Institut Confucius : le Nouveau-Brunswick soupçonne de l'ingérence chinoise dans ses écoles
Institut Confucius du Nouveau-Brunswick
Photo : Institut Confucius du Nouveau-Brunswick
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Des milliers d'élèves suivent les cours de l'Institut Confucius au Nouveau-Brunswick. Selon le ministre de l'Éducation, Dominic Cardy, la douzaine d'enseignants en poste dans la province sont des « représentants » du Parti communiste chinois, et il compte retirer cette organisation des écoles et du gouvernement.
[Ce] n’est pas une action contre le peuple chinois, mais une action contre un gouvernement qui ne représente pas les valeurs de notre pays.
L’Institut Confucius est un établissement public à but non lucratif qui vise à faire des partenariats avec différentes instances académiques et gouvernementales dans le monde. Il a fait son entrée au Nouveau-Brunswick il y a une dizaine d’années.
Le programme financé en grande partie par le gouvernement chinois promeut la culture et l’enseignement du mandarin. Au Nouveau-Brunswick, 28 écoles anglophones accueillent des enseignants de l’Institut Confucius.
Plus de 5000 élèves ont participé au programme au Nouveau-Brunswick en 2016, selon l’Institut Confucius du Nouveau-Brunswick.
Plaintes contre l’Institut Confucius
Dominic Cardy dit avoir reçu cinq plaintes d’élèves qui ont assisté aux classes de l’Institut Confucius. Ils peignent un portrait sombre de la liberté d’expression dans les salles de cours.
L’un d’eux a essayé de discuter sur la question de la reconnaissance de Taïwan et le professeur lui a répondu qu’il lui était interdit d’avoir cette discussion
, relate M. Cardy. Les enseignants ne sont pas autorisés à parler des enjeux « difficiles » en vertu de leur contrat, spécifie le ministre.
La Fredericton High School est l'une des 28 écoles dans lesquelles le programme de l'Institut Confucius est enseigné.
Photo : Radio-Canada / Nicolas Steinbach
On interdit la propagande politique dans nos salles de classe pour les partis politiques canadiens, alors pour moi, c’est bizarre si on fait une exception pour le Parti communiste chinois qui est responsable d’un grand nombre d'atrocités historiques
, affirme Dominic Cardy.
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« Représentants » du Parti communiste chinois
La directrice de l’Institut Confucius du Nouveau-Brunswick est à la fois fonctionnaire du gouvernement du Nouveau-Brunswick et du gouvernement chinois. Elle a donc accès au carnet d’adresses du gouvernement provincial, souligne le ministre Cardy.
Ça me pose un problème et c’est pour ça qu’on a commencé le processus de retrait du programme.
Dominic Cardy se dit inquiet de la situation entourant l'Institut Confucius au Nouveau-Brunswick.
Photo : Radio-Canada / Nicolas Steinbach
Le ministre de l’Éducation s’inquiète de la filiation entre les professeurs de l’Institut Confucius et le Parti communiste chinois. Ce sont les représentants du parti, ils sont payés par une organisation qui s’appelle la Hanban qui est liée au ministère de l’Éducation, qui est lié au comité central du Parti communiste
, dit-il.
Le SCRS sur la piste
Le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) a dénoncé l’Institut Confucius il y a une dizaine d’années.
Le Service canadien du renseignement de sécurité a dénoncé l’Institut Confucius il y a plus de 10 ans.
Photo : Radio-Canada
L'ancien chef du bureau Asie-Pacifique du SCRS, Michel Juneau-Katsuya, compare l’Institut Confucius à un cheval de Troie. Le gouvernement chinois l’utilise afin de transmettre un certain savoir, mais aussi afin de faire des activités de renseignement et d’espionnage
.
En 2012, un fonctionnaire du gouvernement du Nouveau-Brunswick informe le SCRS d’une demande inusitée d’un employé de l’Institut Confucius. Il souhaite obtenir une adresse courriel lui permettant d’accéder au carnet d’adresses et à la banque de données du gouvernement, relate M. Juneau-Katsuya. La requête est finalement refusée.
Michel Juneau-Katsuya, ancien agent du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS).
Photo : Radio-Canada
Programme surveillé de près
Lorsque l’Institut Confucius s’implante dans la province en 2008, Shawn Graham est premier ministre du Nouveau-Brunswick. Aujourd’hui consultant pour des entreprises chinoises, il retrace les débuts de l’Institut.
La vision était d'offrir plus d'opportunités à nos étudiants avec l’objectif de créer un étudiant international
, soutient M. Graham.
Shawn Graham, ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick.
Photo : Radio-Canada / Nicolas Steinbach
Shawn Graham affirme que les cours de l'Institut Confucius étaient surveillés de près à l’époque. Je n’ai jamais entendu, alors que j’étais premier ministre, de rapports des districts scolaires qui indiquent que les enseignants ne suivaient pas les instructions en place.
Abandonner un programme aujourd’hui parce que deux ou trois étudiants se sont plaints qu’ils ne pouvaient pas parler de politique chinoise en salle de classe, je pense qu’il serait préférable de faire une révision du programme à la place
, estime Shawn Graham
Comment voulez-vous envoyer votre premier message à la Chine?
, lance-t-il. Le Nouveau-Brunswick doit demeurer prudent en cette période de tensions diplomatiques.
Crainte de représailles
Michel Juneau-Katsuya craint que le Nouveau-Brunswick ne subisse les contrecoups d’un divorce avec la Chine.
L’Université de Calgary voulait offrir un diplôme honorifique au dalaï-lama il y a quelques années. Le lendemain, la Chine indiquait que tous les diplômes en provenance de l’Université de Calgary n’allaient plus être reconnus en Chine et elle invitait ses étudiants à la quitter, ce qui a été une perte économique importante pour l’Université de Calgary
, relate l’expert en renseignement.
C’est la carte qu’ils vont jouer et le gouvernement du Nouveau-Brunswick risque d’en faire les frais.
C’est exactement à ce genre d’intimidation à laquelle il faut s’opposer
, martèle Michel Juneau-Katsuya, qui souhaite voir le gouvernement fédéral jouer son rôle.
La fin de l’Institut Confucius?
Malgré la demande des partis d'opposition de réviser le programme, Dominic Cardy n’a pas l’intention de faire marche arrière.
On a besoin de prendre des actions, on a déjà fait les recherches, on a déjà les preuves et les expériences vécues par les autres États et les autres pays
, clame le ministre de l’Éducation. Nous allons retirer l’Institut Confucius de nos écoles.
Il dit avoir déjà informé les membres du Cabinet et le premier ministre Blaine Higgs de son intention. Il étudie maintenant les clauses contractuelles entre la province et l’Institut. Le retrait du programme pourrait avoir lieu dès la fin de l’année scolaire en cours.