L'Alberta a permis à une fondation privée d'offrir un programme de santé « expérimental »
Des pilules de vitamine D
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Prenez note que cet article publié en 2017 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Pendant plusieurs années, l'Alberta a permis à une fondation privée d'offrir un programme de santé non prouvé à la population albertaine qui a potentiellement pu, selon des professionnels de la santé, mettre à risque la santé de milliers de personnes vulnérables. La fondation Pure North, créée en 2007, a reçu une subvention de 10 millions de dollars malgré de nombreux avertissements concernant la sécurité, l'éthique et l'efficacité du programme.
Une enquête de CBC a permis de découvrir que Santé Alberta a déterminé que le programme offert par la fondation Pure North, établie à Calgary, n'était pas suffisamment appuyé par la science. Selon le ministère, sa distribution de doses élevées de vitamine D et d’autres éléments nutritifs pourrait constituer un risque élevé pour la santé.
La fondation se concentre sur les populations vulnérables telles que les sans-abri, les toxicomanes et les personnes âgées. Elle exploite des cliniques gratuites dans des endroits comme des refuges et des réserves autochtones. Le mandat de la fondation, un organisme de bienfaisance sans but lucratif, est de prévenir les maladies pour que la population se sente mieux et vive plus longtemps.
Des documents obtenus par CBC démontrent que certains participants auraient pu recevoir une variété de vitamines et de suppléments à haute dose. Selon les documents, des participants dans un refuge de Calgary auraient pu recevoir des doses de vitamine D allant jusqu’à 50 000 unités internationales (UI), tous les deux jours pendant six jours, et ensuite 10 000 UI tous les jours pendant deux mois. L’apport quotidien recommandé par Santé Canada est de 600 à 800 UI et la limite supérieure jugée sécuritaire par le régulateur fédéral est de 4000 UI.
Le programme, fondé par Allan Markin, un riche homme d’affaires du secteur pétrolier, est offert en Alberta, en Colombie-Britannique et en Saskatchewan.
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Le gouvernement mis en garde
C’est en décembre 2013 que le gouvernement progressiste-conservateur d’Alison Redford a accordé le financement à Pure North afin d’élargir un programme déjà existant, et ce, malgré les conseils de hauts responsables du ministère de la Santé.
Le Dr James Talbot, médecin hygiéniste en chef de l'Alberta, est l’un de ceux qui ont averti le gouvernement.
Selon lui, le programme est « expérimental » et comporte une série d’interventions qui ne sont pas largement soutenues par des chercheurs, comme l'administration de doses massives de vitamine D.
Il s'agit essentiellement d'un essai clinique humain.
Timothy Caulfield, directeur de recherche à l'Institut de Droit de la santé de l'Université de l'Alberta
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L’évaluation de James Talbot est partagée par Timothy Caulfied, directeur de recherche à l'Institut de droit de la santé de l'Université de l'Alberta.
« Ils fournissaient essentiellement des traitements non prouvés sur une base expérimentale fondée sur la croyance, la foi, que ces choses fonctionneraient, alors qu'en fait, les écrits [scientifiques] ne les appuyaient pas », a déclaré Timothy Caulfield.
« Des thérapies non prouvées » : Pure North répond
Le fondateur de Pure North, Allan Markin, a refusé les demandes d'entrevue de CBC. Lors d'un entretien, le porte-parole de Pure North, Stephen Carter, a rejeté l'affirmation selon laquelle le programme de la fondation n'est pas prouvé et comporte des risques pour la santé des participants.
Stephen Carter, porte-parole de Pure North
Photo : Radio-Canada
Ce n'est pas une expérience, c'est une mesure efficace.
Stephen Carter a déclaré que chaque participant de Pure North est vu par un « praticien de la santé ». Selon lui, personne ne reçoit une dose de vitamine D supérieure au niveau sécuritaire de Santé Canada sans surveillance médicale.
CBC a toutefois confirmé que les patients qui ont participé à un « programme de dose quotidienne » au Centre d’accueil pour sans-abri de Calgary n'ont pas été vus par un praticien de soins de santé de Pure North.
Des documents fournis par Pure North au gouvernement albertain en 2014 indiquent que des participants dans son « programme de dose quotidienne » dans trois refuges de Calgary, notamment le Centre d’accueil pour sans-abri, n’ont pas été vus par un praticien de la santé. Ils n'auraient pas, non plus, été soumis à des prises de sang ou à d'autres évaluations.
Stephen Carter s'est défendu en disant que 50 000 personnes ont participé au programme Pure North sans problème de sécurité sanitaire.
Nous n'avons vu aucun effet négatif chez les participants parce que nous surveillons de très près nos patients.
Selon lui, une étude produite par l'École des politiques publiques de l'Université de Calgary a démontré la « rentabilité du programme actuel » et d'autres examens effectués par des chercheurs ont clairement montré les avantages du programme pour la santé. Stephen Carter a également fourni à CBC 10 études évaluées par des pairs, dit-il, et qui démontrent « l'impact formidable » du programme des aînés de Pure North.
Un examen indépendant mené pour Santé Alberta arrive à des conclusions bien différentes. Les examinateurs ont constaté que Pure North ne pouvait prouver aucun des résultats sanitaires ou économiques bénéfiques qu'elle avait promis pour obtenir le financement de 10 millions de dollars.
Le NPD finance une clinique Pure North
La ministre de la Santé de l'Alberta, Sarah Hoffman, déclare qu'elle a refusé, en 2015, sur la base des conseils de ses fonctionnaires, d'étendre le financement à Pure North pour son programme aux personnes âgées, au-delà de la subvention de 10 millions de dollars accordée par le gouvernement précédent.
La ministre de la Santé de l'Alberta, Sarah Hoffman
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En février, Santé Alberta a toutefois annoncé un financement à Pure North de 4,2 millions de dollars sur plusieurs années pour une clinique de soins primaires dirigée par une infirmière praticienne. La ministre dit qu’elle n’avait pas été informée, à cette époque, des préoccupations antérieures de son ministère concernant Pure North.
Elle a insisté sur le fait que Pure North n'offrira aucun de ses traitements alternatifs dans cette clinique, qui pratiquera, dit-elle, la médecine conventionnelle. Selon la ministre, Pure North ne recommandera pas ses autres programmes aux patients de cette clinique.
« S'il existe des preuves qu'ils ne respectent pas les règles, leur financement sera à risque », a-t-elle conclu.
Aucune action entreprise
Bien que les responsables de la santé de l'Alberta et certains médecins du centre-ville de Calgary aient soulevé de sérieuses questions de sécurité publique concernant le programme Pure North, il semble qu’aucune action ne soit prise pour y remédier.