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Des questions persistent sur le financement de la protection de l’enfance autochtone

Une personne dont on ne voit pas le visage tient un ours en peluche brun.

Malgré la récente décision de la Cour suprême, le gouvernement fédéral n'est pas pour autant à l'abri des soupçons, en raison notamment d'une décision du Tribunal canadien des droits de la personne en 2016 concluant à un sous-financement chronique des services de protection à l'enfance autochtone.

Photo : Radio-Canada / Justin Fraser

Pendant que les communautés autochtones célèbrent encore la récente décision de la Cour suprême en matière de protection de l’enfance, celles-ci demeurent sans réponse concrète quant à divers aspects de l’épineuse question du financement.

Depuis que le plus haut tribunal du pays a mis un terme le 9 février dernier à l’incertitude qui planait autour de la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis en confirmant sa constitutionnalité, les communautés autochtones peuvent désormais entreprendre en toute quiétude les démarches pour se réapproprier leur compétence en matière de services à l’enfance.

À l'heure actuelle, le financement disponible pour le renforcement des capacités des communautés autochtones s'élève à 100 millions de dollars, a affirmé devant le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord Katrina Peddle, directrice générale de la Direction générale sur la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis.

Ces sommes servent à aider les collectivités à s'organiser en vue de négociations avec les autres ordres de gouvernement, ou bien à les épauler pour évaluer leurs capacités à exercer leur compétence en matière de protection de la jeunesse.

Et si le montant dépasse 100 millions de dollars, il n'y a pas d'argent supplémentaire pour [renforcer les capacités des communautés]? a demandé la députée néo-démocrate Leah Gazan. Bien qu'aucune demande n'ait été refusée pour le moment, Mme Peddle a noté que l'épuisement de ce budget est certainement une possibilité.

Leah Gazan.

Leah Gazan est une députée néo-démocrate depuis 2019, ayant été élue dans la circonscription de Winnipeg-Centre, au Manitoba. Mme Gazan est également membre de la nation Wood Mountain Lakota, située en Saskatchewan, dans le territoire visé par le traité n° 4. (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne / Spencer Colby

La protection de l'enfance chez les Autochtones

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Une maman tenant son bébé dans ses bras.Ils sont assis de dos.

L'élue du Nouveau Parti démocratique (NPD) s’est également questionnée sur l’accessibilité de ces fonds. Or, n'a pas accès à ces sommes qui le veut, a précisé Mme Peddle. Les communautés doivent répondre à une série de critères pour se qualifier, mais le fait de répondre à ces critères ne garantit pas l'obtention du financement, écrit SAC sur sur site Internet.

Le soutien pour les nombreux enfants qui vivent en dehors des communautés préoccupait aussi visiblement Mme Gazan.

Le gouvernement fédéral a-t-il prévu de garantir que tout système de protection de l'enfance, toute communauté assumant la compétence d'un système de protection de l'enfance, recevra les mêmes montants de financement pour les enfants hors réserve? a demandé la députée issue de la Première Nation Wood Mountain Lakota en Saskatchewan.

Je pense que je devrais répondre par écrit à votre question, a répondu la haute fonctionnaire de Services aux Autochtones Canada (SAC), légèrement embêtée.

Incertitude sur la contribution des provinces

La prise en charge des enfants hors communauté s'inscrit dans une série de questionnements plus large des membres du Comité sur la négociation d'accords de coordination, soit les ententes de financement tripartites conclues pour soutenir l'exercice de la compétence par une communauté autochtone donnée.

Aux dires de Mme Peddle, il s’agit d’une étape cruciale : C'est là que se déroule une partie du travail le plus important, car nous avons trois parties – généralement les provinces, le gouvernement fédéral et le corps dirigeant autochtone – qui travaillent ensemble pour essayer de résoudre certains des enjeux les plus complexes. [...] Les enfants se trouvent à différents endroits, parfois les enfants vivent dans des communautés, parfois il n'y a pas de lien avec la communauté. Ils essaient de résoudre tout cela.

En date du 19 mars 2024, 53 corps dirigeants autochtones, chacun pouvant représenter plus d’une communauté, ont signalé à SAC leur intention d'exercer leur compétence en matière de protection de l'enfance.

Quant aux accords de coordination, 38 corps dirigeants autochtones ont demandé aux deux ordres de gouvernements de s'asseoir à la table de négociation. Seuls 7 accords de coordination ont été conclus.

Même si les provinces auront encore un rôle à jouer dans l'organisation des services de protection de l'enfance, le vice-président du Comité, le bloquiste Sébastien Lemire, a semblé suggérer aux représentantes du gouvernement fédéral que le financement demeurait néanmoins la responsabilité d'Ottawa.

Sébastien Lemire debout aux Communes.

Sébastien Lemire est un député du Bloc québécois de la circonscription d'Abitibi-Témiscamingue depuis 2019. Il est vice-président du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord. (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

La question qui va demeurer suite à ce jugement là, c'est : "qui paye maintenant la possibilité pour les peuples autochtones d’assumer cette responsabilité?" Je pense que c'est une responsabilité importante. On parle de milliards de dollars, probablement. Est-ce que le fédéral va jouer son rôle de responsabilité puisque c'est lui qui doit payer, puisque le jugement amène la responsabilité dans sa cour?

C’est effectivement ça, le problème. Parce que là, on arrive dans un enjeu politique. On veut tous favoriser l'autodétermination des peuples autochtones, mais si on ne prend pas la responsabilité de qui va payer, en bout de ligne, c'est l'enfant autochtone qui risque d'être le plus impacté

Une citation de Sébastien Lemire, député bloquiste et vice-président du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord

En réponse à cette question, la fonctionnaire s’est simplement dite d’avis qu’une coordination importante doit rester entre les provinces, les territoires, le fédéral et aussi les communautés.

Sa collègue Valerie Philipps, directrice et avocate générale du Centre de droit autochtone, a cependant ajouté que la Cour [suprême] ne traite pas spécifiquement du financement dans sa décision.

Un précédent judiciaire qui suit le gouvernement fédéral

Avec respect, je pose toutes ces questions liées au financement puisque le gouvernement actuel vient de passer des années à se battre devant les tribunaux pour être finalement reconnu coupable de discrimination raciale délibérée à l'encontre des enfants des Premières Nations, a souligné Leah Gazan en référence à la saga judiciaire entamée en 2007 par la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations et l’Assemblée des Premières Nations.

Ces deux organisations évoquaient une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne alléguant un sous-financement chronique des services à l’enfance autochtone.

Le Tribunal canadien des droits de la personne leur avait donné raison en 2016 en concluant que le Canada agissait de manière discriminatoire dans la fourniture des services à leurs membres.

À la suite d'une série de poursuites, d'appels et de propositions de règlement, le Tribunal canadien des droits de la personne a approuvé en 2023 une entente de règlement de 23,4 milliards de dollars en faveur des enfants, des jeunes et des familles des Premières Nations touchés par le sous-financement.

Nous avons maintenant présenté le projet de loi C-92, mais nous n'avons toujours pas trouvé les ressources financières nécessaires. La discrimination normalisée à l'encontre des enfants autochtones dans ce camp est un phénomène courant dans ce pays, a poursuivi la députée du NPD.

Au Canada, 53,8 % des enfants en famille d'accueil sont autochtones, malgré le fait que les enfants autochtones représentent seulement 7,7 % de la population d'enfants au pays, selon le Recensement de 2021.

Mme Peddle s’est consolée du fait qu’il y a eu une augmentation de plus de 200 % dans les dernières années dans le financement de ces programmes et que les ententes déjà conclues comprennent un financement qui répond vraiment aux besoins.

Le but, c’est d’assurer que ces financements sont à long terme. On a des ententes de 10 ans avec plusieurs communautés pour assurer que ce financement va être là pas juste pour l’année prochaine, mais pour les prochaines années, a-t-elle renchéri.

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