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    Mardi 19 h 30

    REDIFFUSION SUR RDI
    Samedi 17 h 30
    Dimanche 2 h 30


    - Les « facilitateurs de santé » -
    Ils vivaient une période difficile: divorce pour certains, épuisement professionnel, problèmes familiaux. Fragiles, vulnérables, ils ont décidé d'aller chercher de l'aide dans un centre montréalais où sont offerts des cours de croissance personnelle. Quelque 6000 personnes y sont passées en 10 ans. On en a profité pour vendre à certains d'entre eux, à très fort prix, une formation de « facilitateur en santé ». À quoi menait cette formation? Principalement à l'enrichissement du centre!

    Journaliste: Johanne Faucher
    Réalisatrice: Claudine Blais


    __________


    « C'était une formation pour arriver à une nouvelle carrière, c'est comme ça qu'on nous l'a proposée », affirme Marie-Andrée.

    « Ça a pris six ans avant que je réalise que ça n'aurait pas de fin », déclare Patrick.

    Marie-Andrée et Patrick ne sont jamais devenus « facilitateurs de santé ». En suivant une formation, inventée par la fondatrice du centre, ils voulaient aider les gens à s'autoguérir par les émotions et la spiritualité.

    De prime abord, ils étaient tous emballés. Mais, en décembre dernier, neuf personnes ont décidé de poursuivre la directrice du centre devant la Division des petites créances de la Cour du Québec pour fausses représentations et abus de pouvoir.

    Une femme convaincante

    « Je voulais l'aider, sa mission me parlait. Enfin, j'avais trouvé quelque chose d'intéressant », explique Martine.

    « Elle a fait des émissions de radio, elle a écrit un livre, elle est maître facilitateur, c'est elle qui a inventé la formation: on l'a mise sur un pied piédestal, en fin de compte », raconte Martin.

    La directrice du centre a suivi sa formation en grande partie chez Landmark Education, un groupe international de croissance personnelle très controversé. Dans son livre, elle reprend plusieurs des théories de Landmark selon lesquelles nous sommes pleinement responsables de ce qui nous arrive. Elle va parfois très loin lorsqu'elle parle de l'inceste : « Il faut comprendre qu'une petite fille de 5 ou 6 ans est responsable de sa réalité, tout comme l'adulte peut l'être. [...] Peut-être avait-elle besoin d'expérimenter la honte et la culpabilité face à la sexualité. »

    Des cassettes accompagnent ses livres, dans lesquels elle vante les mérites de l'autoguérison. « Je veux que les gens, à partir de ce livre, s'autoguérissent, s'autotransforment. Vous avez la capacité de le faire », dit-elle.

    Elle soutient également que l'on peut guérir de graves maladies en assistant à ses séminaires. Le 8 décembre dernier, au Sheraton de Laval, elle affirmait, devant plus de 100 personnes: « C'est comme ça dans les séminaires, ce n'est pas croyable, des gens se guérissent de cancers, de sclérose en plaques. »

    La directrice du centre n'est pas médecin, mais naturopathe, psychothérapeute et hypnothérapeute. Son centre, à Montréal, offre des cours de croissance personnelle depuis 11 ans. C'est à cet endroit que les plaignants ont dépensé des sommes importantes, pouvant atteindre 31 000 $.

    Me Jannick Desforges
    Une formation coûteuse

    Comme d'autres, Patrick et Marie-Andrée étaient fragiles quand ils sont arrivés au centre. Après avoir suivi des cours de croissance personnelle, ils ont voulu devenir des « facilitateurs de santé ». Ils se sont fiés à un dépliant indiquant qu'ils devaient suivre 12 cours, au coût de 7630 $, plus taxes.

    D'autres dépenses s'ajoutent. Par exemple, un des séminaires prévus se tient dans un hôtel de Cancun. Or, le coût du cours n'inclut pas les frais de voyage, et les participants n'ont pas d'autre choix que de loger dans un hôtel cinq étoiles.

    Après avoir complété cette formation, la directrice du centre demande qu'ils suivent encore un autre cours. « Elle a ajouté un cours de facilitateur d'entreprise. Elle nous a dit que si nous n'y étions pas, c'est que nous n'étions pas vraiment sérieux », affirme Patrick.

    De plus, les étudiants doivent ensuite réviser tous les cours, ce qui signifie les refaire une deuxième fois. Cette particularité n'était toutefois pas mentionnée dans la brochure détaillant le programme. « Vous payez la moitié du prix de chaque cours quand vous les refaites », explique Patrick.

    Et en 2002, la psychothérapeute décide que, dorénavant, pour devenir facilitateur de santé, il faut suivre un nouveau cours, nommé « maître facilitateur », pour la somme de 40 000 $.

    Au total, compléter la formation de « facilitateur de santé » coûte donc plus de 60 000 $.

    À Option consommateurs, on connaît bien les cours de croissance personnelle. « Il faut vraiment voir ces entreprises comme des commerçants qui font de l'argent en donnant des cours. Un consommateur inscrit au cours numéro un, en terminant, se fera faire la promotion du cours numéro deux, et ainsi de suite. Il n'y a jamais de fin », explique Me Jannick Desforges, responsable des affaires juridiques à Option consommateurs.

    Le recrutement

    Les plaignants disent avoir découvert, pendant leur formation, qu'ils devaient également faire du recrutement. Ils devaient, par exemple, inviter un minimum de cinq personnes aux séminaires, cinq personnes aux soirées d'information et deux personnes aux soirées d'intégration. Ce système de type pyramidal assurait à la directrice du centre de nouveaux clients.

    « Il faut faire en sorte que 75 à 80 % des gens prennent un autre séminaire. C'est du harcèlement total », précise Patrick.

    Devant l'échec à remplir ces conditions, les futurs « facilitateurs de santé » s'exposaient à la critique. Ils se faisaient accuser de « ne pas être dans leur cour », ou encore d'avoir « échoué à aider d'autres personnes à s'ouvrir à leur vie ».

    Au centre, des séminaires sont vendus pour régler toutes sortes de problèmes. La directrice souligne qu'elle est accréditée par le ministère du Revenu et celui des Ressources humaines. « Cela pousse énormément les gens à investir. Je dirais que c'est le point majeur », déclare Patrick.

    Emploi-Québec et le ministère du Revenu désignent le centre comme un établissement d'enseignement reconnu. Pourtant, ils n'ont jamais évalué les cours. Et ces cours sont déductibles du revenu imposable. Le séminaire de deux semaines, tenu à Cancún au cours duquel sont prévus six jours de cours et huit jours de vacances, peut également être admis en déduction du revenu imposable.

    Un diplôme?

    Dans cet établissement d'enseignement reconnu, on ne remet aucun diplôme. La directrice du centre a refusé de donner une entrevue devant la caméra, mais elle a avoué, au téléphone, ne pas décerner de diplôme, mais des accréditations.

    Puis, interrogée par le juge, elle a déclaré ne donner que des accréditations verbales. Une douzaine de personnes auraient reçu le titre de facilitateur de santé depuis l'ouverture du centre, il y a 11 ans. Selon elle, ceux qui se plaignent n'ont tout simplement pas complété leur formation ou n'ont pas passé les évaluations.

    Pour la directrice du centre, les exigences du cours étaient clairement écrites dans un contrat, qu'elle dit avoir remis aux participants dès le premier séminaire. « Ça a pris un an et demi avant que j'aie cette feuille entre les mains », affirme Patrick. Tous les plaignants confirment n'avoir vu le contrat que plusieurs mois après avoir commencé la formation de facilitateur de santé.

    Selon Jannick Desforges, d'Option consommateurs, ledit contrat ne respecte pas la Loi sur la protection du consommateur. « Plusieurs éléments ne s'y trouvent pas: le prix total à payer, les modalités de paiement et la possibilité pour le consommateur de résilier le contrat en cours de route », souligne-t-elle.

    Les plaignants ont fait valoir à la cour que le contrat était confus et illégal, qu'ils ont été trompés sur le coût et la durée de la formation, et qu'ils s'enlisaient dans une thérapie de groupe, alors qu'ils devaient se préparer à une nouvelle carrière.

    « Ce qu'on croyait trouver dans les cours, c'est dans la démarche qu'on a faite pour s'en sortir qu'on l'a obtenu. Pour ma part, j'ai acquis la capacité d'être critique en allant à la Division des petites créances », explique Marie-Andrée.

    « On a tous demandé le montant maximum. Nous espérons au moins reprendre notre argent et notre dignité en justice », juge Patrick.

    En conclusion

    Les neuf plaignants ont gagné leur cause à la Division des petites créances, et huit d'entre eux ont obtenu l'indemnité financière maximum, soit 7000 $.

    Le juge a été très sévère envers le centre et sa directrice. Son jugement parle de tromperie, de fausse publicité, d'attitude antisociale, de conflit d'intérêts et de système de type pyramidal.

    La Cour a accordé des dommages exemplaires aux plaignants, parce que les violations systématiques de la loi étaient la règle de conduite au centre. Le juge veut ainsi prévenir toute récidive de la naturopathe et envoyer un message clair à ceux qui seraient tentés d'agir comme elle.




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