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La culture de l'orge à malt est un défi en soi. Pour réussir, le fermier doit satisfaire les exigences de qualité très élevées du malteur et du maître-brasseur. À Gravelbourg, en Saskatchewan, un fermier tente à nouveau de cultiver l'orge à malt. Lucien Lizée avait abandonné cette culture après plusieurs essais et de mauvais résultats. Cette fois, M. Lizée sème de l'orge sur 160 hectares, soit environ le quart de ses terres. Si sa récolte est bonne, il pourra la vendre à l'industrie du malt, sinon, son grain sera vendu à rabais sur le marché de la nourriture pour le bétail. Pendant que les fermiers sèment la prochaine récolte, les malteurs transforment l'orge produite l'année précédente. Le malt, c'est de l'orge germée et séchée. Pour le produire, on trempe d'abord le grain dans de grands bassins. Puis, une fois égouttée, l'orge humide est étendue dans d'immenses allées de béton. Pendant 4 à 5 jours, des mélangeurs géants vont passer et repasser dans les allées pour contrôler la germination du grain. Cette étape cruciale est suivie de près par le malteur Don Proctor.
Après le séchage, qu'on appelle aussi le touraillage, la céréale a une belle couleur ambrée et sent bon le grain fermenté. C'est cette orge maltée que l'on vend au brasseur pour fabriquer la bière. Pour les brasseurs, le printemps est aussi une saison très active, puisqu'ils doivent se préparer à l'été et au retour des grandes soifs. Brant Ross est maître-brasseur à Regina, en Saskatchewan. Il produit des bières artisanales en petite quantité. La qualité de sa bière dépend directement du travail des fermiers. Chaque arrivage de grains a ses caractéristiques propres, qui sont un reflet des méthodes de culture et du climat.
Le brasseur devra modifier ses recettes pour les adapter aux qualités et aux défauts du malt. C'est ainsi que, chacun de leur côté, le brasseur, le malteur et le fermier se préparent pour l'été, qui ne sera pas sans surprises... À la mi-août, le ciel se déchaîne et la rivière déborde. Une partie du champ d'orge de Lucien Lizée est inondée. Est-ce que la récolte arrivera à se rétablir des assauts de la nature? Lucien ne le saura qu'à la fin de la saison. Il n'est pas le seul à être inquiet. Les malteurs le sont aussi. Si les fermiers canadiens n'arrivent pas à produire assez d'orge de qualité acceptable, il faudra importer des États-Unis à grands frais. La qualité est une préoccupation de tous les instants pour Don Proctor. Dans son laboratoire, le malteur évalue son produit avec l'il, le nez et la bouche, comme on le fait pour le café ou le vin.
Pendant que le malteur évalue la dernière cuvée, le brasseur, lui, en a plein les bras avec le malt de l'an dernier. Comme ce grain est issu d'une année de grande sécheresse, il contient un taux de protéines très élevé, ce qui rend la bière trop opaque. Cette année, les champs n'ont pas subi de sécheresse, au contraire, ils ont été trop souvent inondés. La récolte de M. Lizée amène son lot de bonnes et de mauvaises nouvelles. La récolte est de qualité médiocre, soit, mais il y a encore une chance qu'elle soit acceptée par les malteurs. Chez Prairie Malt, c'est Jack Foster, un spécialiste de la sélection, qui accepte ou rejette les récoltes d'orge. Il recherche l'uniformité. L'orge de première qualité sera envoyée aux malteurs, le reste sera vendu comme nourriture pour le bétail. La différence de prix entre l'orge de première et seconde qualité est, en moyenne, de 45 $ la tonne. Pour 200 tonnes d'orge, par exemple, ce qui est une production moyenne, le fermier peut toucher jusqu'à 10 000 $ de plus si son grain est accepté par les malteurs. L'orge de M. Lizée ne sera pas acceptée. L'humidité a fait moisir sa récolte. Mais la partie n'est pas encore perdue pour l'agriculteur de Gravelbourg: comme le mauvais temps a aussi créé une pénurie de nourriture pour le bétail, le prix de l'orge de seconde qualité atteint des niveaux records.
Les mauvaises récoltes des dernières années ont créé une pénurie d'orge à malt. Pendant ces pénuries, les producteurs de malt doivent assouplir leurs normes de qualité s'ils veulent pouvoir remplir leurs silos. À la fin du cycle, ce sont les brasseurs qui se retrouvent avec un malt de qualité inférieure. Ils doivent adapter leurs recettes et leurs techniques pour éviter que la qualité de la bière n'en souffre.
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