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Adaptation pour Internet : CAROLINE PAULHUS

LE CONGO ÉTERNELLEMENT CONVOITÉ
Émission du 29 novembre 2002

journaliste : JEAN-MICHEL LEPRINCE
réalisateur :
PIERRE DEVROEDE

Depuis quatre ans, le Congo est à feu et à sang. Au moins six pays voisins et plusieurs groupes rebelles se disputent les dépouilles de ce pays qui est un des plus riches en richesses naturelles de l'Afrique. Autrefois, le Congo Oriental faisait l'envie de ses voisins à cause du diamant mais la guerre a épuisé le commerce. Aujourd'hui, c'est un minerai très recherché, le coltan, qui est au cœur des conflits. Il sert à produire le tantale, un métal précieux qui entre dans la fabrication des puces des téléphones et dont le prix a augmenté de 2000 % en 50 ans. Allons-nous assister au pillage d'une autre ressource naturelle du Congo?

La région de Masisi, au Congo, était autrefois un paradis de l'élevage bovin. Aujourd'hui, elle regorge d'un minerai rare et de grande valeur, le coltan, une abréviation pour Colombo-Tantale. Les carrières sont à ciel ouvert, les éboulements, très fréquents. Être un mineur de coltan c'est un métier dangereux. Dans certaines régions, le coltan peut même être radioactif.

Les hommes travaillent par groupe de cinq avec une méthode qui ressemble à celle qu'utilisait les premiers chercheurs d'or. Sur le bord d'un étang d'eau, ils nettoient des poignées de boue à la recherche de minuscules morceaux de ce minerais. Ils se partagent à la toute fin le profit de la récolte. C'est un travail très difficile mais rentable.

Dans le coltan, ce qui est recherché, c'est le tantale. Le pentoxide de tantale est reconnu pour sa dureté et sa résistance extrême à la chaleur et à la corrosion. Il sert à fabriquer des pièces d'avions, de fusées, d'outils de précision, mais surtout des condensateurs pour les téléphones cellulaires (portables), et les ordinateurs.

Le Canada produit du tantale en petite quantité à la mine Tanco du Manitoba, une filiale de l'américaine Cabot. L'Australie et le Brésil sont aussi des gros producteurs.

À Noël de l'an 2000 Sony a dû affronter des millions de consommateurs dont les enfants étaient furieux parce qu'une pénurie mondiale de tantale l'a empêché de fabriquer sa plate-forme de jeu vidéo Play Station 2 en quantité suffisante. Cette crise a fait monter le prix du coltan jusqu'à 800 dollars la livre.

Avec une telle valeur, ce précieux coltan fait l'objet de toutes les convoitises. Et qui dit « convoitise », dit souvent « pillage ». Au Congo, c'est la guerre. La région était il y a peu livrée aux bandes armées et aux pillards venus de toutes parts. Les soldats rwandais font à peu près régner l'ordre mais les villages doivent encore se protéger par des hommes armés.

De la mine aux fabricants

Les mineurs, après avoir passé leur marchandise par un inspecteur, suivent leur sac de coltan jusqu'au comptoir où le minerai sera échantillonné et analysé. Selon la pureté du produit, et son poids, le mineur recevra son salaire. D'après ces premiers acheteurs, un minier peut gagner jusqu'à 115 dollars en deux semaines. Pour gagner la même chose, un paysan devrait récolter des haricots pendant un an et demi!

La deuxième étape est de passer des aimants au travers du lot pour y retirer toutes impuretés. Le coltan est ensuite séché, écrasé et mélangé pour devenir une poudre fine et homogène. Les premiers acheteurs accumulent ainsi jusqu'à cinq tonnes qu'ils vendent à des courtiers. Ils ne peuvent alimenter directement les fabricants, la plupart du temps pour des raisons politiques.

En effet, à cause d'un embargo moral organisé contre le coltan du Congo, officiellement, les deux plus grands raffineurs de tantale, l'américaine Cabot et Starck, la filiale de la multinationale allemande Bayer, refusent d'acheter le coltan du Congo. Dans les faits, les intermédiaires se multiplient pour camoufler la vraie source, mais le coltan du Congo finit toujours par s'y rendre. Il transite parfois par le Rwanda et la Tanzanie vers l'Europe (la Belgique surtout), le Kazakhstan ou encore l'Asie (Thaïlande, Japon). De là, le coltan est renvoyé vers les raffineurs occidentaux.

La guerre et les diamants

Cette guerre où tout le monde pille les richesses du Congo a pris naissance à Kigali, capitale du Rwanda. Des millions de Tutsis et Hutus modérés y ont massacrés en trois mois de génocide en 1994. Huit ans plus tard on retrouve encore des victimes. Les tueurs, des Hutus de l'armée et du groupe Interhamwe se sont enfuit au Congo devant les troupes rebelles Tutsis qui ont pris le pouvoir. En 1998, la nouvelle armée du Rwanda profite de la rébellion contre le dictateur Mobutu pour envahir le Congo, officiellement à la poursuite des auteurs du génocide. Depuis c'est la guerre. Près de 3 millions de morts en quatre ans. Les soldats rwandais se battent contre l'armée du Congo, celle de son allié l'Ouganda et toutes sortes de groupes armés, rebelles ou bandits. Et tout le monde se sert au passage.

À Kisangani, en plein cœur du Congo, ce n'est toutefois pas du coltan, mais des diamants qu'on pille. Car les diamants se retrouvent aussi en abondance dans ce pays. Une richesse naturelle qui ne fait que donner une autre raison de dispute. Que ce soit le régime de Mobutu ou le régime de Kabila, c'est du pareil au même, le pillage continue, avec les Rwandais et leurs alliés, les rebelles du RDC.

Comme le coltan, le diamant est miné par des petits creuseurs, on les appelle les « boulonneurs ». Il n'y a pas d'exploitation industrielles du diamant. Elle est essentiellement artisanale. Or, pour que les diamants, le coltan, l'or, le cobalt, le bois précieux, toutes les richesses du Congo cessent d'alimenter une guerre particulièrement barbare, une commission des Nations unies recommande un embargo. Selon d'autres analystes, un embargo n'est pas la solution. Non seulement la guerre ne s'arrêterait pas, mais cela créerait des milliers de chômeurs et ferait souffrir de pauvres paysans.

La fin de l'occupation du Congo par le Rwanda ne va pas mettre un terme au chaos, et le pillage du Congo, de ses diamants, de son coltan, ne va pas cesser pour autant. Il a commencé au siècle dernier avec le roi belge Leopold II pour l'ivoire, le caoutchouc, à son profit personnel. Il a continué avec l'État Belge ; puis à l'indépendance avec le dictateur Mobotu au profit de son clan, suivi par les Kabila père et fils, et enfin par les rebelles et tous les pays qui entourent le Congo. Dans l'indifférence du monde entier, ou presque...


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POUR VISIONNER
LE REPORTAGE

première partie
deuxième partie

images : GEORGES LASZUK
son : MARTIN THIBAULT
montage : PIERRE DUCROCQ

 

QUELQUES REPÈRES

superficie : 2345 milliers de km2

population : 51 millions

PNB : 53 milliards de dollars (1998)

PNB/Hab. : 110 dollars (1998)

Régime politique :
La République Démocratique du Congo a connu, à ce jour, trois présidents : Joseph Kasa-Vubu (qui fut le premier après l'indépendance), Mobutu (qui rebaptisa son pays en Zaïre) et Laurent-Désiré Kabila (qui, après une rébellion de plusieurs mois, renversa Mobutu et s'auto-proclama Président de la nouvelle république RDC).

Vers la protection des ressources du Congo

Une première étape a été franchie dans la protection des ressources du Congo. Une entente a été conclue entre les représentants de 52 pays qui produisent des diamants ou qui en font le commerce pour mettre fin au trafic des pierres en provenance des zones de guerre, comme le Congo. Dès janvier prochain, un système de certification sera implanté pour permettre de retracer le parcours des diamants exportés. Des organisations humanitaires réclamaient cette mesure de contrôle pour éviter que le trafic de diamants ne serve à financer des conflits

L'Union européenne, la Suisse, les États membres de la Communauté de développement d'Afrique australe (Afrique du Sud, Angola, Botswana, Lesotho, Malawi, Mozambique, Namibie, République démocratique du Congo, Swaziland, Tanzanie, Zambie, Zimbabwe, Maurice et Seychelles) et le Conseil mondial du diamant sont les signataires de cette entente.

Cette nouvelle a amené le géant sud-africain du diamant De Beers à envisager de reprendre ses activités en République démocratique du Congo. De Beers mise sur une fin rapide du conflit et veut être parmi les premiers à reprendre la production au Congo. De Beers avait fermé en octobre 1999 ses bureaux en République démocratique du Congo, devant les réactions suscitées par le commerce de diamants provenant de pays africains en guerre.

(voir le Processus de Kimberley, le document officiel de l'entente)

POUR EN SAVOIR PLUS

Congonline
(site congolais qui couvre tous les domaines de la vie de
la République Démocratique du Congo)

Congo
(dossier du Monde diplomatique)

 

L'émission Zone Libre est diffusée sur les ondes de Radio-Canada le vendredi à 21 h et présentée en rediffusion sur les ondes de RDI le samedi à 23 h, le dimanche à 20 h ainsi que le lundi à 1 h.