Onésime n'est plus
Journaliste : Errol Duchaine
Réalisateur : Michel du Montier
7 mars 2004

«L'histoire de faire rigoler les gens, c'est ma BA, si je veux gagner mon ciel. Non, mais faire rire les gens j'aime ça.»

Albert Chartier

 

 

Albert Chartier...

Albert Chartier avait 91 ans et il vivait à Saint-Jean-de-Matha dans la région de Lanaudière, au nord de Montréal. Une petite maison acquise il y a plus d'un demi-siècle. Une petite maison modeste comme il disait, mais en pleine nature.

Mais l'homme ne venait pas de la campagne. Il est né à Montéal en 1912 et a grandi sur le Plateau Mont-Royal. Enfant, sa campagne à lui c'était le parc Lafontaine.

Très jeune, Albert Chartier s'intéresse au dessin et à l'illustation. Il étudie à l'École des Beaux-Arts de Montréal, mais ne termine pas ses études. Le jeune homme est impatient et aventureux. Dans les années 30, il fait des affiches de chanteurs des boîtes de nuit de Montréal.

En 1937, il a même créé un magazine sur le milieu artistique québécois, des entrevues et des potins sur les vedettes de l'époque : le CanCan, dans lequel on retrouve des articles signés Gratien Gélinas, Jovette Bernier et Pallacio Morin.

Puis, il passe quelques années aux États-Unis où il vit de ses dessins et dans les années 1940, il revient au pays où il crée le personnage qui va le rendre célébre dans toutes les campagnes du Québec : Onésime!


Onésime...

Ce personnage sera plus connu que son créateur, comme ça arrive souvent. Tout le monde se souvient d'Onésime. Pendant 59 ans, on l'a vu rire, danser, se promener en pleine nature ou simplement partager sa vie quotidienne avec sa femme Zénoïde. Onésime c'est un grand rêveur, gaffeur, un agriculteur retraité qui aime la vie.

En milieu rural, tout le monde l'a bien connu.

 

«J'ai commencé à lire ça j'étais p'tit gars, dans le Bulletin. C'est le dessin le plus intéressant que j'avais. Quand t'es jeune de même t'es heureux de lire ça. Pis de mois en mois ces intrigues tu regardes ça, Onésime. Pour voir ses nouvelles aventures.»

- Un agriculteur

 

Un bédéiste talentueux...

Albert Chartier vivait un peu à travers son personnage Onésime.

«Je fais un travail sédentaire alors je fais bouger Onésime et j'ai l'impression de participer à tout ce qui lui arrive d'incidents et d'accidents. C'est une façon de m'extérioriser et de vivre des aventures alors que je suis assis sur mon banc dans mon studio. Je vis intensément à travers Onésime , autrement ce serait monotone. J'aime l'action, le sport et quand je suis assis c'est une façon de m'extérioriser. Imaginer que je suis encore en train de courir ici et là. Et la vie continue, avec l'imagination il faut s'en servir.» Albert Chartier

Ce qu'on sait moins, c'est que son travail en a intéressé plus d'un. Ici, comme à l'étranger. Aux États-Unis, par exemple, des magazines spécialisés sur la bande dessinée lui ont souvent consacré des articles. On disait de lui qu'il était parmi les plus talentueux bédéistes francophones. On aimait sa manière dépouillée de dessiner au crayon noir ses personnages et leurs aventures. Au Québec, de jeunes universitaires ont, eux aussi, analysé le travail et la contribution d'Albert Chartier à la culture québécoise.

 

L'ensemble de son oeuvre...

Mais Chartier a créé plusieurs autres personnages que son Onésime et sa femme Zénoïde. Durant 18 ans, il a même illustré Les belles histoires des pays d'en haut de Claude-Henri Grignon. La petite histoire dit que sa Donalda était brune comme sa propre femme. C'est l'arrivée d'Andrée Champagne, toute blonde, qui l'a obligé à revoir la couleur des cheveux de sa propre Donalda.

Toute sa vie, il a dessiné sur la même planche de bois achetée par correspondance dans les années 30. Jamais il n'a changé de style ni de manière. Et sa passion pour son métier est demeurée intacte jusqu'à la fin de sa vie.

Il y a quatre ans, alors qu'il recevait un prix pour l'ensemble de son oeuvre de la part de l'Agence Québec Wallonie-Bruxelles pour la jeunesse, il avait, sans hésitation, affirmé qu'il conserverait ses lecteurs pour toujours dans son coeur.




«Quand on veut connaître, tâter le pouls d'un peuple c'est par le fermier et non le citadin. Ils sont plus attachés à leurs coutumes que le citadin.»

Albert Chartier

 

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