Le déclin de l'anguille américaine
Journaliste : Gilbert Bégin
Réalisateur : Bernard Laroche
30 novembre 2003

«À Kamouraska, la pêche automnale la plus importante est, sans contredit, celle de l'anguille. À leur arrivée, nos ancêtres ont pu profiter de cette source d'alimentation que connaissaient déjà les Amérindiens. En 1831, dans les îles de Kamouraska, on remarquait six pêches à fascines : deux à l'île aux Corneilles, une à l'île aux Harengs, une près du Cap au Diable, une à l'île au Patin et une à l'île Brûlée.»
Source : Musée de Kamouraska

 

L'anguille de Rivière-Ouelle...

Un corps allongé nageant avec souplesse et à toute allure, c'est l'anguille d'Amérique, un poisson d'eau douce.

Kamouraska est un haut lieu de la pêche à l'anguille. Chaque année, on y érige de véritables Cathédrales des mers… des pêches qui sont à la mesure de l'ardeur de ce poisson.

Çela fait plus de trois siècles que les pêcheurs de Kamouraska répètent les mêmes gestes. L'anguille a toujours constitué un revenu d'appoint pour les familles d'agriculteurs de la région.

Georges-Henri Lizotte pêche l'anguille depuis qu'il est tout jeune. Chaque automne, une véritable fièvre s'empare de lui. Il a toujours pêché à Rivière-Ouelle, près de Kamouraska. Il possède aujourd'hui l'une des plus importantes pêches d'anguilles au Québec.


Le déclin...

La marée dirige les anguilles vers des boîtes de capture, toutefois, depuis quelques années, les boîtes sont de plus en plus désertes.

Georges-Henri Lizotte est préoccupé. Comme d'autres pêcheurs, il constate qu'il y a de moins en moins d'anguilles et ce, depuis une bonne quinzaine d'années.


«Comme les vents qu'on a aujourd'hui, on a pris jusqu'à 4000 anguilles dans une marée. Mais là, quand t'a pris 300 anguilles dans une marée, c'est bon, c'est très bon.

Avant ça, ça nous prenait 1000 anguilles pour commencer à nous faire capoter un peu. Pis là, ben avec 50 ou 60, on commence à réagir. C'est aussi vite que ça. C'est désolant de voir comment c'est rendu par exemple là… »

Georges-Henri Lizotte

 

Le déclin de l'anguille, c'est une tendance lourde observée depuis le milieu des années 80. Les prises des pêcheurs commerciaux ont chuté des deux tiers en 15 ans. Il se prenait 250 tonnes d'anguilles entre Québec et Rimouski en 1985. Il y a deux ans, les pêcheurs n'ont capturé qu'un maigre 70 tonnes.

 

La migration de l'anguille...

La mer des Sargasses. C'est à la fois le cimetière et la pouponnière de l'anguille.

À l'âge de la reproduction, l'anguille fait une spectaculaire migration pour rejoindre l'endroit qui l'a vu naître. Qu'elles soient du St-Laurent ou de la côte est américaine, toutes les anguilles d'Amérique font parti de la même espèce parce qu'elles se reproduisent au même endroit.

Les adultes meurent après la fraie mais leurs larves sont dispersées par les courants. Après deux années en mer, les jeunes anguilles remontent les fleuves et les rivières. C'est là qu'elles y passeront la plus grande partie de leur vie.

Quinze à vingt ans plus tard, la reproduction sonne le retour à la mer pour ce poisson devenu adulte. C'est à ce moment que les problèmes débutent.

 

Les raisons du déclin...


Civelles.

Entre le Lac Ontario et Montréal, l'anguille doit traverser deux centrales hydroélectriques : Moses Saunders, à Cornwall et Beauharnois, près de Montréal. Le passage dans les turbines de ces centrales sera mortel pour beaucoup d'anguilles.

Ensuite, beaucoup plus loin en aval, les anguilles doivent encore passer par les filets des pêcheurs.

Finalement, depuis une dizaine d'années, un autre problème s'est ajouté : la pêche à la civelle, des anguilles qui ont un peu plus d'un an. Les pêcheurs des maritimes et des États-Unis ont développé une pêche à la civelle afin d'approvisionner les lucratifs marchés d'Europe et d'Asie. Avec cette nouvelle pêche, l'anguille est désormais une espèce sous haute pression.

 

Conclusion...

Les temps sont durs pour l'anguille… et pour les pêcheurs…

Les pêcheurs redoutent maintenant la fin de leurs activités. Certains biologistes estiment qu'un moratoire sur cette pêche est la seule ficelle qu'on peut tirer à court terme. Mais pour d'autres biologistes, les pêcheurs québécois ne doivent pas être les seuls à payer le prix. L'anguille est une grande migratrice et ils sont nombreux à puiser dans le même stock.

«Si les américains et les maritimes continuent de l'exploiter, on va faire rire de nous. Donc, ce qu'on va faire comme effort, on en verra jamais les bénéfices. Donc, on a besoin d'un plan conjoint qui rejoint l'ensemble des gestionnaires canadiens, américains et québécois et là on pourra faire vraiment un plan de gestion intelligent.»
Guy Verreault, biologiste

 


HYPERLIENS

L'anguille d'Amérique - Pêches et Océans

Déclin dramatique du recrutement de l'anguille d'Amérique dans le lac Ontario - Environnement Canada

L'Anguille - L'Épicerie




Rivière-Ouelle : Capitale québécoise de la pêche à l'anguille...

La situation de Rivière-Ouelle dans l'estuaire en fait un avancé de deux milles environ dans le fleuve (...). Le fait que le relief soit aussi calme et plat sur la rive sud contribue à l'existence d'un estran large où il est facile d'implanter des engins de pêche à cause de la nature du sol.

Enfin, l'alternance morphologique entre les plaines et les côteaux crée un littoral indenté, marqué d'un grand nombre d'anses et de pointes. Cette indentation du littoral joue un grand rôle dans l'importance des captures : les grands vents d'automne poussent les anguilles dans les baies et elles sont ensuite capturées, à la marée baissante, dans les pêches qui se trouvent sur la pointe

La variance de la salinité de l'eau est aussi un facteur important obligeant l'anguille à s'arrêter dans cette région pour lui permettre de s'adapter.

C'est donc un facteur géographique qui, allié à une expérience séculaire de nos pêcheurs, contribue à faire reconnaître Rivière-Ouelle comme la capitale québécoise de la pêche à l'anguille.

Source : MRC de Kamouraska

 

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