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Des tonnes de déchets dans un bâtiment délabré.

Dépotoirs clandestins : des crimes environnementaux qui rapportent des milliers de dollars

Bois, gypse, contenants de plastique… Un bâtiment agricole de Brigham, en Estrie, d’une longueur de 150 m, a été rempli de tonnes de déchets de construction depuis 2017 à l’insu du propriétaire de l’endroit. James Bond – oui, comme le personnage des célèbres films – se dit victime d’un « crime environnemental ». Un cas loin d’être isolé qui peut rapporter des centaines de milliers de dollars aux fautifs.

Lorsqu’il a mis sa terre en location, il y a plusieurs années, James Bond ne se serait jamais douté de l’utilisation que ferait un locataire du bâtiment qui abritait auparavant des veaux. C'est maintenant un dépotoir illégal.

Les murs d'un vieux bâtiment sont défoncés.

Il y a tellement de déchets entreposés que les murs du bâtiment sont en train de s'effondrer.

Photo : Radio-Canada / Thomas Deshaies

Certains murs se sont affaissés avec le temps, sous le poids des déchets. Les trous dans la façade permettent de lever le voile sur ce passif environnemental situé en plein cœur d’un milieu agricole.

Découragé, James Bond a accepté de nous faire visiter les lieux. Il dit n’avoir rien à se reprocher puisque c’est l’ancien locataire, Charles-Édouard Vadnais, qui a été reconnu coupable de l'infraction. Le ministère de l’Environnement avait constaté celle-ci pour la première fois il y a sept ans, lors d’une inspection.

Je suis victime de ce crime environnemental. Je suis pris avec ce fardeau.

Une citation de James Bond, locateur de la terre où un dépotoir illégal a été découvert

M. Vadnais ne s'est jamais, à ce jour, débarrassé des déchets, et le faire ne sera pas une mince affaire. Selon M. Bond, il faudra investir des centaines de milliers de dollars, notamment en frais de transport, pour nettoyer le tout.

Une fenêtre d'un bâtiment défoncée sous le poids des déchets.

Les déchets sont tellement nombreux dans le bâtiment qu'ils sortent de partout.

Photo : Radio-Canada / Thomas Deshaies

Des revenus de 600 $ par camion

Pour M. Bond, nul doute que ce genre de geste est motivé par l’appât du gain. Ils [les coupables] perçoivent de l’argent des chantiers de construction ou des centres de tri pour en disposer, mais ils n’en disposent pas. Ils empochent donc 100 % de ce qu’ils ont reçu, croit-il.

Un homme devant un bâtiment de ferme.

Le propriétaire de l'endroit, James Bond, estime qu'il en coûtera plusieurs centaines de milliers de dollars pour nettoyer son bâtiment.

Photo : Radio-Canada / Thomas Deshaies

Environ 600 $ : c’est la somme à verser pour jeter le contenu d’un camion plein de matériaux de construction dans un lieu d’enfouissement. Les jeter illégalement dans la nature ne coûte rien, mais peut avoir de lourdes conséquences environnementales.

Le ministère de l’Environnement a refusé notre demande d’entrevue. Par courriel, il indique que le risque de contamination est faible dans le cas présent parce que ce sont majoritairement des déchets secs qui sont entreposés dans le bâtiment. Une situation qui suscite, malgré tout, des préoccupations chez certains citoyens qui aimeraient qu’une solution soit trouvée rapidement.

175 000 $ de revenus par année

Le locataire fautif, Charles-Édouard Vadnais, a accepté de nous rencontrer dans un café de Bedford pour livrer sa version des faits. Il ne nie pas sa responsabilité dans cette affaire, mais dit s’être fait avoir par des contacts de Montréal qui lui auraient demandé d’entreposer les déchets temporairement. À l’époque, il gérait un parc de camions en plus de vendre du foin.

Le bâtiment agricole de James Bond vu du ciel sur une image tirée de Google Map.

Le bâtiment agricole de James Bond vu du ciel.

Photo : Google Map

J’ai vu qu’il y avait beaucoup d’argent qui se brassait là-dedans. Mais je me suis fait passer un beau sapin.

Une citation de Charles-Édouard Vadnais, locataire fautif

M. Vadnais admet qu’il savait pertinemment qu’il était illégal d’entreposer des déchets sur une terre agricole, même si l’intention était de s'en débarrasser à moyen terme.

Il était même prêt à assumer l’amende. Si, au pire, ça rapporte à la fin de l’année 175 000 $, puis que l’amende est juste de 5000 $, qu’on ressort [les déchets] et que tout est nettoyé, il n’y a pas vraiment de problème, affirme celui qui a reconnu avoir transporté des déchets sur une autre propriété agricole de la région dans le passé. On a payé le gouvernement, tout le monde a vécu et on n’a rien pollué.

Un homme avec une tonne de déchets derrière lui.

Charles-Édouard Vadnais à l'intérieur du bâtiment agricole où il entreposait des déchets de construction illégalement. Une pratique qui lui rapportait 175 000 $ par année.

Photo : Gracieuseté

Il dit avoir touché environ 15 000 $ par mois pour le transport et l’entreposage des déchets.

En 2021, son entreprise, les Fermes Durables, et lui ont été condamnés à payer 25 000 $ d’amende et à jeter des matières résiduelles dans un lieu autorisé. Une obligation qui n’a pas encore été remplie. À ce jour, il n'a payé que 450 $, selon le ministère de la Justice.

Plusieurs autres cas répertoriés

Le ministère de l’Environnement recense plusieurs cas similaires à celui de Brigham. Par exemple, en 2020, l’entreprise Récupération TexAide et son actionnaire majoritaire ont été déclarés coupables d’infraction à la Loi sur la qualité de l’environnement pour avoir entreposé illégalement des matières résiduelles. Une amende de 40 000 $ leur a été imposée.

Un autre cas a été répertorié récemment sur une terre de Saint-Patrice-de-Sherrington, en Montérégie, qui a mené à une amende de 5000 $.

68 condamnations depuis 2019

Le ministère de l'Environnement affirme que les activités de contrôle ont mis en lumière la mauvaise gestion des résidus de construction, rénovation et démolition (CRD) au Québec. Au total, 68 condamnations totalisant plus d'un million de dollars ont été promulgués depuis 2019. Le ministre a émis dix ordonnances, suspendu deux autorisations et révoqué trois autorisations ministérielles en lien avec des résidus de CRD, précise le ministère par courriel.

Une équipe d'intervention dédiée a aussi été mise sur pied pour notamment renforcer l'application de la loi dans ce domaine. Au total, 252 inspections ont été effectuées du 1er avril 2023 au 31 mars 2024.

Ce genre de geste aurait lieu chaque jour, croit Charles-Édouard Vadnais. C’est un gros dossier, le recyclage, puis les poubelles au Québec, c’est tentaculaire.

À quand une solution à Brigham?

M. Vadnais a récemment lancé Recyclage Vadis, qui, dit-il, est drette comme une barre. Il est le chef des opérations, et sa mère, présidente.

Il affirme avoir appris la leçon et agir maintenant de manière irréprochable. Il compte enlever les déchets entreposés sur la terre de James Bond sous peu. Questionné pour savoir comment il comptait s’y prendre, il répond qu’il ne peut pas dévoiler le plan, mais il reste ferme sur son intention.

Des déchets de construction.

Entreposer illégalement des matériaux de construction rapportait gros à Charles-Édouard Vadnais : 15 000 $ par mois.

Photo : Radio-Canada / Thomas Deshaies

Quoi qu’il en soit, James Bond demeure persuadé qu’il n’aura d’autre choix que de régler lui-même ce problème. Il cherche maintenant une solution pour tenter de réduire au maximum l’enfouissement de ce qui a été laissé sur sa terre, notamment en assurant un tri des matières qui ont été mélangées lors de l’entreposage. Il faut s’attendre à ce que cela coûte plusieurs centaines de milliers de dollars si on veut en disposer d’une manière le plus écologique possible, explique-t-il.

Le ministère de l’Environnement dit avoir lancé une seconde enquête pénale pour non-respect de l’ordonnance concernant l’entreposage à Brigham, sans donner plus de détails.

Quant à la Municipalité, elle est bien au fait du dossier et juge qu’il relève de la responsabilité du ministère de l’Environnement.

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