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ChroniqueSe donner le temps d’être Wolastoqey

Un bateau sur l'eau avec un fond montagneux.

Le voilier-école Ecomaris dans le Fjord du Saguenay

Photo : Radio-Canada / Edith Bélanger

Il y a quelques jours, mon fils aîné et moi sommes embarqués à bord du voilier-école Ecomaris pour une semaine de séjour pour des membres de la Première Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk. En plus d’apprendre les rudiments de la voile, nous apprenons à nous connaître et à nous reconnecter à notre territoire et à notre culture. Cette chronique est la deuxième d’une série de trois.

Nous avons quitté Rimouski dans un voile de brouillard qui nous a suivis pendant toute la journée. C’était exceptionnel de voir le fleuve aussi calme. Sans un brin de vent, c’est le moteur qui nous a poussés jusqu’à la baie de Tadoussac, salués au passage par quelques marsouins et bélugas.

Ces instants où le fleuve nous montrait son côté conciliant et doux étaient un moment bien choisi pour apprendre les éléments de sécurité et les termes essentiels aux manœuvres de navigation, sans oublier la pratique de quelques nœuds.

Après avoir fait le plein d’air marin et nous être saturé les yeux de la beauté des paysages côtiers, nous avons passé la nuit à l’ancre, dans la baie de Tadoussac, avant de repartir le matin suivant pour entrer dans le fjord du Saguenay.

Puis le brouillard s’est levé, le vent l’a suivi. Nous avons pu hisser les voiles et, dans un effort collectif marqué par notre inexpérience, nous avons finalement pu nous rendre à l’anse Saint-Jean. On se sentait malhabiles, un peu perdus et, en fin de compte, pas très utiles comparativement à l’équipage même en étant trois fois plus nombreux.

C’est vrai que tout va plus vite sur un bateau. Après seulement deux jours à bord, une forme d’équilibre s’est installée. Pourtant, dans un espace qui est aussi exigu, c’est étonnant que chacun réussisse aussi vite à trouver sa place.

Il faut dire qu’on ne s’ennuie pas ici. Tout le monde contribue aux tâches, du matin au soir, selon un horaire bien défini.

Ces partages simples qui créent des moments de banalité quotidienne permettent de créer des occasions d’avoir des discussions que jamais on n’aurait eues autrement. On prend le temps ou plutôt on se donne du temps pour être Wolastoqey, ce qu’on ne se permet que trop rarement dans nos vies séparées, dispersées, urbanisées.

Parfois, je me demande s’il ne vaut pas mieux être dans l’action pour se reconnecter à notre culture. Après tout, c’est par leurs actions, bien plus que par leurs paroles, que nos ancêtres nous ont transmis leurs savoirs.

Quand on est en route et qu’il faut manœuvrer les voiles, ce n’est pas le temps de se demander si on est d’accord ou pas avec la planification stratégique du conseil de bande. Ça fait du bien d’avoir son esprit concentré sur le vent et l’eau.

Ça recentre.

Il y a quelques semaines, je discutais avec des amis de la violence latérale qui nous fait tant de mal au sein de nos communautés. Ce phénomène naît d’une compétition malsaine ancrée dans de la méfiance et de l’insécurité qui crée des tensions et fait naître des attaques dirigées contre des personnes et des familles. En partageant nos expériences, nous avions alors conclu que, parfois, la communauté, on ne la trouve pas à l’endroit où l’on aurait pensé.

Parfois, il y a des nœuds dans les cordes. Il n’y a jamais de bon moment pour vivre une telle situation.

Alors, pas le choix, faut faire confiance aux autres!

Ici, pas de compétition, juste de la coopération basée sur la contribution de chacun et le respect des limites des uns et des autres.

Ne serait-ce pas là des éléments essentiels de ce que ça devrait être, une communauté?

Je ne pense pas que personne ici ne se considère comme étranger vis-vis des autres. Je ne pense pas non plus que, si on se revoit en dehors du voilier, on jouera aux étrangers.

Pourtant, tout n’est pas gagné.

Malgré la bonne volonté de tous, malgré tous les aspects positifs que génère cette expérience, les traumas ne sont jamais bien loin. Ils se trouvent là, juste sous la surface des conversations. Tous ces sujets que l’on n’ose pas encore aborder, ces questions et leurs réponses toutes faites qui se transmettent dans nos clans familiaux, de génération en génération sont perceptibles dès que qu’une petite friction se pointe.

Il faut donc être patients.

On ne renverse pas des générations d’éloignement géographique et identitaire en un clin d’œil, je ne me fais pas d’illusions.

Peu importe, comme le dit le proverbe, ce qui compte ce n’est pas la destination, mais bien le voyage. Il reste encore quelques jours pour le vivre.

Un soir, sans doute attirée par le son du tambour et d’un chant traditionnel, une femelle petit rorqual est venue souffler tout près du bateau et nous faire cadeau de sa présence. Cette visite impromptue a été comme un rappel, une invitation à avoir confiance dans le processus de guérison, fait entre autres de retrouvailles.

La baleine nous enseigne en effet que dans les mondes invisibles à nos yeux, il se trouve parfois de très grandes choses.

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