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- Isoler la différence -
Favoriser le plus souvent possible l’intégration de l’enfant dans des classes régulières ou dans des classes spéciales est la politique officielle du Québec depuis 25 ans. Ces classes dites « spéciales » ont cependant laissé de mauvais souvenirs à la romancière Arlette Cousture et à son conjoint, Daniel Larouche. Leur fille adoptive Marilou, souffrant d’un handicap intellectuel, en a fréquenté dans huit écoles différentes. « Elle savait qu’elle n’était pas dans les mêmes classes que les autres. Quand elle arrivait le soir, elle était déprimée! Se lever le matin pour aller à l’école était difficile… »
Arlette Cousture et Daniel Larouche


Elle avait quinze ans lorsque ses parents lui ont enfin trouvé une place à l’école spéciale. À leur première visite, ils ont toutefois failli reculer. « On a eu le réflexe de se dire: Aie! Aie! Aie! Regarde ces gros cas-là! Comment veux-tu qu’elle soit stimulée? Erreur! C’était ELLE qui stimulait les autres! C’est ELLE qui était la première! C’est ELLE qui était bonne! Conséquemment, elle était gagnante et fière d’elle! La dynamique a changé complètement en une année! » relate Arlette Cousture. Depuis, les parents de Marilou sont d’ardents défenseurs de l’école spécialisée. Pour eux, l’équation est simple: chaque enfant a besoin d’être valorisé et de se faire des amis à l’intérieur d’un groupe de semblables.

C’est ce qu’Arlette Cousture appelle la ségrégation volontaire.

« Tout le monde se regroupe: l’association des professeurs, l’association des psychologues, l’association de la société des historiens du Québec, etc. Pourquoi? Par affinité, explique Arlette Cousture. Vous n’en avez pas avec une personne handicapée! Laissez-les donc s’associer avec des personnes semblables à elles et ensuite irradier avec les autres personnes. »

Des services adaptés
Il aura fallu une hospitalisation à Nicolas Pronovost, qui souffre d’un trouble envahissant du développement et d’une légère déficience, pour qu’il soit transféré dans une école spéciale. Avant, son cas n’était pas considéré suffisamment grave.

La plupart de ses professeurs n’avaient cependant aucune formation spéciale pour composer avec ces enfants pas comme les autres. L’un d’eux, craignant que les enfants fassent des crises, ne leur présentait que des films de Walt Disney pour les garder calmes. « Cette année-là, les apprentissages ont été quasi inexistants et Nicolas a régressé beaucoup », regrette la mère de Nicolas, Ginette Courtois.

Comme 172 élèves de 4 à 21 ans, de partout en Montérégie, Nicolas fréquente aujourd’hui l’école Marie-Rivier à St-Jean-sur-Richelieu. Dans les corridors de l’école, les élèves moins handicapés en côtoient d’autres beaucoup plus lourdement atteints.

Les deux filles d’Hélène Gendron fréquentent l’établissement. « Elles y ont la chance de réussir, dans un cadre sécuritaire, avec des spécialistes pour les encadrer. »

Contre l’école spéciale
L’existence même de l’école spéciale choque l’Association pour l’intégration sociale et son vice-président Jean-François Martin. Ce père d’un adolescent trisomique milite en faveur du placement de tous les enfants handicapés dans le système régulier. Il croit si passionnément à l’intégration scolaire qu’il dénonce toute autre méthode de scolarisation des élèves handicapés.
Parce qu’elles n’offrent aucun modèle aux élèves, les écoles spéciales devrait être fermées et leurs ressources transférées dans les écoles régulières, soutient-il.

C’est exactement ce qu’a fait la commission scolaire Lester B.Pearson, en banlieue ouest de Montréal. En 1999, cette commission anglophone a intégré dans les classes régulières tous ses élèves, quel que soit leur handicap. Cela signifie que, dans une classe, un élève sur 10, en moyenne, a des besoins spéciaux. Dans certaines classes, c’est un sur trois.

Enjeux aurait aimé constater l’état des choses, mais la commission scolaire a refusé l’accès à ses écoles, même sans caméra. Seul le président du syndicat des professeurs, a accepté de parler. Après avoir travaillé 30 ans avec des jeunes handicapés, il ne croit plus du tout à l’intégration totale. « Les parents devraient se demander si leur enfant obtient tout ce dont il a besoin quand il est intégré dans une classe régulière », dit Serge Laurendeau, qui note une hausse importante des cas d’épuisement professionnel chez ses enseignants.

« Je n’ai pas l’impression que les services sont bien rendus par rapport aux milliers de dollars investi », affirme pour sa part Jacynthe Auclair, enseignante dans une classe spéciale d’une école régulière.

L’état consacre deux fois plus d’argent à l’éducation d’un élève handicapé qu’à celle d’un élève régulier: 14 000 dollars par an.

D’un extrême à un autre
Daniel Larouche n’a rien contre le principe, mais contre l’intégration scolaire vue comme une panacée. « On est parti d’une société où, systématiquement, on mettait dans des voies de garage tous ceux qui avaient quelque chose de différent : handicaps physiques, handicaps intellectuels ou troubles de comportement. Puis, on s’est dit qu’il fallait les intégrer, mais il y a eu une dérive. Mais pour ils aient des droits, faut-il absolument les forcer à être dans des milieux dans lesquels ils ne sont pas heureux, dans lesquels ils ne sont pas valorisés, et dans lesquels ils arrivent pas à devenir ce qu’ils peuvent devenir? »
Marilou et son fiancé

Les parents de Marilou ne le croient pas.

« Nous avons une Marilou qui est heureuse, qui aime son travail, qui est bien dans son couple et qui est de bonne humeur quand elle se lève le matin. Je connais un paquet de monde qui ne sont pas handicapés et qui aimeraient bien pouvoir en dire autant! », conclut Daniel Larouche.

Journaliste: Pascquale Turbide
Réalisatrice: Lucie Payeur





 [Regardez le reportage (1re partie)]

 [Regardez le reportage (2e partie)]

 [Regardez le reportage (3e partie)]

Hyperliens
L'Association du Québec pour l'intégration sociale

Politique de la commission des droits de la personne du Québec



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