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Envoyé spécial

L’Islande : le pays qui fond

Dans 200 ans, l'Islande – « la terre de glace » dans la langue locale – ne sera plus l'Islande. Les glaciers qui recouvrent aujourd'hui 10 % de son territoire fondent à une vitesse inquiétante et menacent de disparaître complètement si la tendance au réchauffement climatique se poursuit. Il y aura des conséquences.

D'énormes blocs de glace flottent sur l'eau.

L'immense lagon Jökulsarlon et ses icebergs

Photo : Radio-Canada / Jean-Sébastien Cloutier

D'énormes blocs de glace flottent sur l'eau.

L'immense lagon Jökulsarlon et ses icebergs

Photo : Radio-Canada / Jean-Sébastien Cloutier

Snaevarr Gudmundsson étudie les glaciers du sud de l'Islande. Son travail l'amène sur le terrain, où il marche des kilomètres pour prendre des mesures à l'aide de coordonnées GPS afin de calculer le recul des glaces.

En ce jour de fin septembre, on le trouve au pied d'une des langues du plus grand glacier d'Europe : le Vatnajokull, dont la superficie est équivalente à 17 fois l'île de Montréal.

Depuis 1995, la glace s'amincit et recule rapidement, résume le scientifique. Ici, c'est une moyenne de 50 à 70 mètres par année depuis 10 ans. Vis-à-vis du lac, ça va jusqu'à 200 mètres par année!

Le lac en question, le Fjallsarlon, est en fait un lagon glaciaire de quatre kilomètres carrés formé il y a 75 ans par la fonte des glaces. Il grossit d'année en année. Les morceaux qui se détachent sans cesse du glacier se retrouvent dans le lagon et forment de spectaculaires icebergs.

Un mur de glace derrière un lac.

Le mur de glace de l’immense glacier Vatnajokull sur le lagon Fjallsarlon

Photo : Radio-Canada / Jean-Sébastien Cloutier

Le Français Benoît Robert y amène les touristes en Zodiac, mais ne s'approche pas du mur de glace.

On ne sait jamais quand un bloc de glace de 20 tonnes va s'effondrer; on ne veut pas être en dessous! Et 20 % de la casse se produit sous l'eau, où il y a 200 mètres de glace environ. Donc des blocs de glace peuvent se détacher du dessous, et on a un énorme iceberg qui sort de l'eau subitement.

Une citation de Benoît Robert, guide, Les tours en Zodiac Fjallsarlon
Benoît Robert devant des bateaux pneumatiques et un glacier.

Le guide Benoît Robert devant l'une des langues de l’immense glacier Vatnajokull

Photo : Radio-Canada / Jean-Sébastien Cloutier

Au pied de la langue glaciaire voisine du Vatnajokull, le paysage est encore plus saisissant.

Le lagon glaciaire du Jökulsarlon, qui fait une trentaine de kilomètres carrés, est aujourd'hui une des attractions du pays. Kayaks, Zodiacs et plus gros bateaux vont et viennent entre les icebergs pendant que, sur la rive, des centaines de visiteurs prennent des photos ou jouent avec des morceaux de glace.

Au loin, les bandes de terre rappellent que le glacier recule à cet endroit en moyenne de 300 mètres par année.

Un panneau sur l’impact des changements climatiques semble passer inaperçu.

Des touristes prennent des photos du lagon.

Le lagon Jökulsarlon et ses icebergs sont devenus une importante attraction touristique.

Photo : Radio-Canada / Jean-Sébastien Cloutier

La grande majorité des gens viennent simplement profiter de la vue. Je pense qu'il y a très peu de prise de conscience, malheureusement. [...] En cinq ans, j'ai eu un seul couple, des Danois, qui est venu me voir après la fin du circuit, presque bouleversé, raconte Benoît Robert.

Les gens ne veulent pas changer leurs habitudes. Avec la surpopulation mondiale et la façon dont fonctionnent nos économies, on ne pourra pas sauver les glaciers.

Une citation de Snaevarr Gudmundsson, glaciologue au Centre de recherche islandais pour la nature

Des conséquences en Islande et ailleurs

À la sortie du lagon, de petits blocs de glace désagrégés flottent vers la mer.

À moyen terme, Jokulsarlon ne sera plus qu'un lac sans iceberg et les glaciers d'Islande deviendront plus difficiles d'accès. Leur fonte fera aussi diminuer graduellement la quantité d'eau des réservoirs utilisés pour produire l'hydroélectricité du pays.

Ça va nous affecter dans 50 ou 60 ans, estime M. Gudmundsson.

On doit considérer le problème globalement. La fonte de nos glaciers ajoutera un centimètre au niveau de la mer sur la planète.

Une citation de Snaevarr Gudmundsson, glaciologue au Centre de recherche islandais pour la nature

Paradoxalement, près du Vatnajokull, le relâchement qu'exerce la fonte du glacier provoque un relèvement de la croûte terrestre. Le scientifique affirme que celui-ci peut atteindre quatre centimètres et demi par année.

À la sortie du petit port de Höfn, les capitaines des plus gros bateaux doivent d'ailleurs être de plus en plus prudents pour éviter de toucher le fond.

Dans ce pays aux 130 volcans qui craint d'ailleurs cet automne une nouvelle éruption près de Reykjavik, la fonte des glaciers risque aussi d'amplifier les dangers.

Nos plus gros volcans se trouvent sous les glaciers, note Snaevarr Gudmundsson. La fonte des glaces relâche la pression sur la croûte terrestre et active la formation de magma.

En 2010, les cendres projetées par l'éruption sous-glaciaire du volcan Eyjafjalljökull avaient perturbé le trafic aérien mondial pendant des jours.

Snaevarr Gudmundsson devant un glacier.

Le scientifique Snaevarr Gudmundsson devant une langue du glacier Vatnajokull, dans le sud-est de l’Islande

Photo : Radio-Canada / Jean-Sébastien Cloutier

M. Gudmundsson pourrait se décourager. Il admet qu'il lui arrive de refouler ses émotions.

Il se souvient d'une cérémonie en 2019. Des scientifiques s'étaient réunis sur une montagne d'Islande pour officialiser, symboliquement, la mort d'un premier glacier au pays. Ils y avaient laissé une plaque avec l'inscription Nous savons ce qui est en train de se passer et ce que nous devons faire avec, tout en bas, le nombre de parties de CO2 par million (ppm) dans l'atmosphère : 415, à ce moment-là.

En mai dernier, un niveau record de 424 ppm de CO2 a été atteint sur la planète.

Les scientifiques estiment que le volume des glaciers d'Islande aura diminué de moitié en 2100 et qu'ils auront pratiquement tous disparu dans 200 ans.

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