Puceron du soya
Journaliste - réalisateur : Aubert Tremblay 25 janvier 2004

«Lorsque les conditions sont favorables, la femelle puceron peut produire de 6 à 8 bébés par jour.»


L'origine du puceron du soya...


On asperge les champs d'insecticide.

Le puceron du soya est un nouveau venu en Amérique, un indésirable. Il obligera peut-être à asperger de poison des millions d'hectares de culture qui jusqu'ici n'en avaient pas besoin.

Comme bien d'autres fléaux, le puceron du soya est probablement arrivé par bateau. À Chicago, croit-on, à la fin des années 90. Il débarquait directement d'Asie.

Sa terre d'adoption lui a plu, semble-t-il, car il est littéralement en train de conquérir l'Amérique.

Il a déjà envahi tout le nord-est des États-Unis, l'Ontario et le Québec.

En août 2001, à Toronto, le puceron du soya était partout dans l'air. Il a même fait stopper un match de baseball à la troisième manche. On a dû fermer le toit du Skydome.

Cette année-là, certains producteurs ontariens de soya ont perdu à cause de lui, 30 % de leur récolte.


Puceron.

 


 

La situation au Québec...

Au Québec, des chercheurs suivent de près le puceron du soya.

Marie-Pierre Mignault, de l'Université Laval, en a fait le sujet de sa maîtrise. Depuis trois ans, elle traque les pucerons dans une cinquantaine de champs de soya répartis à travers la province.

Le professeur qui dirige sa recherche est Jacques Brodeur, un spécialiste des insectes.

 

De nombreux pucerons...

Lorsque les conditions sont favorables, la femelle puceron peut produire de 6 à 8 bébés par jour.


Feuille remplie de pucerons.

En un été, la progéniture d'une seule femelle peut se compter en millions! Des millions d'individus tous pareils, des clones, puisqu'il n'y a pas eu de reproduction sexuée.

Quand les pucerons deviennent trop nombreux à cohabiter dans un même champ, sur les mêmes feuilles, ils changent de programme : les femelles se mettent à fabriquer des bébés ailés, qui peuvent, au gré des vents, aller s'installer sur un autre plant ou dans un autre champ, parfois à des kilomètres de leur lieu d'origine.

Quand arrive l'automne, il y a un deuxième changement de programme: les femelles commencent à produire des mâles qui se mettent aussitôt à la recherche d'un arbuste précis: le nerprun. Là, ils sont rejoints par les femelles. C'est le temps de la reproduction sexuée. Les femelles déposent leurs oeufs sous les bourgeons.


Jacques Brodeur

On n'a pas encore réussi à prouver que les oeufs survivent aux hivers du Québec. Il est donc encore possible que les pucerons trouvés ici soient nés de femelles venues du sud chaque printemps. Si c'était le cas, les densités de pucerons ne seraient jamais très élevées et les producteurs pourraient dormir sur leurs deux oreilles.

Mais Jacques Brodeur n'est pas très optimiste : «On sait que les conditions hivernales ici au Québec sont semblables à ce qui est observé dans le nord de la Chine et le puceron est très très bien établi dans le nord de la Chine.»

C'est la raison pour laquelle on pense que le problème pourrait venir s'établir au Québec.

 

Les insecticides...

Les pucerons sont reconnus pour transporter des virus. Le puceron du soya pourrait propager la mosaïque du soya, une maladie grave. Comme les virus peuvent infecter les grains, c'est toute l'industrie de la semence qui serait mise a mal.

Il reste quand même que la principale victime du puceron, c'est l'environnement!

Le soya est la culture la plus répandue en Amérique du nord. Aux États-Unis, il occupe le quart de toute la superficie cultivée. C'est plus que la culture du maïs.

Avant l'arrivée du puceron, on ne mettait dans les champs de soya que de l'herbicide, pour contrôler les mauvaises herbes. Mais depuis quelques années, les producteurs américains y mettent aussi des insecticides, ce qui est beaucoup plus dangereux.

La plupart des insecticides s'attaquent au système nerveux des insectes. Or nous avons nous aussi un système nerveux!

À cause du puceron du soya, on risque donc de mettre le pire des poisons, sur la plus grande des surfaces!

 

Conclusion...

 

Le puceron du soya est en train de modifier l'écologie des champs et les habitudes des agriculteurs en Amérique du Nord. Personne ne sait ce qui en résultera.

Mais ce qui est certain c'est que les producteurs nord-américains ne pourront plus dire qu'ils n'utilisent pas d'insecticides dans le soya.

Ils ont perdu cet avantage et sont dorénavant comme les autres.

C'est un peu ça aussi, la mondialisation!

 

 

 


HYPERLIENS

Le puceron du soya - Un ravageur récemment introduit au Québec

Puceron du soya - Comment effectuer le dépistage



Un prédateur naturel...

Heureusement pour les producteurs, le puceron du soya a quelques ennemis dans les champs. Des prédateurs, comme certaines punaises mais aussi et surtout les coccinelles.

Une larve de coccinelle asiatique peut dévorer plus de 200 pucerons par jour! Elle représente donc une arme très efficace.

Cependant, on ne sait pas encore comment l'utiliser.
La superficie des champs de soya est beaucoup trop grande. On ne peut pas introduire des coccinelles à la grandeur des champs.

Il faudrait plutôt combiner les deux moyens et sélectionner des insecticides qui vont avoir un effet néfaste contre les pucerons mais qui vont en même temps préserver les populations de coccinelles.

Autrement dit, il faudra attendre encore quelques années avant d'entrevoir une solution au problème.

 

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