Blade Runner 2049 est-il le chef-d’œuvre annoncé?
Le temps seul le dira, mais quelques indices permettent déjà de dire que le film de Denis Villeneuve, en salle le 6 octobre, passera l'épreuve du temps.
« Spectaculaire », « grandiose », « monumental », « de la haute voltige », etc. Depuis les premiers visionnements de la suite ultra attendue du Blade Runner culte, de Ridley Scott (1982), Blade Runner 2049, dans lequel Ryan Gosling joue K, un policier d’une unité spéciale (les Blade Runners) chargée de traquer les Réplicants (des androïdes aux attributs quasiment tous humains), a déclenché chez les journalistes et critiques une vague d’enthousiasme à la hauteur des ambitions affichées par ce film. Disons-le tout de suite, ces mots sont vrais.
Toutefois, ce qui frappe surtout dans l’hypnotique Blade Runner 2049, œuvre dense, stimulante et adulte, c’est à quel point le film parvient à refaire du cinéma une expérience artistique majeure en convoquant ses principes fondamentaux. Car Blade Runner 2049 comme tout vrai bon film de cinéma est :
Spectaculaire (comme Los Angeles sous la neige)
Si le mot a été galvaudé à force de films de superhéros aussi répétitifs que tonitruants, Blade Runner 2049 semble lui redonner ses lettres de noblesse. Avec ce film crépusculaire et ample, c’est à un véritable spectacle que convoque Denis Villeneuve. Un spectacle sensitif, sensuel, violent et froid, porté autant par les basses du compositeur Hans Zimmer qui rentrent sous la peau que par le travail époustouflant de netteté et de textures du directeur photo, Roger Deakins, ou par les multiples clins d’œil que le film n’hésite pas à faire (au vieux Blade Runner, bien sûr, mais aussi à l’Égypte antique, à Stanley Kubrick, à George Lucas, à Terry Gilliam, à Fritz Lang, à Wall-E)… En maître d’orchestre aguerri, Denis Villeneuve, d’un calme et d’une maîtrise époustouflants, révèle alors toute la beauté triste de cet univers complexe, tantôt sombre et oppressant, tantôt laiteux et glacial, dont chaque élément, sale, réaliste et follement physique, semble pouvoir être touché du doigt simplement en tendant la main vers l’écran.
Entêtant (comme un mouton électrique)
Si la beauté plastique de Blade Runner 2049 ne fait aucun doute, elle n’est qu’un élément de ce film dont l’atmosphère (parfois plus que l’intrigue qui, dans son dernier tiers, s’épaissit peut-être inutilement) captive le spectateur. De l’interprétation minimaliste et mystérieuse de Ryan Gosling à ce monde complet et impressionnant, s’étendant bien au-delà de la ville pluvieuse du premier film, aux personnages de femmes aussi nombreux que déstabilisants, en passant par ces plans-tableaux où Denis Villeneuve retrouve la meilleure amie de ses précédents films, la profondeur de champ, qu’il habille de 1001 détails ou dont il révèle au contraire l’immensité et le vide troublants, tout dans Blade Runner 2049 ne traduit qu’une seule certitude : ce film-là méritera d’être vu, revu et revu encore pour en comprendre toutes les subtilités, et sur grand écran, pour en mesurer toute l’ampleur.
Émouvant (comme un Replicant qui pleure)
Si Blade Runner 2049 réussit, avec un souffle étonnant, à marier ainsi poésie pure et puissance d’évocation renversante, c’est d’abord par les questions profondes, philosophiques et existentielles qu’il instille dans l’âme de son spectateur, le transformant vite en être saisi, captif et haletant. Si le premier volet se penchait ouvertement sur ce qui, au fond, fait de nous des humains, celui-ci met plutôt en jeu la disparition de l’humanité ou en tout cas son devenir pour le moins compliqué. Problèmes écologiques, consumérisme galopant, quête des origines, monde et êtres le peuplant montrés comme des illusions (évoquées autant textuellement que par les nombreux cadres de fenêtres ou de reflets), et réflexions spirituelles sans cesse ramenées à hauteur d’homme : Blade Runner 2049, avant d’être un objet de cinéma d’une inventivité rare, est surtout un film hanté par la mort, profondément mélancolique et qui incarne autant qu’il évoque la solitude intrinsèque de l’être humain, celle-là même qui le définit, bien plus, nous le comprenons maintenant, que les souvenirs ou l’empathie.
Blade Runner 2049, de Denis Villeneuve, en salle le 6 octobre.
La bande-annonce (source : YouTube)
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