Une Canadienne errante
Reporter : Gilbert Bégin
Réalisateur : Bernard Laroche
3 août 2003

Vers 1850, de riches commerçants anglophones prennent le contrôle de l'élevage de bestiaux. Sous leur influence, l'importation de races laitières en provenance de la Grande-Bretagne s'accélère. Le déclin de la Canadienne commence...


Histoire de la vache canadienne

On croit que c'est en 1541 que sont arrivées les premières vaches en Nouvelle-France. Toutefois, ce n'est qu'en 1608 que débutent les arrivages de bétail dans le but d'établir la colonie.

À cette époque, on ne parle pas encore d'une race canadienne. La race, elle se construit au contact de la nature. En raison du climat, le bétail acquiert peu à peu ses caractéristiques.

C'est au milieu du 19e siècle qu'apparaissent les véritables efforts d'amélioration du bétail. Mais on ne pense pas que ça puisse se faire avec le bétail en place. Ça doit passer par l'importation...

Vers 1850, de riches commerçants anglophones prennent le contrôle de l'élevage de bestiaux. Sous leur influence, l'importation de races laitières en provenance de la Grande-Bretagne s'accélère.

«Il y a des expositions agricoles qui sont tenues un peu partout au Québec et on y exclut la vache canadienne. Les organisateurs disaient: vous n'avez pas le droit d'amener vos vaches canadiennes car elles ne sont pas pures.» Yves Bernatchez

Face à cette menace, on crée le premier livre généalogique et on fonde la Société des éleveurs de bovins canadiens : c'est la naissance de la race canadienne!

Pourtant, cette reconnaissance viendra trop tard. En 1883, le Québec compte un demi-million de bovins laitiers dont le quart est de race étrangère. En 1960, on estime que la vache Canadienne compte pour moins de dix pour cent de la population de bovins au Québec.

Problème de croisement !

En 1970, on veut améliorer la Canadienne en la croisant avec la Suisse Brune. Le ministère de l'Agriculture de l'époque prend cette décision afin d'accroître la production de la Canadienne et éviter la consanguinité. Cette décision sera lourde de conséquence...

«Il y a des gens qui décident de croiser la vache Canadienne avec la Suisse Brune, qui est également une plus grande productrice en volume. C'est vraiment le suicide.» Yves Bernatchez

Attirés par des promesses de rendements immédiats, plusieurs éleveurs sacrifient des troupeaux entiers de pur sang dans ces croisements. On pense alors que c'est le coup de grâce. Certains évoquent même la disparition de cette race.

Aujourd'hui, l'avenir de la vache Canadienne ne repose plus que sur quelques bêtes...

«Il y a des gens qui décident de croiser la vache canadienne avec la Suisse Brune, qui est également une plus grande productrice en volume. C'est vraiment le suicide.» Yves Bernatchez


Sauvetage de la Canadienne...

Lyne Breton et Alain Forget possèdent une trentaine de bêtes Holstein et une vingtaine de vaches canadiennes.

Les Canadiennes que possède Lyne Breton sont parmi les dernières sur la planète. 150 pur-sang: voilà tout ce qui reste de la première race de bovins, développée par les colons de la Nouvelle-France. L'avantage marquée de la Canadienne demeure son lait, qui est beaucoup plus riche en protéines et en gras que celui de la vache Holstein.

Depuis que l'on paie les producteurs non plus au volume de lait mais en fonction de ses composants, la vache Canadienne vaut de l'or. Si son prix fait aujourd'hui l'envie de plusieurs producteurs, la situation était fort différente il y a cinq ans. «Au début, il fallait que je dise aux gens de ne pas rire de moi. Il n'y en avait pas beaucoup qui y croyait.» Lyne Breton

Une solution d'avenir...

Lyne Breton n'est pas la seule à lutter pour la vache Canadienne. Dans la MRC de Lotbinière, sur la Rive-Sud de Québec, des défenseurs font preuve d'ingéniosité pour éviter sa disparition.

Mario Auclair possède l'un des plus beaux troupeaux pur-sang de la race. Mais c'est avant tout son approche qui le distingue des autres éleveurs. Grâce à l'insémination artificielle et au transfert d'embryons, il ressuscite les ancêtres de cette race.

«On va rechercher des sujets probablement qui sont traités de dinosaures aujourd'hui, mais pour nous autres, c'est important parce que ça va servir à l'amélioration future.» Mario Auclair M. Auclair est persuadé que le retour aux souches anciennes peut sauver cette race.



Le lait de vache canadienne produit 5% plus de fromage que la moyenne des autres races laitières.



HYPERLIENS

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Un autre espoir...

À Sainte-Croix, il existe une ancienne ferme école de l'Université Laval qui a longtemps été le fief de la race Holstein.

Mais depuis un an, la petite canadienne a détrôné sa grande rivale.

Le troupeau appartient au «Front commun pour la sauvegarde du patrimoine agricole du Québec». Yves Bernatchez en est le responsable.

Comme d'autres, cet homme est persuadé que le salut de cette vache passe par le fromage et la mise en valeur de ses produits laitiers.

Pour y parvenir, il faut d'abord séparer le lait de la canadienne et lui redonner ses lettres de noblesse.

«À partir du moment où on met tout ça dans le même réservoir, on est pu capable de voir la différence et les gens ont perdu le goût et ne savent plus ce que c'est que le vrai goût du lait, le vrai gout du fromahe, le vrai goût du beurre...»

Derrière l'ancienne école d'agriculture, le Front commun veut implanter une fromagerie artisanale.

«On va faire un fromage que les gens vont bien identifier à la vache canadienne. Ils vont comprendre que c'est un lait différent.»

Présentement, il existe un seul fromage qui est fait uniquement de lait de vache canadienne: le Pied de vent, aux Îles-de-la-Madeleine.

 

Visionnez notre reportage «Une Canadienne errante».