Cartographie des nappes souterraines
Journaliste: André Bernard
Réalisatrice: Marie-Ève Thibault
2 mai 2004

Chaque printemps, on fore des puits dans les campagnes du Québec. L'eau, en agriculture, est aussi indispensable que les semences, surtout pour les producteurs maraîchers, comme Sylvain Brunet. Puisque la majorité de l'eau potable "sur" terre est "sous" terre, et qu'on ne connaît à peu près rien à son sujet, les gouvernements ont commencé à se préoccuper de ces sources souterraines.

Richard Martel est chercheur à l'Institut national de la recherche scientifique (INRS). Il y étudie le mouvement de l'eau souterraine.

«Ce qui est étonnant, c'est que la plupart des gens ne savent pas comment l'eau circule ni d'où vient l'eau souterraine. [Ils croient à de faux concepts], comme l'existence de rivières souterraines ou de lacs souterrains. Ça n'existe pas, ou alors c'est très rare.»

- Richard Martel, chercheur à l'Institut national de la recherche scientifique


En réalité, l'eau, sous terre, voyage dans les fractures du roc. Ces fractures correspondent à des espaces vides. L'eau qui s'y est infiltrée est en perpétuel mouvement. C'est ce réseau de fractures interconnectées qui forme l'aquifère, qui s'étend sur plusieurs kilomètres. Or, la recharge de cette nappe dépend beaucoup de la pluie et de la fonte de la neige au printemps. «Le tiers de cette eau s'évapore l'été, un autre tiers ruisselle jusque dans les cours d'eau, et le dernier tiers vient recharger la nappe souterraine», précise M. Martel.

De plus, l'été, ce sont les nappes souterraines qui approvisionnent les cours d'eau, en proie au dessèchement. Les chercheurs ont observé que, lorsque trop d'eau était pompée à proximité d'une rivière, le débit de la rivière diminuait. Mais comment savoir si le niveau de pompage excède ou non la recharge de la nappe souterraine? Pour répondre à cette question, les scientifiques ont entamé, l'été dernier, la cartographie de l'eau souterraine.

Qui dit souterrain, dit invisible. Pour sonder l'invisible, les chercheurs se sont servis des puits. En tout, ils ont visité 300 puits, tous situés dans le bassin près de la rivière Châteauguay, le premier bassin cartographié. Ce dernier couvre un territoire immense, à moitié au Canada, à moitié aux États-Unis. Les limites du bassin sont calquées sur la ligne de partage des eaux. Elles suivent les points les plus élevés du territoire, d'où l'ensemble des eaux convergent vers la rivière Châteauguay.

Première étape de la cartographie: le positionnement géographique de chaque puits. Ensuite, on mesure le niveau d'eau dans le puits et la profondeur du puits. Ces données sont plus tard combinées à d'autres cartes, topographiques et géologiques. Ensemble, elles vont permettre de créer la première carte régionale de l'eau souterraine.

En fait, ce que les chercheurs ont réussi à établir, c'est un peu la carte topographique de l'eau souterraine. Sa source est située dans les montagnes américaines; l'eau s'écoule ensuite vers la rivière Châteauguay, puis dans le fleuve Saint-Laurent. Ces indications permettront de connaître les meilleurs endroits pour installer de nouveaux puits.

L'été prochain, on doit compléter l'observation dans les puits. On compte y installer des sondes qui vont permettre de mesurer en permanence la variation d'eau de la nappe souterraine. Mais, surtout, on procédera à des analyses d'eau plus poussées en laboratoire. Selon leur fréquence, ces analyses pourraient servir à mesurer l'état de santé de la nappe.

«C'est une ressource qui a été beaucoup négligée, parce qu'on ne la voyait pas. Plusieurs pratiques industrielles ont causé des contaminations d'eau souterraine parce qu'ils ne possédaient pas ces données.»

- Richard Martel, chercheur à l'Institut national de la recherche scientifique

 

Heureusement, les règles ont maintenant été revues à la lumière de ces nouvelles données. Désormais, on marque les puits, on les couvre et on crée des zones de protection exemptes d'épandages autour des puits et des cours d'eau. Si on ne peut pas changer l'eau en profondeur, on peut maintenant la protéger.



Protéger les puits

Un puits mal installé, mal entretenu ou abandonné peut facilement entraîner des contaminants de surface le long de sa paroi vers la nappe d'eau souterraine. C'est, en quelque sorte, une porte ouverte à la contamination. La nouvelle loi sur le captage de l'eau souterraine du ministère de l'Environnement du Québec, entrée en vigueur en juin 2002, veut corriger cette situation. Elle impose des restrictions plus importantes sur les ouvrages de pompage.

>> Voir le Règlement sur le captage de l'eau souterraine

 

HYPERLIENS

Environnement Canada

Projet cartographie Châteauguay

Le puits-MENV-Québec