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Une dernière prose pour le parrain de la poésie

Une dernière prose pour le parrain de la poésie

Texte : Marie-Ève Trudel Photographies : Josée Ducharme et Yoann Dénécé

Publié le 18 décembre 2023

Chaque jour aux aurores, Gaston Bellemare déambule sur la Promenade de la poésie, ce lieu unique, aux abords du fleuve Saint-Laurent, où brillent plus de 400 poèmes sur des plaques argentées.

À 81 ans, il regarde toujours avec passion les vers parsemant non seulement la promenade, mais qui tapissent aussi les murs de Trois-Rivières, devenue au fil du temps, et surtout grâce à lui, la capitale de la poésie.

La marque indélébile du fondateur du Festival international de la poésie imprègne l'atmosphère trifluvienne d’un romantisme singulier depuis maintenant 40 ans.

Celui qui s’apprête à tirer sa révérence, après avoir consacré sa vie à ce qu’il surnomme son business du cœur, a permis à un grand nombre de poètes d’avoir une voix, un salaire; d’être payés plus que deux coupons pour des bières!

En retour, des poètes et des écrivains et écrivaines d’ici et d’ailleurs, notamment Jean-Paul Daoust et Fred Pellerin, lui vouent une admiration sans bornes, puisqu’il a donné à leur art ses lettres de noblesse, principalement avec le festival; cette belle grande histoire d’amour… que peu de gens connaissent.

Chapitre 1. Une rencontre qui a tout changé  Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Une rencontre qui a tout changé
Une rencontre qui a tout changé

Pour Gaston Bellemare, tout s’est toujours rapporté au verbe aimer.

Ça va toujours être la clé de toutes les décisions que je prends ou à peu près, précise celui qui a d'abord gagné sa vie comme musicien en jouant du piano et de l’orgue dans les cafés, les bars et les restaurants.

Mais ce style de vie ne pouvait pas durer pour le lève-tôt qu’il est.

« J'étais musicien seulement à cause des émotions que j'avais en jouant telle pièce ou telle autre. Pour moi, l'émotion a toujours été ce qui était le plus important dans ma vie. »

— Une citation de   Gaston Bellemare

Il s’est demandé quoi d’autre pouvait générer en lui autant d’émotions. Et la réponse a pris la forme d’études universitaires en lettres.

Une main qui tient un crayon.
Gaston Bellemare a voulu donner vie à un événement qui ferait vivre de grandes émotions aux gens. Pour le conteur Fred Pellerin, le Festival international de la poésie de Trois-Rivières en est un qui, justement, « mise sur le frisson ».  Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Alors dans la trentaine, Gaston Bellemare devient l’un des premiers étudiants de Gatien Lapointe, le poète trifluvien renommé, nouvellement embauché à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).

L'étudiant admiratif était déjà familier avec l’Ode au Saint-Laurent, de Lapointe; un recueil marquant, d’abord paru en 1963 puis traduit dans plusieurs langues, où le poète rend hommage à sa terre natale et à son histoire.

En 1971, Gaston Bellemare publie un recueil de poésie aux Écrits des Forges, une maison d’édition qu’il vient de cofonder avec son professeur et ses compagnons à l’UQTR.

[Gatien Lapointe] donnait des cours, des ateliers de création, et il a décidé que mon livre serait le premier [à être publié]. Ça m'a beaucoup touché. C’est comme s'il m'envoyait un signal que [la poésie], ce serait quelque chose d'important, ajoute-t-il, à la fois nostalgique et fier. Je ne sais pas ce qui serait arrivé s’il n’avait pas été là. Je ne sais pas, songe-t-il à voix basse, le regard plongé vers le fleuve.

Bleu : source de terre est le seul recueil de poèmes de son cru qu’il a publié. À ce jour, sa vie a été consacrée à mettre en valeur les strophes des autres.

Gaston Bellemare et Maryse Baribeau enlacés.

C’est aussi sur les bancs à l’UQTR que Gaston Bellemare fait la rencontre de sa tendre complice, Maryse Baribeau, alors étudiante en génagogie. De leur passion commune pour la poésie est née une grande romance qui perdure depuis 43 ans.

Lui préside le festival, et elle en assume la direction générale. Un duo inséparable.

Le très grand sens de la communication de sa douce moitié a permis au festival de croître, comme jamais cela n’aurait été possible s’il avait été seul à s’en occuper, croit-il.

Chose certaine, Maryse Baribeau deviendra sa grande alliée dans ce projet : faire de Trois-Rivières un lieu incontournable pour la poésie.

De berceau du festival à « capitale mondiale de la poésie »  Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

De berceau du festival à « capitale mondiale de la poésie »
De berceau du festival à « capitale mondiale de la poésie »

On savait que ça marcherait, mais on pensait que ça prendrait plus de temps que ça, raconte Gaston Bellemare, encore surpris du succès instantané qu’a connu le festival qu’il a fondé en 1984.

Lors de l’inauguration, le célèbre Félix Leclerc a prononcé un discours, qui s’est avéré une prophétie. Le géant de la culture québécoise a énoncé la place que pouvait prendre la poésie au cœur de la ville, jusqu’alors connue pour son histoire industrielle comme capitale mondiale des pâtes et papiers.

Écoutez le célèbre auteur-compositeur-interprète Félix Leclerc lors de l'inauguration du Festival de la poésie de Trois-Rivières, en 1984.  Photo : Radio-Canada

Est-ce que Gaston Bellemare a cru dès le début que cette bonne parole pouvait se concrétiser? Il réfléchit, puis répond : On était très contents de le citer, parce que tu sais… les gens n’y croyaient pas trop. Il y avait tellement de négatif par rapport à ce qu'on voulait faire.

Celles et ceux qui étaient présents en 1984 ont été marqués par les mots de Félix Leclerc. C’est le cas de Jean-Paul Daoust.

Ça a mis comme le focus sur le festival, comme quoi on pouvait faire des choses audacieuses, comme quoi on pouvait vraiment oser, se souvient le poète québécois coloré qui, en quatre décennies du festival, a rarement manqué une édition.

« Le festival m’a fait écrire des textes que je n'aurais pas écrits. Des textes [...] qui sont jouissifs des fois. Des textes que je savais que [j’allais] lire à voix haute. »

— Une citation de   Jean-Paul Daoust, poète

Quatre ans seulement après son lancement, l’événement devient le Festival international de la poésie.

Un poème qui sur un immeuble : je serai ton paysage, tu seras mon passant, de Claude Paré.

La poésie réinventée

J’en avais vu, des festivals de poésie en France, et c'était ennuyant pour mourir, parce que le poète est là et il parle pendant 45 minutes, se souvient Gaston Bellemare, esquissant un sourire qui lui donne un petit air espiègle.

Il a donc voulu poser la poésie, à la fois dans le temps et dans des lieux exigus. Faire de cette rencontre annuelle un festival d’émotions.

On a choisi des petits lieux, des petits cafés, des petits bars, des petits restaurants. D’autres disaient : "Viens chez nous, on a un gros système de son pis toute l'affaire… il va y avoir bien plus de monde”, relate celui pour qui le scénario sonnait incongru. On n’additionne pas, nous, la quantité de gens qu’il y a. On additionne des gens qui sont heureux d'être là, explique le fondateur de l’événement.

La rencontre avec le public, en toute proximité, a stimulé l’accessibilité à la poésie, estime le poète Jean-Paul Daoust, qui conserve le souvenir de lectures fracassantes et géniales au festival, notamment au Zénob, l’un des bars participants.

Les poètes lisaient dans un abandon total avec les musiciens. [...] Tout le monde se rassemblait pour faire la fête tout en continuant à faire des lectures de poésie qui n’étaient pas, à ce moment-là, au programme. Le festival, officiellement, finissait à 23 h, mais le party pognait à 23 h, minuit! raconte celui qui a été le poète en résidence de l’émission de radio Plus on est de fous, plus on lit pendant des années.

Une dernière prose pour le parrain de la poésie Photo : Radio-Canada / Martin Ouellet

« On pensait que le poète était dans sa tour d'ivoire, mais de le voir sur une scène publique au restaurant, ça a humanisé la poésie, ça l'a rendue accessible, et d'une certaine façon, ça l'a un peu démystifiée. »

— Une citation de   Jean-Paul Daoust

La formule est simple et éprouvée. Chaque poète se lance pour une lecture de trois minutes.

Les poètes lisent leur poème dans leur langue, et vient ensuite la traduction en français. C’est tellement intéressant d’entendre un Chinois lire son texte, avec les intonations et tout. Ça aussi, c’était nouveau explique Jean-Paul Daoust, qui ajoute que le concept a été exporté ailleurs dans le monde, permettant ainsi aux poètes de se rencontrer entre eux.

Ça prenait quelqu'un quand même pour diriger ça, quelqu'un qui connaît la poésie, mais qui a les mains libres d’aller choisir où il veut, les poètes qu’il veut, précise Jean-Paul Daoust, en ajoutant qu’en ne publiant pas de poésie, Gaston Bellemare pouvait rester assez neutre. Il ne défendait pas une maison d’édition plus qu’une autre.

Je crois que si Gaston n'avait pas été là, le projet aurait avorté au bout de quelques années, tranche-t-il.

Gaston Bellemare et Jean-Paul Daoust sourient.
Jean-Paul Daoust a beaucoup de gratitude envers ce qu’a fait Gaston Bellemare pour la poésie québécoise. « Les festivals ont commencé à germer, donc on a pu être invités. Ça a résonné un peu partout sur la planète. Le Festival a permis, entre autres, une immense ouverture par rapport au monde. »  Photo : Radio-Canada / Charles-Antoine Boulanger

Oui, c’était une mission, mais j’étais tellement heureux de le faire! Si je ne l'avais pas ressenti, je ne l’aurais pas fait, soutient Gaston Bellemare, qui a tissé de nombreux liens d’amitié avec les poètes au fil du temps.

Il insiste pour dire que les poètes qu’il a invités à participer au festival sont les meilleurs au monde : Ce n’est pas parce qu’il a écrit un recueil de poèmes qu’on l’invite, c’est parce que ce qu’il a écrit c'est bon!

Et c’est pour l’amour de la poésie qu’il a voulu améliorer le sort de ses artisans et artisanes.

Une dernière prose pour le parrain de la poésie Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Un art à valoriser
Un art à valoriser

La poésie était invisible. Les poètes étaient invisibles; [c’étaient] les écrivains les plus mal payés au monde, soulève Gaston Bellemare. Alors il fallait travailler quelque chose, trouver des sous et leur permettre de gagner autant que les autres [écrivains] de façon à ce qu'ils se sentent égaux aux autres.

Le festival a entraîné un vent de changement.

L’homme de lettres et de finances s’est assuré que les artistes invités se souviennent du Festival international de la poésie de Trois-Rivières en les payant plus cher que tous les autres festivals ailleurs. Ils s'en rappelaient qu'ils étaient venus ici. Qu’ils avaient été bien payés pour une fois.

Jean-Paul Daoust se souvient de cette époque où la rémunération des poètes était sporadique.

Bien souvent, on faisait des lectures [de poésie], puis on avait deux coupons pour acheter une bière!, dit-il.

« Les poètes ont amélioré leur perception d'eux-mêmes, de ce qu'ils font, de l'importance de ce qu'ils font et de l'impact que ça a sur le public »

— Une citation de   Gaston Bellemare

Selon Jean-Paul Daoust, Gaston Bellemare a amené dès le départ un côté professionnel au festival, tant par la dynamique que par l'encadrement et le paiement.

Gaston Bellemare sourit derrière un banc avec l'inscription : c'est dimanche dans ma peau. Signé Alphonse Piché.
Gaston Bellemare a imprimé la poésie un peu partout à Trois-Rivières, entre autres sur des bancs de parc et diverses infrastructures trifluviennes.  Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Sa complice, Maryse Baribeau, souligne qu’en plus de la rémunération, il y a eu tout un travail de reconnaissance fait envers les poètes québécois.

Je pense que c'est méconnu, ce côté-là, je dirais presque missionnaire [...] pour faire reconnaître la poésie québécoise. Pour lui, c'est très important. Il a toujours dit : “Elle est de haut niveau.”

Fred Pellerin abonde dans le même sens. Lui-même diplômé de l’UQTR en études littéraires, il a souvent participé au Festival international de la poésie. Gaston Bellemare et le conteur de Saint-Élie-de-Caxton manifestent une grande appréciation l’un pour l’autre.

Pour jouer au hockey, ça prend de l’équipement… Pour faire de la poésie, ça ne prend rien, ça prend quelqu'un qui dit les mots, puis qui a le sens de l'image. Ça fait dans un sens quelque chose qui peut être un art populaire et très facilement performable et trafficable, disons, mais en même temps, ça fait quelque chose qui parfois manque de reconnaissance.

Fred Pellerin voit la Mauricie comme « une terre de parole ». Plusieurs poètes reconnus en sont originaires, tels que Gérald Godin, Gatien Lapointe et Félix Leclerc. Le conteur estime que Gaston Bellemare est de ceux qui ont permis à ce terreau fertile de ne jamais s'essouffler.  Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

« Oui, il a payé les poètes, mais à mon sens, il est allé beaucoup plus loin que ça. Il a redonné la poésie au monde, puis il a redonné le monde à la poésie. »

— Une citation de   Fred Pellerin

Le Trifluvien retraité de l’UQTR, où il a occupé divers postes administratifs pendant plus de 25 ans et où il a fondé l’École internationale de français, a fait de sa vocation pour le festival un engagement bénévole.

Je fais ça gratis depuis le début. Pour donner plus d'argent aux poètes, il faut que quelqu'un s'en prive. J’ai décidé que ce serait moi, raconte-t-il avec franchise. Il n’a aucune amertume de cet état de fait. Passionné et engagé, c’était pour lui la chose naturelle à faire.

Des gens marchent au centre-ville de Trois-Rivières lors du Festival international de la poésie.

Une œuvre qui rapporte

Gaston a toujours dit : “On n'est pas en poésie pour gagner notre vie, on entre en poésie pour ne pas la perdre”, insiste d’une voix déterminée Maryse Baribeau.

N’en demeure pas moins que, grâce au Festival international de la poésie, qui se déroule chaque automne, la principale ville de la Mauricie jouit d’importantes retombées économiques.

En 2023, plus de 70 poètes, provenant d’une vingtaine de pays, ont pris part aux quelque 250 activités prévues pour cette édition.

Maryse Baribeau gardera toujours en mémoire une demande en mariage survenue en plein festival. Les gens me demandent : “Où est-ce que ça va être magique?” Moi, je leur dis : “Ça va être magique partout!”

Elle a aussi des dizaines d’exemples en tête de gens qui ont décidé de déménager leurs pénates à Trois-Rivières, captivés par l’univers poétique qui s’en dégage.

Il y a des restaurateurs qui nous disent qu'ils font leur année pendant les 10 jours du festival, précise sa directrice générale, en ajoutant qu’il y a aussi des retombées émotives.

Une dernière prose pour le parrain de la poésie Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Des mots pour apaiser les maux
Des mots pour apaiser les maux

Gaston Bellemare a voulu faire vivre la poésie 365 jours par année à Trois-Rivières, et Fred Pellerin estime que la mission est largement accomplie.

Il a mis les plaques sur les murs, il a participé à toutes ces choses-là pour réinscrire la poésie dans un quotidien, dans la vie de tous les jours, dans l'architecture et dans la performance, relate le conteur passionné, qui souligne l’immense humilité de celui qu’il élève au rang des grands génies.

Si des extraits de poésie tapissent aujourd’hui des bâtiments et des bancs publics, c’est que l’ancien maire Guy LeBlanc a donné vie à l’idée originale de Gaston Bellemare au tournant des années 2000. Une quarantaine de langues y sont représentées.

Gaston, il y croyait. Ça a pris quelques secondes et on était d'accord qu'on allait de l'avant, relate celui qui a été à la tête de Trois-Rivières de 1990 à 2001, au moment où la poésie a pris son véritable envol.

Dans une ère où la santé mentale est au cœur des préoccupations, la poésie a ce pouvoir d'aider nos collectivités, estime Guy LeBlanc, notaire de profession, qui pense que les vers accrochés aux murs de la ville font du bien et qu’à ce titre, ils peuvent résonner positivement pour celui ou celle qui y pose son regard.

D’ailleurs, il a une pensée pour ceux qui ne savent pas lire. Ça me brise toujours le cœur parce que tous ces gens-là n'ont pas accès à cette aide-là, à cette ressource-là, à ce bonheur-là, déplore-t-il.

Ému, l’ancien maire croit aussi que la poésie est une ressource en ce sens qu’elle permet à ceux et celles qui s’y adonnent de se libérer.

Chaque automne, à l’occasion du festival, de grandes cordes à linge sont installées au centre-ville, où s’accrochent des poèmes par centaines.

Guy LeBlanc se souvient d’une année où il était sans mots devant la corde à poèmes. J'avais été tellement bouleversé par certains poèmes tellement noirs de jeunes ados. Ouf, ça venait me chercher. Si jeunes et si tourmentés, se disait-il, bien qu’il salue le fait que les jeunes se soient exprimés. De l’avoir mis sur la corde à linge, ça veut dire que plein de personnes vont l’avoir lu. Pour ces jeunes, ça les a peut-être aidés à se libérer de pensées qui étaient plus négatives.

Et pour ceux qui accueillent ces mots dépeignant des réalités plus sombres, Guy LeBlanc pense que ça génère une empathie nouvelle et que ça peut mobiliser des actions de société. Pour cela, notamment, l’ancien maire parle de Gaston Bellemare comme d’un géant.

Il est de ceux qui croient que la poésie crée un lien avec ceux qui s’y attardent, qu’ils aient le cœur triste ou léger.

Ce qui fait le plus plaisir à Gaston Bellemare, c’est de voir des amoureux s’enlacer devant un poème d’amour. Je m’accote et je les regarde faire!, dit-il, amusé.

Une dernière prose pour le parrain de la poésie Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

«  Si les gens viennent pour s’embrasser à Trois-Rivières, on a une maudite belle ville!   »

— Une citation de   Gaston Bellemare

Maryse Baribeau parle d’une initiative qui continue de faire des petits. Les gens maintenant me téléphonent pour dire : “Je voudrais avoir un poème sur la maison!”

Avec ses plaques argentées, Trois-Rivières est devenue un peu un recueil de poésie en soi, illustre pour sa part Jean-Paul Daoust.

Une dernière prose pour le parrain de la poésie Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Léguer la « planète poésie »
Léguer la « planète poésie »

Dès les premières années du festival, son créateur a rapidement tissé des liens avec des poètes de plusieurs pays, dont l’Australie, l’Argentine, le Brésil, la Colombie et le Mexique. Il a même créé la Fédération des festivals internationaux de poésie.

Sa complice des premiers instants n’a aucun doute : Il a fait voyager les poètes québécois à travers le monde. Et si la poésie québécoise est connue, c'est grâce à Gaston Bellemare.

« Gaston a créé ce qu'on appelle une planète poésie, et cette planète-là a fait des petits à travers le monde entier. »

— Une citation de   Maryse Baribeau, directrice générale du Festival international de la poésie de Trois-Rivières

Je viens d'avoir dernièrement des poèmes traduits à Buenos Aires par Leandro Cayer. C'est parce que, justement, il m'a entendu lire à Trois-Rivières! s’exclame le poète Jean-Paul Daoust.

« La poésie, c'est l'affaire qu'on peut faire sans équipement », fait remarquer Fred Pellerin, lui-même passionné par le sens de l’image qui découle de ce genre littéraire. Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Le conteur Fred Pellerin, qui voyage à travers la francophonie pour raconter les histoires de son village, est convaincu de l’impact positif de la poésie sur la région. Je serais curieux de voir, un peu partout à travers le monde, là, si on faisait un beau vox pop : “Trois-Rivières résonne pour quoi?” Puis tu sais, d'après moi, la poésie, elle y est pour beaucoup de choses dans le rayonnement de Trois-Rivières actuellement.

Une des fiertés de Gaston Bellemare est que depuis une quinzaine d’années, des élèves de partout dans le monde sont appelés à apporter leur couleur au festival en écrivant un poème dans le cadre de leur cours de français. Les jeunes d'une école secondaire au Brésil savent que Trois-Rivières existe!

Un autre fait d’armes de celui qui parle avec humilité de ses réussites est la coédition de recueils afin que les poètes québécois puissent se tailler une place de choix sur la scène internationale.

Quand on allait à Paris, les livres des Québécois étaient toujours dans la section littérature étrangère, jamais dans la section littérature française. Alors on s’est dit :  “Il faut trouver une façon de passer à côté.”

Ce qui l’a mené à publier quelque 1100 recueils avec les Écrits des Forges, dont la moitié en collaboration avec des éditeurs étrangers. Ces coéditions ont permis d’exporter la poésie québécoise et de lui donner plus de visibilité.

Son prochain grand chapitre à écrire en est toutefois un qui est encore plus personnel.

Gaston Bellemare regarde le Fleuve Saint-Laurent au loin.

Une passion qui ne veut pas s’éteindre

Quand tu avances en âge, si tu ne t'occupes pas de ta santé, c’est la mort qui s’en occupe, affirme Gaston Bellemare, dont la routine matinale consiste à marcher environ 10 kilomètres, chaque jour, en bordure du fleuve, si cher à ses yeux.

Si son cœur a montré quelques signes de faiblesse ces derniers temps, sa passion, elle, ne fléchit pas, et il souhaite ardemment la transmettre. J’espère que je vais pouvoir la donner avant de mourir. Que quelqu’un me l’enlève et qu’il la prenne pour lui!, dit-il avec une vive intonation, qui diffère de son ton de voix très calme.

« Ce n’est pas de ralentir qui me fatigue. C’est [que je veux] être certain qu'il y a des gens qui vont continuer. »

— Une citation de   Gaston Bellemare

Pour le fondateur du Festival international de la poésie de Trois-Rivières, le monde est sans frontières, la poésie a un pouvoir unificateur, et la vie est une succession de cœurs qui se rencontrent. Il ajoute, rieur : Et s’ils ne se rencontrent pas, c’est qu’ils n’avaient pas le cœur à la bonne place!

Le sien bat depuis quelques mois avec l’aide d’un stimulateur cardiaque. Mon nouveau boss!

Aujourd'hui, le médecin a regardé ses cicatrices, et il a dit : “Va-t’en chez vous, t’es correct…” Là, j’ai dit : “Est-ce que tu vas venir au festival?” Il a dit oui!

Cette énergie investie dans le festival qu’il a créé sera toutefois bientôt dirigée ailleurs. À 81 ans, il a décidé que la 40e édition, à l’automne 2024, serait sa dernière. À l'ouverture officielle, je vais envoyer la main à tout le monde, dit-il. 

Maryse Baribeau et lui songent maintenant au prochain chapitre de leur vie à deux. Je pense qu’on va arrêter ensemble, dit-il, amoureux comme au premier jour. Et peut-être voyager…, ajoute, rêveur, celui qui refuse l’étiquette de poète… mais qui en maîtrise parfaitement les images.

Une dernière prose pour le parrain de la poésie Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

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