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    NOS COORDONNÉES

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    HEURE DE DIFFUSION
    Mardi 19 h 30

    REDIFFUSION SUR RDI
    Samedi 17 h 30
    Dimanche 2 h 30


    - Climatiseurs bruyants -
    Une fois par semaine, l'équipe de La facture se retrouve dans les rues de Montréal pour enregistrer les présentations des reportages présentés le mardi. Chaque fois, elle constate combien la ville est bruyante. Imaginez un instant que le bruit incessant de la ville vous poursuit jusque dans votre salon et même dans votre chambre à coucher. Les villes ont chacune leur propre règlement sur le bruit, mais ont-elles la volonté ferme de l'appliquer?

    Réalisateur-journaliste: Jacques Taschereau

    __________


    Le Vieux-Montréal est l'un des plus beaux quartiers de la métropole québécoise. Mario a le bonheur d'y habiter. De sa fenêtre, les beaux coups d'oil ne manquent pas, mais il peut aussi voir et, surtout, entendre les thermopompes et les climatiseurs industriels d'un immeuble voisin. Ils font tellement de bruit que c'en est illégal.

    « Je ne peux jamais ouvrir mes fenêtres, il y a trop de bruit. Je n'ai pas d'été. »

    Mario souhaite que la Ville de Montréal oblige les contrevenants à réduire le bruit des appareils, mais ce qui semble simple ne l'est pas.

    « Ce que je veux, c'est que la Ville applique son règlement, et je n'arrive pas à comprendre pourquoi elle ne l'applique pas. »

    Mario loue un appartement dans une coopérative d'habitation depuis cinq ans. Dès le premier été, il a constaté le problème de bruit en ouvrant ses fenêtres. Cela fait maintenant cinq étés qu'il ne peut les ouvrir.

    « C'est pire la nuit, peut-être parce qu'il y a moins de bruit un peu partout. Et quand il y a de grosses chaleurs, ça fonctionne tout le temps, tout le temps, tout le temps. C'est impossible de vivre avec ça. »

    Au-dessus des normes

    Le troisième été, Mario en a eu assez. Il s'est dit qu'entre gens civilisés, il y avait sûrement moyen de se parler. Il est donc allé trouver les deux compagnies qui louent les locaux de l'immeuble. Elles n'ont toutefois pas été très réceptives à sa demande de réduire le bruit des climatiseurs.

    La première entreprise a prétendu être « dans les normes », la seconde a déclaré « qu'il n'était pas question d'éteindre les climatiseurs ».

    Mario a alors porté plainte à la Ville. C'était au début de l'été 2004. Il croyait que le processus suivrait son cours tout seul, mais il a dû talonner la Ville sans relâche pour qu'un inspecteur vienne enfin mesurer le bruit des appareils.

    Quand l'inspecteur est finalement venu chez lui, en août 2004, la mesure qu'il a prise était de 53 décibels. Le bruit des climatiseurs était au-dessus des normes acceptables.

    Un dossier qui traîne

    À 53 décibels, le bruit est une quinzaine de décibels au-dessus de la limite nocturne.

    « C'est comme vivre avec une voiture qui est à l'arrêt, mais dont le moteur tourne constamment, souligne Tony Leroux, audiologiste à l'Université de Montréal, ou avec un mélangeur à main en marche dans la chambre à coucher. »

    « Nous ne sommes pas dans une nuance de gris où la situation est possiblement tolérable, ajoute le spécialiste du bruit et de ses effets sur la santé. Ce n'est pas tolérable, cette situation-là. C'est clair. »

    Même si des mesures ont démontré clairement que les entreprises voisines enfreignent son Règlement sur le bruit, Mario a dû continuer à talonner la Ville de Montréal. Il a vu l'ombudsman, il a téléphoné au bureau d'urbanisme, à celui du maire et à la police.

    « On m'a dit: ''À Noël, ça va être réglé. Au printemps, ça va être réglé. Ne vous énervez pas, Monsieur, ça va être réglé avant l'été prochain''. Ça fait deux ans qu'on me répète ça et il n'y a jamais rien de réglé! »

    Pourtant, l'inspecteur de la Ville a mesuré le bruit à trois autres occasions, et il a chaque fois constaté l'infraction.

    « Ils reçoivent des lettres disant qu'ils sont en infraction, mais ça ne se rend jamais en cour. Ça fait plus de deux ans et ça ne s'est pas encore rendu en cour. Ils n'ont pas encore payé une seule amende. »

    Des délais normaux?

    « Les occupants ont été avisés par huissier de dépassements des normes, affirme Michel Tanguay, chargé de communication à la Ville de Montréal. Cela nous mène à l'automne 2004. Un des deux occupants a dit qu'il allait faire appel à un expert dans le domaine et il y avait une ouverture pour régler le problème. Dans l'autre cas, on n'a pas eu signe de vie. »

    Michel Tanguay
    « Si je reçois une contravention et que je ne la paie pas, les intérêts vont rapidement courir, réplique Mario. Ça fait deux ans [qu'ils les ont reçues], et il n'y a rien qui court. »

    « La Ville fait respecter son règlement, poursuit Michel Tanguay. On envoie des avis d'infraction. S'il y a une ouverture, si on a quelqu'un qui dit: ''Je vais prendre les moyens pour régler ça'', qui est de bonne foi, qui rencontre des gens, qui cherche des solutions, on ne va pas lui taper dessus quand il est en train de se démener pour trouver une solution. »

    La facture a contacté les deux entreprises. L'une a préféré garder le silence, l'autre assure qu'elle a tenté de régler le problème, sans succès. Et selon la Ville, c'est normal qu'un dossier de ce genre ne soit pas réglé après deux ans.

    D'autres plaintes

    Michel était président de la coopérative d'habitation au tournant des décennies 80 et 90. Preuves à l'appui, il dit que ce dossier remonte à bien avant 2004.

    « Quand je regarde la correspondance de l'époque, je m'aperçois que les premières lettres ont été échangées en 1990, dit-il. Et elles font référence à 1989. »

    L'échange de lettres avec le propriétaire d'une des deux compagnies démontre bien que, dès cette époque, la Ville de Montréal était consciente qu'il y avait un problème.

    « Le monsieur nous a lui-même écrit qu'après des pourparlers avec la Ville de Montréal, il a accepté d'interrompre la climatisation pendant la nuit, ajoute Michel. C'est donc que c'était au-delà des normes de nuit, sinon des normes de jour. »

    La Ville n'a aucune trace d'une plainte avant 1990. Elle reconnaît toutefois qu'il y a eu une autre plainte en 1998. Le bruit mesuré à ce moment-là aurait été dans les normes et rien n'a été fait. Et depuis, les climatiseurs ont recommencé à gronder la nuit.

    « À un moment donné, on se décourage, admet Michel. Ils finissent par nous avoir à l'usure. »

    « Ça fait au moins 15 ans que ça dure. Ça veut donc dire qu'ils ne veulent pas qu'il se passe quelque chose, renchérit Mario. Il y a quelque chose de bloqué quelque part, mais où? Je ne sais pas qui le découvrira un jour. »

    Manque de moyens

    Pour tenter de le savoir, La facture a contacté de nombreux spécialistes du droit municipal. Aucun n'a accepté de passer à l'écran. La plupart ont des mandats de la Ville de Montréal.

    Ils ont quand même expliqué que poursuivre des contrevenants en cour pour des amendes ridicules, ça coûte cher. À Montréal, ces amendes commencent à 100 $. Selon les avocats consultés, les municipalités ne veulent pas dépenser de l'argent dans ce type de cause ne bénéficiant qu'à quelques citoyens.

    Conséquence: les citoyens en viennent souvent à laisser tomber. Quelques-uns finissent par poursuivre eux-mêmes leur voisin devant les tribunaux.

    « Pourquoi ont-ils un règlement si c'est ce qu'ils veulent que nous fassions? se demande Mario. C'est ça que je ne comprends pas. Que quelqu'un me dise pourquoi ce règlement ne s'applique pas. »

    Pourquoi n'y a-t-il pas déjà plusieurs contraventions sur les bureaux des entreprises en question?

    « Pour donner plusieurs contraventions, il faut que l'agent de contrôle du bruit se présente plusieurs fois pour prendre des mesures, répond Michel Tanguay. Si on veut faire ça, c'est évident qu'il faut avoir plus d'agents. Mais il faut y aller aussi selon les moyens de la Ville. »

    « Pour tout le territoire de l'île de Montréal, il y a deux personnes pour faire des mesures de bruit. Deux personnes pour tout le territoire, c'est nettement insuffisant, estime Tony Leroux. Et si, en plus, on ne donne pas ces constats d'infraction et qu'on ne fait rien, on peut dire que le problème n'est pas pris au sérieux. »

    En comparaison, il y a 84 inspecteurs de la propreté, 90 inspecteurs en bâtiment et 120 préposés au stationnement à Montréal.

    Des effets sur la santé

    Selon l'audiologiste, les questions de bruit sont plus sérieuses qu'on le pense.

    « Avoir des nuits de sommeil qui ne sont pas reposantes, nuit après nuit, ça provoque une fatigue qui, si ces conditions se répètent semaine après semaine, mois après mois, mènera vers de la fatigue chronique, des épisodes dépressifs. Ça a des effets réels sur la santé. »

    Mario espère que l'été 2006 verra la fin de son calvaire, que la Ville ira au bout de son Règlement sur le bruit et qu'il aura enfin la sainte paix.

    « J'ai demandé aux sours grises, mes voisines, de prier pour moi. Quand on ne sait plus quoi faire, on peut se tourner vers la prière, non? Et savez-vous ce qu'elles m'ont répondu? ''C'est dans le silence que Dieu entend nos prières''. Il n'entend même pas nos prières, il y a trop de bruit! Il y a quelque chose qui ne marche plus... »

    En conclusion

    Les deux compagnies dont il est question dans ce reportage sont locataires des lieux qu'elles occupent. Le 14 avril dernier, la Ville de Montréal a traduit le propriétaire de l'immeuble devant le tribunal. Il a été reconnu coupable d'avoir contrevenu trois fois au Règlement sur le bruit de la ville de Montréal. À 250 $ par contravention, cela fait une amende totale de 750 $.

    Rappelons que les premières démarches contre le bruit excessif provenant de cet immeuble ont débuté... il y a 16 ans.



    Hyperliens
    Règlement sur le bruit de la Ville de Montréal
    En format PDF

    Le portail officiel - Ville de Montréal



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