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[Lettre ouverte] La mauvaise foi du Québec met en péril le projet de traité Petapan

Les chefs innus Gilbert Dominique (Mashteuiatsh), Martin Dufour (Essipit) et Réal Tettaut (Nutashkuan) dénoncent l'impasse dans laquelle se trouvent les négociations avec le gouvernement du Québec dans le dossier du traité Petapan. L'entente est au cœur de discussions depuis 40 ans.

Les trois chefs du regroupement Petapan devant l'édifice Honoré-Mercier, à Québec.

Les chefs innus du regroupement Petapan. De gauche à droite : Réal Tettaut de Nutashkuan sur la basse Côte-Nord, Martin Dufour d'Essipit sur la Côte-Nord et Gilbert Dominique de Mashteuiatsh, au Lac-Saint-Jean.

Photo : Regroupement Petapan

Si vous lisez ce texte, c’est que nous sommes devant une impasse et qu’un constat déplorable s’impose à nous : notre projet de traité est mis en péril par la mauvaise foi du gouvernement du Québec.

Nous faisons ce constat un an jour pour jour après la date butoir qui avait été convenue pour conclure les négociations du projet de Traité Petapan entre le Canada, le Québec et nos trois Premières Nations innues.

Le 31 mars 2023, nous devions en effet conclure nos négociations qui durent depuis plus de 40 ans. Nous étions alors en droit d’être positifs, puisque nos négociations avaient bien avancé au cours des dernières années et qu’il ne restait que quelques enjeux à ficeler avec le gouvernement du Québec, ceux avec le Canada ayant été réglés.

Notre optimisme reposait aussi sur la déclaration du premier ministre François Legault, formulée en campagne électorale à la sortie d’une rencontre tenue avec nous, dans laquelle il s’engageait à conclure le projet de traité au 31 mars 2023.

Nous avons été trompés.

Une citation de Gilbert Dominique, Martin Dufour et Réal Tettaut

Non seulement le gouvernement du Québec a renié son engagement, mais il a imposé un nouveau délai sous prétexte d’un besoin de travail interne de pédagogie auprès des ministres et fonctionnaires concernés.

Au terme de ce délai, le Québec nous a annoncé vouloir seulement obtenir des précisions sur certains éléments. Toutefois, il s’est avéré par la suite que les demandes du Québec dépassaient largement le cadre de simples précisions, mais constituaient en majeure partie une tentative de s’en prendre à des fondements du projet de Traité et de rouvrir certains chapitres clés déjà négociés.

Par le fait même, le Québec se trouve à renier plusieurs éléments fondamentaux se trouvant dans l’Entente de principe d’ordre général qu’il a signé en 2004 avec nos Premières Nations et le Canada!

Nous avons été bons joueurs en écoutant les nouvelles demandes du Québec. Nous y avons répondu avec la plus grande célérité et un désir réel de donner la chance à la négociation. Mais, il y a des limites à vouloir abuser de notre bonne foi…

De plus, à l’instar des autres Premières Nations du Québec, nous sommes confrontées aux diverses positions politiques colonialistes du gouvernement de la CAQ, comme par exemple celles concernant l’exploitation du territoire, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones ou encore le droit inhérent à l’autodétermination.

Malgré l’ouverture dont nous avons fait preuve, l’impasse subsiste et celle-ci met sérieusement en péril le projet de Traité et, plus largement, les relations entre nos communautés et l’État québécois.

Pour résoudre cette impasse, nous avons sollicité à plusieurs reprises une rencontre avec le premier ministre, en tout respect du travail du ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière.

Or, le premier ministre ne cesse de reporter à plus tard cette rencontre.

Comment expliquer que le chef de l’État québécois n’accepte pas de rencontrer dès maintenant les Chefs des Premières Nations avec lesquelles son gouvernement négocie un projet de Traité depuis maintenant plus de quatre décennies?

Ces reports systématiques semblent être le reflet de l’attitude de ce gouvernement depuis plus d’un an, laquelle ne peut être qualifiée autrement que de  mauvaise foi. Ce dérapage provoqué par le Québec marque ainsi au crayon rouge un grand rendez-vous manqué avec l’histoire des relations de Nation à Nation.

Nos Premières Nations espèrent toujours que ce rendez-vous historique puisse se tenir en 2024, bien que nous soyons peu optimistes.

À l’arrivée de ce triste anniversaire de l’engagement non tenu du Québec, est-ce que le Québec pourra changer son attitude? Ou serons-nous obligés de prendre des actions plus drastiques pour concrétiser l’ambition de nos communautés de construire une nouvelle société basée sur la reconnaissance de nos droits?

La réponse à ces questions ne se fera pas trop attendre et aucun scénario n’est exclu, notamment celui de la voie judiciaire que nous considérons très sérieusement, car la patience de nos Premières Nations a atteint sa limite vis-à-vis de la mauvaise foi du Québec.

Gilbert Dominique, chef de la communauté de Mashteuiatsh, Martin Dufour, chef de la communauté d'Essipit, et Réal Tettaut, chef de la communauté de Nutashkuan

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