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Ces enfances volées

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Ces enfances volées

Texte et photos : Jessica Gélinas Photos et vidéos : Jean-François Perron et Jessica Gélinas

Publié le 14 mars 2024

Devant moi se trouve une femme à la fois déterminée et vulnérable qui se prépare à rouvrir de vieilles blessures. Françoise Ruperthouse ne recule devant rien. Celle qui a participé à la création d’Awacak, une association pour aider les familles autochtones à retrouver leurs enfants disparus, sait très bien que pour mieux apprécier la lumière, il faut avoir côtoyé la noirceur.

C’est justement en partageant son passé et sa quête pour comprendre le sort de deux membres de sa famille que Françoise a allumé une flamme d’espoir chez des membres des Premières Nations toujours à la recherche de ce qu’ils nomment ces petits êtres de lumière.

Avant de plonger, la sexagénaire se livre à son rituel en brûlant de la sauge. Doucement, elle guide la fumée vers son visage. Les mauvaises énergies ont maintenant été chassées. Le récit peut commencer.

Longtemps, Françoise a porté la honte et le fardeau des traumatismes intergénérationnels. Photo : Radio-Canada / Jean-François Perron

L’origine des cicatrices
L’origine des cicatrices

Anishnabeg de la Première Nation Abitibiwinni de Pikogan, les membres du clan Ruperthouse habitent une forêt près d’Amos lorsque Françoise a vu le jour, en 1961. Elle était la 10e enfant d’une fratrie qui en comptait 17.

Une de ses sœurs, Emily, est née en 1954. Toutefois, ce n’est qu’au début de l’âge adulte que Françoise a appris l’existence de celle qui transformerait le cours de sa vie.

Plongée dans ses souvenirs, Françoise se rappelle les bons moments vécus en compagnie de sa mère et de son père avant d’être forcée d’entrer au pensionnat.

Comme de nombreuses familles autochtones, ses parents Hélène Joséphine Wylde et Joseph Alfred Ruperthouse ont été dépouillés de leurs droits parentaux. Ils ont dû laisser leurs enfants entre les mains des autorités gouvernementales et de l’Église, sans quoi ils auraient risqué la prison. On estime qu’au moins 150 000 enfants des Premières Nations, Inuit et métis ont fréquenté les pensionnats, à l'échelle du pays.

À peine âgée de six ans, l’unique année que Françoise passera entre les murs du pensionnat de Saint-Marc-de-Figuery, en Abitibi-Témiscamingue, laissera de profondes séquelles.

   
FRANÇOISE RACONTE SON ARRIVÉE AU PENSIONNAT POUR LES AUTOCHTONES

Malgré la présence dans le même établissement que sa grande sœur Johanne, qui agit comme figure maternelle, la fillette se sent perdue.

Dès son arrivée, elle est victime de sévices.

« Ils nous font laver notre corps au complet, mais il faut qu’on se lave avec une éponge grise, comme une laine d’acier, et ça, ça fait mal. Il fallait qu’on enlève notre peau brune [...] Il fallait qu’on frotte fort, ça allait jusqu’au sang. »

— Une citation de   Françoise Ruperthouse

Après son année au pensionnat, Françoise entame son primaire à l’école Notre-Dame d’Amos, entourée d’enfants allochtones qui lui font subir de l’intimidation. Elle affirme avoir vécu à cette époque un véritable choc culturel.

Surnommée l’enfant terrible par ses proches, la fillette, sans modèle positif sur qui prendre exemple, s’affirme à sa manière.

J’étais une enfant rebelle qui n’aimait pas l’autorité et me faire obliger à faire des choses, se remémore celle qui a développé une carapace pour survivre dans un monde dénué d’amour et d’empathie.

Françoise quitte l’école dès la première année du secondaire. Elle raconte qu’il y avait toujours de l’alcool chez elle et se souvient même d’avoir volé sa première bière à 8 ans, à quelqu’un qui dormait dans le sous-sol de la maison familiale.

C’est avec une franchise désarmante qu’elle aborde cette partie de sa vie.

« J’avais trop de blessures. À l’âge de 8 ans, je savais déjà que je n’étais pas normale, que j’avais un problème. À 12 ans, je savais que j’avais un autre problème : je voulais mourir. »

— Une citation de   Françoise Ruperthouse

Victime d’abus sexuels, de violence physique et psychologique, Françoise voit la souffrance s’imposer dans toutes les sphères de sa vie. Pour s’évader d’une vie dont elle ne veut pas, elle entre dans la spirale destructrice qui a déjà aspiré sa famille.

C’est à 16 ans, après avoir mis au monde son premier enfant, Kenny, qu’elle quitte la maison familiale pour faire son propre nid en compagnie de ses acolytes : drogues et alcool.

Des archives médicales empilées, dont une d'Emily Ruperthouse d'Abitibi.
Grâce à l’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, Françoise a pu consulter les archives médicales des membres de sa famille portés disparus. Photo : Radio-Canada / Jessica Gélinas

Trois ans plus tard, Françoise apprend de ses parents qu’elle a une sœur prénommée Emily qui leur a été enlevée alors qu’elle était âgée de cinq ans. Les Ruperthouse n’ont plus jamais eu de nouvelles de la petite Emily, disparue après avoir été hospitalisée pour une piqûre d’abeille à l’Hôpital Hôtel-Dieu d’Amos.

Cette annonce amorce un changement crucial chez Françoise.

Sensible à la douleur de sa mère et de son père, et malgré ses propres souffrances, elle accepte de partir à la recherche de cette sœur disparue dont elle ignorait l’existence jusqu’alors.

Même si les démarches entreprises restent infructueuses, Françoise ne perd jamais l’espoir de retrouver sa sœur.

Puis un jour, la famille est informée qu’Emily a été retrouvée. Elle est à l'Hôpital de Baie-Saint-Paul. Plus d’une trentaine d’années se sont écoulées depuis sa disparition.

Françoise Ruperthouse au cimetière de Pikogan. Photo : Radio-Canada / Jessica Gélinas

Apprendre à s’aimer
Apprendre à s’aimer

Alors dans la trentaine et maman de quatre enfants, Françoise entreprend un énorme travail sur elle-même. Elle essaie de freiner sa consommation de drogues et d’alcool et tente de comprendre son comportement autodestructeur. En replongeant dans son passé, elle fait ce constat : ses blessures découlent d’un triste héritage familial.

« Ce n’était pas intentionnel ce que j’ai vécu, c’était le résultat de toutes les souffrances que mes parents et ma famille ont transmis de génération en génération. Parce que se faire déraciner par des gens qui se disaient mieux, ça devait être très difficile. Ils ont perdu leur culture. »

— Une citation de   Françoise Ruperthouse

Un matin, Françoise est postée à la fenêtre de sa cuisine. Elle regarde un arbre dans sa cour. C’est à ce moment qu’un déclic s’opère en elle.

   
FRANÇOISE EXPLIQUE SA DÉCISION DE DEVENIR SOBRE

Une chose est claire dans son esprit : une fois rétablie, elle viendra en aide aux femmes qui ont subi le même sort qu’elle.

Françoise décide alors de s’inscrire à l’éducation aux adultes. Elle doit repartir à zéro. Fonceuse, elle poursuit ensuite son chemin vers une formation en travail social, à l’université.

Toujours très impliquée dans sa communauté, elle a soif d’aider les autres et de soutenir diverses causes. Elle travaille, entre autres, auprès des toxicomanes et des femmes victimes d’agressions sexuelles, et elle soutient également la cause LGBTQ dans la communauté de Pikogan.

Pendant un certain temps, elle occupe un poste de conseillère au sein du Conseil de la Première Nation Abitibiwinni à Pikogan. C’était important pour elle de représenter la voix des femmes et des enfants dans un conseil majoritairement masculin.

Les jours d'abstinences deviennent des mois et les mois des années.

Ça prend des bonnes personnes sur ton chemin pour être capable de changer. Je sais maintenant qu’après tout ce que j’ai vécu, le changement existe. On ne change pas du jour au lendemain. C’est un travail de tous les jours, indique Françoise, fière d’elle et de tous ses efforts. Elle a gagné une bataille.

Un retour inespéré

Un jour, Françoise reçoit un coup de téléphone au sujet d’Emily : elle est atteinte d’une pneumonie et on craint pour sa vie. En compagnie de sa mère et de sa sœur Diana, elle se rend à l’Hôpital de Baie-Saint-Paul.

Fébriles, les trois femmes entrent dans la chambre d’Emily. Leurs regards se posent sur une femme alitée. La petite fille de 5 ans qui n’avait pas de handicap connu avant son hospitalisation est maintenant prisonnière dans un corps d’adulte. Elle est lourdement handicapée, plus aucun mot, que quelques balbutiements, sortent de sa bouche.

Les trois femmes restent aux côtés d’Emily, lui offrant beaucoup d’amour. Lentement, elles se résignent à la perdre une deuxième fois. Elles demandent au médecin de cesser de lui donner des médicaments et de lui administrer seulement de la morphine afin qu’elle ne souffre pas avant son dernier repos.

Pourtant, entourée de membres de sa famille, Emily reprend vie au fil des jours.

Confiante, Françoise fait remarquer au médecin que sa sœur reprend des forces, mais celui-ci reste sur sa position : Emily va mourir. Françoise est persuadée que sa sœur doit revenir auprès des siens, à Pikogan.

On a tellement travaillé fort pour qu’elle revienne. Je me suis obstinée avec le docteur. Il m’a dit que je ne pourrais jamais partir avec elle, insiste Françoise qui est encore convaincue que sa décision était la bonne.

   
FRANÇOISE RACONTE LES MOMENTS AVEC SA SOEUR RETROUVÉE

Après quelques mois, sa santé s’étant améliorée, Emily retrouve sa terre natale au grand bonheur de sa famille. Elle est transférée dans un centre pour personnes en situation de handicap.

C’est en retenant ses larmes que Françoise explique à quel point Emily a été une personne importante dans sa vie et a fait naître en elle ce désir d'aider les autres à retrouver leurs proches.

C’est également en partie grâce à cette sœur qu'elle a réussi à passer au travers de ses difficultés.

Françoise Ruperthouse poursuit son chemin vers la vérité. Photo : Radio-Canada / Jessica Gélinas

« Presque tous les jours, je suis allée la voir. Elle m’a tellement aidé dans mon rétablissement! [...] Je travaillais tellement fort pour ne pas retourner consommer, pour ne pas rester la femme violente et la femme qui voulait tout laisser tomber. [...] Quand j’avais quelque chose, j’allais voir ma sœur. Elle m'accueillait avec un gros sourire. Je me disais : "Pourquoi je suis toujours en train de me plaindre alors que c’est elle qui devrait se plaindre? Elle a perdu toute une vie!" »

Après un peu plus d’une dizaine d’années entourée de ses proches, Emily a rendu l’âme paisiblement. Elle repose maintenant avec sa mère et son père, dans le cimetière de Pikogan.

Grâce à sa force de caractère, Françoise a repris le contrôle de sa vie en allant chercher de l’aide. Photo : Radio-Canada / Jessica Gélinas

L’histoire se répète
L’histoire se répète

En 2017, au cours de l’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, la mère de Françoise lui a confié qu’un autre membre de la fratrie avait disparu après avoir été hospitalisé à Amos. Il s’agit du petit Tony, 2 ans. La nouvelle a bouleversé Françoise.

Souffrant d’une pneumonie, Tony avait été admis au Centre hospitalier d’Amos, après quoi un médecin avait annoncé aux parents de Françoise que le bambin n’avait pas survécu. Son père et sa mère n’ont jamais vu le corps du petit.

Même modus operandi pour les deux enfants. Ils sont d’abord hospitalisés à l'Hôpital Hôtel-Dieu d’Amos, ensuite, on les transfère à l’Hôpital de l’immigration (un établissement fédéral situé près de la rivière Saint-Charles, à Québec, où sont d’abord envoyés les militaires et les immigrants contagieux, puis les Autochtones), puis, finalement, on les envoie à l'Hôpital de Baie-Saint-Paul.

Le mince dossier médical du petit Tony stipule qu’il n’est pas mort à l’âge de 2 ans, comme on l’avait déclaré aux parents, mais bien à sept ans. On peut aussi y lire que Tony était atteint d’une bronchopneumonie, d’une paralysie cérébrale et d’idiotie. Le petit garçon est enterré, loin de sa famille, dans une fosse commune à Baie-Saint-Paul.

« Chaque fois que je passe devant Baie-Saint-Paul, j'arrête pour aller lui dire bonjour, sentir une présence, je ne sais pas trop. Ça me fait du bien et je pense que ça lui fait du bien. »

— Une citation de   Françoise Ruperthouse

Plusieurs questions restent en suspens : qui a décidé d’envoyer les deux enfants à Baie-Saint-Paul? Pourquoi ont-ils transité par l'Hôpital de l’immigration? Pourquoi ne pas avoir autorisé les parents à rester auprès de leurs bambins quand ils ont été hospitalisés? Il manque encore des pièces au casse-tête.

Françoise aurait tellement voulu pouvoir donner toutes ces réponses à sa mère. Malheureusement, celle-ci, atteinte de la maladie d'Alzheimer, s’éteint en 2021. Profondément attristée par la perte de sa mère, Françoise ne se laisse toutefois pas abattre.

La sexagénaire poursuit sa quête de vérité. Elle partage l’histoire de sa famille dans les médias.

Avec beaucoup d’émotions, elle dénonce haut et fort la cruauté, le mépris, le manque d’humanisme et l'injustice qu’ont subis ses parents. Une prise de parole qui trouvera écho dans d’autres familles.

Quand la solitude devient solidarité

Quand Viviane Echaquan, une Atikamekw de Manawan, apprend l’existence de Françoise Ruperthouse, elle se sent immédiatement interpellée par son histoire. Sa famille, comme celle de son conjoint, a également été victime de disparitions d'enfants à la suite d'hospitalisations.

Le regard tourné vers la fenêtre et plongée dans ses pensées, Viviane Echaquan est visiblement encore très bouleversée par son histoire familiale.

Entre 1964 et 1973, deux enfants de sa famille ont disparu après avoir séjourné dans un centre de santé. Une troisième y est décédée.

Les parents de Viviane étaient présents lors de l’inhumation de cette enfant qui a été enterrée à environ un kilomètre des limites du cimetière, dans un champ de maïs. Quand ils ont exprimé le souhait de marquer l’endroit où leur fille reposait avec une croix ou une plaque commémorative, cela leur a été refusé. Avec le temps, le champ de maïs s’est transformé en terrain de soccer. Impossible de se recueillir sur sa tombe.

Françoise Ruperthouse et Viviane Echaquan sourient en forêt.
Françoise Ruperthouse et Viviane Echaquan sont respectivement directrice générale par intérim et présidente par intérim d’Awacak. Photo : Radio-Canada / Jean-François Perron

En 2018, Françoise est invitée à venir prendre la parole lors d’un forum de la Nation atikamekw qui porte sur les enlèvements d'enfants autochtones. Elle accepte sans hésiter.

L’ancienne journaliste Anne Panasuk, une allochtone respectée des communautés autochtones, se souvient de sa rencontre avec Françoise lors de ce forum.

C’était nouveau pour nous, à ce moment-là; elle avait retrouvé sa sœur vivante après 35 ans. C’est un phénomène, jusqu’à présent, qui est unique pour moi. On n’a pas vu d’autres cas comme ça, indique Anne Panasuk en ajoutant que ça prenait du cran pour faire tout ce que Françoise a fait sans aide légale et avant la venue de la loi 79 [Loi autorisant la communication de renseignements personnels aux familles d'enfants autochtones disparus ou décédés à la suite d'une admission en établissement]. C’est une femme courageuse.

À la suite de cet événement, Françoise, Viviane Echaquan et deux autres femmes se rencontrent à plusieurs reprises pour partager la douleur et dénoncer l’injustice liée à la perte de ces petits êtres disparus. Françoise n’est maintenant plus seule. Elle se joint à quatre autres membres de la Nation atikamekw pour mettre en place l’organisme Awacak.

Françoise Ruperthouse n’a jamais cessé de se battre pour la vérité. Photo : Radio-Canada / Jessica Gélinas

À la recherche des petits êtres de lumière
À la recherche des petits êtres de lumière

Dès que Françoise mentionne Awacak, ses yeux s’illuminent. C’est avec passion qu’elle en parle.

Fondée en 2020, l’association qu’elle dirige soutient et accompagne les familles d’enfants autochtones disparus ou décédés à la suite d’une admission dans un établissement de santé ou dans une congrégation religieuse.

Françoise doit faire de la gestion et s’occuper de la paperasse. Toutefois, ce qui la fait vraiment vibrer, c’est d’aller sur le terrain pour rencontrer et sensibiliser les gens des diverses communautés autochtones à travers le Québec.

À force de se replonger continuellement dans ses propres traumatismes et dans ceux de ses parents, la charge émotive devient très lourde. Pour se protéger, Françoise se réfugie dans sa spiritualité pour apaiser son cœur et son esprit.

« Il y a plusieurs familles autochtones qui ont souffert pendant plusieurs années sans en parler. [...] C’est une souffrance en silence. »

— Une citation de   Françoise Ruperthouse

Quand Françoise et ses collègues quittent une communauté, ils s'assurent de laisser un filet de sécurité. Une intervenante est à leur disposition en tout temps.

Côté logistique, après la rencontre, Françoise récupère les formulaires d’inscription qu’elle transmet à l’équipe de soutien aux familles du Secrétariat aux affaires autochtones. Les recherches peuvent ensuite débuter grâce à la loi 79 qui permet, depuis son adoption en 2021, l’accès aux renseignements et aux archives en autorisant la communication des renseignements personnels aux familles d’enfants autochtones disparus ou décédés.

Awacak s’entoure également de plusieurs partenaires. Il y a notamment des médecins pour expliquer les archives médicales aux familles, un service juridique, des interprètes pour chaque langue autochtone et un service d’expertise scientifique. Un accompagnement spirituel est également offert.

En juin 2023, Anne Panasuk enlève son chapeau de conseillère, mais elle continue de prêter main-forte à Awacak à temps partiel. Photo : Gracieuseté : Anne Panasuk

Lors de l’élaboration du projet de loi 79, Françoise et Anne Panasuk ont travaillé en étroite collaboration pour répondre aux besoins des familles. L’ancienne journaliste avait, à cette époque, un rôle de conseillère spéciale pour le soutien aux familles d’enfants autochtones disparus après avoir été admis dans un établissement de santé québécois. Avec le temps, les deux femmes ont développé une amitié sincère.

« J’espère qu’on va être encore ensemble sur ce chemin qui mène à la vérité. »

— Une citation de   Anne Panasuk

Le travail de Françoise et de ses collègues permet à des familles d’obtenir des réponses et ainsi de faire leur deuil et de commencer un processus de guérison. Cependant, l’équipe d’Awacak est consciente que certaines familles n’auront jamais de réponses, car les établissements n’existent plus ou les archives ont disparu.

Si les cas sont confidentiels, on peut au moins savoir qu’à l’hiver 2024, des recherches concernant la disparition de 199 enfants à travers le Québec avaient lieu. Un nombre qui ne cesse d’augmenter.

Le souhait le plus cher de Françoise est de pouvoir donner des réponses à toutes les familles qui ont perdu la trace de leurs petits êtres de lumière.

Françoise Ruperthouse regarde le cimetière de Pikogan. « Dida » est inscrit près d'une tombe.
Six personnes travaillent à Awacak, dont cinq familles qui s’y sont impliquées à 100 % dès sa création. L’organisme est financé par le gouvernement du Québec.  Photo : Radio-Canada / Jessica Gélinas

Celle qui est maintenant grand-mère se remémore une cause à laquelle elle a apporté son aide et qu’elle a plaidée devant un juge en compagnie d’avocats afin qu’une famille autochtone puisse exhumer le corps de son enfant.

Je lui disais [au juge] qu’Awacak est là pour soutenir et aider les familles à faire leur deuil. Le plus important c’est de faire le deuil de l’enfant disparu. Quand le juge a accepté, on a tous tapé dans les mains, il y avait des pleurs, dit-elle, encore émue.

Une autre exhumation aura lieu au cours de l’été 2024. Il s’agit du corps de la sœur de Viviane Echaquan qui a été enterrée sous un terrain de soccer. L’enfant pourra revenir auprès des siens, à Manawan.

Awacak signifie « petits êtres de lumière » en langue atikamekw. Photo : Radio-Canada / Jean-François Perron

« Même si c’est difficile de passer par là, on a beaucoup d’aide de Françoise. »

— Une citation de   Viviane Echaquan

Il ne fait aucun doute que Françoise change la vie des gens. Celle qui a trouvé sa raison de vivre dans sa famille reste toutefois très humble.

Kenny Ruperthouse, son premier enfant, reconnaît sa bienveillance et sa grande générosité envers autrui. Il aimerait qu’elle en fasse autant pour elle-même.

« Ma mère a un grand cœur, elle aime aider tout le monde. C’est une bonne qualité, c’est sûr et certain, mais des fois, je vois que c’est trop pour elle. [...] Elle s’occupe de tout le monde, mais moins d’elle. »

— Une citation de   Kenny Ruperthouse

Malgré le temps qui a adouci la rebelle en elle, cette force de la nature continue de puiser dans l’amour des siens pour trouver ses repères et poursuivre sa mission auprès des familles autochtones en quête de réponses et de paix intérieure.

   
FRANÇOISE EXPLIQUE AVEC ÉMOTION SON LIEN FORT AVEC SA DÉFUNTE MÈRE

  • Journaliste : Jessica Gélinas
  • Designer : Émilie Robert
  • Photos et vidéos : Jessica Gélinas et Jean-François Perron
  • Développeur : Cédric Édouard
  • Réviseure : Annick Charlebois
  • Édimestre : Emily Blais
  • Cheffes de projet : Marie-Christine Daigneault et Marylène Têtu

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