30 ans de tramway à Grenoble : quelles leçons pour Québec?
Le tramway de Grenoble
Photo : Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
En 1987, la ville de Grenoble, en France, célébrait l'inauguration de sa première ligne de tramway. Aujourd'hui, son réseau s'étend sur plus de 40 kilomètres et génère 240 000 déplacements quotidiens. Nous nous y sommes rendus pour comprendre les clés de son succès.
« Toutes les oppositions avant le tramway sont devenues des approbations après son installation », lance fièrement Michel Destot, maire de Grenoble de 1995 à 2014.
C’est sous son administration que le réseau municipal de tramway a explosé, passant d’une à cinq lignes.
La plus récente, inaugurée en 2015, s’étire vers la banlieue nord. Selon Michel Destot, le tramway a permis d’embellir la ville et de resserrer les liens entre les différents quartiers.
On a pu faire des efforts considérables en matière d’amélioration de la qualité de la vie. On a une meilleure articulation entre les commerces et les lieux de loisirs. Les équipements collectifs sont mieux desservis.
Deux villes similaires
Avec une population de 450 000 habitants, Grenoble se compare à Québec et ses 580 000 habitants.
La superficie des deux agglomérations est quasi identique, avec 540 kilomètres carrés pour Grenoble et 546 kilomètres carrés pour Québec.
La ville de Grenoble
Photo : Radio-Canada / Bruno Giguère
Là où Grenoble se distingue de la capitale nationale, c’est sur le plan de son centre-ville. Avec 8800 habitants au kilomètre carré, il est presque deux fois plus dense que celui de Québec.
Michel Destot y voit une bonne nouvelle pour l'administration Labeaume quand viendra le temps de lancer le chantier du tramway à Québec.
« Vous avez un avantage de ce point-là parce que vous avez des artères plus larges, dit-il. Ce sera plus facile. »
Michel Destot a été maire de Grenoble pendant près de 20 ans.
Photo : Radio-Canada / Bruno Giguère
Popularité
La popularité du tramway saute aux yeux à Grenoble. Au-delà des rames bondées aux heures de pointe, les statistiques d’achalandage impressionnent.
Chaque jour, environ 240 000 déplacements sont enregistrés dans les 81 stations, ce qui représente les deux tiers de toute la fréquentation du réseau de Transports de l’agglomération grenobloise (TAG) qui comprend aussi 46 parcours d’autobus.
Une résidente de Grenoble attend le tramway.
Photo : Radio-Canada / Bruno Giguère
En 10 ans d'ailleurs, le nombre de déplacements sur le réseau TAG a augmenté de 17,5 % grâce notamment au tramway. En 2018, 87 millions de déplacements ont été enregistrés sur le réseau.
En comparaison, durant la même période, la fréquentation du Réseau de transport de la Capitale (RTC) a augmenté de 9,7 % et le nombre de déplacements plafonne autour de 32 millions annuellement.
Des tarifs compétitifs
Derrière ce succès se cache aussi une grille tarifaire compétitive.
Un passage unique à bord du tramway coûte 1,60 €, soit environ 2,40 $ CA. À titre comparatif, il faut débourser 3,50 $ pour monter à bord d’un autobus du Réseau de transport de la Capitale (RTC).
Le réseau TAG propose aussi un laissez-passer mensuel pour les 18-24 ans à 15 € (22,50 $) et souhaite offrir la gratuité d'ici quelques années.
Yann Mongaburu est président du Syndicat mixte des transports en commun (SMTC) de Grenoble.
Photo : Radio-Canada
« La mobilité, c’est un droit. Il faut permettre à chacun, quel que soit son revenu, de pouvoir se déplacer », tranche Yann Mongaburu, président du Syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération grenobloise (SMTC).
Réduire la circulation automobile
Grenoble a aussi adopté plusieurs mesures dissuasives pour limiter la circulation automobile au centre-ville et favoriser les transports collectifs.
La limite de vitesse a été abaissée à 30 km/h dans 80 pour cent des rues de Grenoble.
Photo : Radio-Canada / Bruno Giguère
En 2016, la limite de vitesse a été abaissée à 30 km/h dans 80 % des rues et, dès l'année suivante, la tarification des parcomètres a été décuplée.
Pour contrer le stationnement longue durée, après deux heures, le tarif des parcomètres passe à un euro la minute. À titre d’exemple, se stationner deux heures et demie sur la rue à Grenoble coûte 35 €!
Mais comme les stationnements publics sont peu nombreux, la mesure suscite le mécontentement.
Les Français surnomment Grenoble la « capitale des Alpes ».
Photo : Radio-Canada / Bruno Giguère
L’Automobile Club de Grenoble accuse la mairie d’aller trop loin et de faire preuve de dogmatisme écologique.
Je ne sais pas exactement quelle est la théorie, mais je sais qu’en pratique, les gens ont besoin de leur voiture!
Le maire de Grenoble, Éric Piolle, assure qu’il n’a pas déclaré la guerre à l’auto.
« La question n’est pas de chasser la voiture, mais de donner plus de place aux nouveaux moyens de déplacement », plaide-t-il.
Éric Piolle est maire de Grenoble depuis 2014.
Photo : Radio-Canada / Bruno Giguère
À Québec, l'adoption du projet de loi sur le statut de capitale nationale à l'hiver 2016 a conféré à l'administration municipale un nouveau pouvoir général de taxation.
Le maire Labeaume n'a pas caché son intention de taxer un jour les stationnements de surface au centre-ville.
La mesure aurait inévitablement pour effet d'augmenter le coût du stationnement pour les usagers, voire à inciter certains propriétaires à modifier la vocation des terrains pour lancer des projets immobiliers.
Impossible par contre de savoir à quel moment cette nouvelle taxe sera instaurée.
Un chantier « infernal »
Difficile de passer sous silence les impacts du chantier du tramway. La ligne E, mise en service en 2015, traverse l’un des boulevards les plus fréquentés de Grenoble : l’avenue Jean-Jaurès.
Chantier d'implantation du tramway à Grenoble
Photo : Ville de Grenoble
Les travaux, qui ont duré deux ans, ont complètement paralysé le quartier. De nombreux commerces ont fermé.
La propriétaire de la Brûlerie des Alpes, Patricia Chemin, n’hésite pas à parler d’un chantier « infernal ».
Pour pallier la chute brutale de ses ventes au détail, elle s’est lancée dans la distribution de grains de café en gros.
Les travaux du tram sont très durs. Faut pas se voiler la face. Pour tous les commerces, c’est un passage qui est très difficile.
Patricia Chemin est propriétaire d'un café sur l'avenue Jean-Jaurès, au centre-ville de Grenoble.
Photo : Radio-Canada
Le passage du tramway combiné à l’aménagement de trottoirs élargis et d’une piste cyclable a forcé le retrait de deux voies de circulation dans chaque direction. La moitié des places de stationnement de l’artère ont été supprimées.
Quatre ans après la fin du chantier, le quartier demeure fragilisé et plusieurs locaux commerciaux sont à louer.
Des travaux de rénovation de façades et l’arrivée de nouvelles enseignes laissent cependant présager des jours meilleurs. Selon un fleuriste, l’avenue Jean-Jaurès se transforme pour le mieux.
Tramway à Grenoble
Photo : Radio-Canada / Bruno Giguère
« C’est un quartier qui bouge, s’enthousiasme Thomas Parriaut. Il y avait du monde avant quand c’était beaucoup de voitures. Il y a du monde aujourd'hui parce qu’il y a beaucoup de piétons et le tram. »
Malgré les irritants, personne à Grenoble ne semble remettre en question le tramway. Le plus récent projet de prolongement a été lancé sans la moindre opposition.
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30 ans de tramway à Grenoble : quelles leçons pour Québec? est le premier de trois reportages diffusés au Téléjournal Québec les 18, 19 et 20 février 2019 sur l'implantation du tramway à Grenoble, une ville comparable à celle de Québec. Nous nous sommes également rendus à Toronto afin d'aborder le fonctionnement d'un tramway dans des conditions hivernales. Ce reportage sera présenté jeudi.