles depuis le printemps 2019. Aujourd’hui, 17 % du territoire de la région est protégé en vertu de la loi sur les milieux humides et hydriques. Au grand déplaisir de Mario Théberge, de l'Union des producteurs agricoles du Saguenay–Lac-Saint-Jean.

Mario Théberge.

Mario Théberge, président de l'Union des producteurs agricoles du Saguenay–Lac-Saint-Jean.

Photo : Radio-Canada / Pier Gagné

Moi, les grenouilles ne m’appartiennent pas. S’il y a un crapaud ou un poisson ou une tortue des bois chez nous et que c’est important pour la collectivité de les protéger, c’est à la collectivité de prendre les mesures en conséquence, tonne le président de l’organisation locale.

Le syndicat des agriculteurs plaide pour que le gouvernement compense ses membres pour la perte des terres qu’ils auraient éventuellement mises en culture, ou même qu’il les exproprie.

De passage dans la région le 16 septembre dernier, le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, leur a donné espoir. Au cours de la période de questions qui suivait la présentation d’un plan régional d’électrification, il a affirmé vouloir assouplir la loi sur les milieux humides.

Le ministre au micro, entouré d'autres personnes.

Le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, lors de la présentation d’un plan régional d’électrification, le 16 septembre 2019 au Saguenay–Lac-Saint-Jean.

Photo : Radio-Canada

L’enregistrement sonore de cet échange était passé sous le radar jusqu’à présent. Avec l’exercice, on se rend compte qu’elle a été adoptée trop rapidement [...]. C’est sans doute au printemps prochain qu’on arriverait avec une proposition de modifications à ce niveau-là pour corriger un certain nombre d’irritants très très importants, a-t-il déclaré.

Impossible de connaître la teneur de ces modifications, notre demande d’entrevue ayant été refusée.

Chose certaine, Stéphanie Pellerin, dont le rapport a pavé la voie à l’élaboration de la loi, est déçue. Pour une fois qu'on faisait un pas important pour la protection de l'environnement au Québec! Est-ce qu'on va faire confiance encore aux institutions pour protéger notre environnement?

Les agriculteurs eux, attendent les changements promis avec impatience.

Le reportage de Julie Vaillancourt et Pier Gagné est diffusé le 11 janvier à 17 h, à l’émission La semaine verte sur ICI TÉLÉ.

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