L'élevage, ça chauffe !
Reporter réalisateur :
Charles Marcoux (Régina)
16 mars 2003

Pendant que nous considérons encore les déjections d'animaux comme un embarrassant sous produit de l'élevage, de plus en plus de fermiers les considèrent comme une ressource.


Le lisier : une source d'énergie

 

Au Canada, les élevages produisent des millions de tonnes de déchets toxiques par année: du fumier de vache au lisier de porc en passant par le crottin de mouton.

Pendant que nous considérons encore les déjections d'animaux comme un embarrassant sous produit de l'élevage, de plus en plus de fermiers les considèrent comme une ressource. Peu de canadiens le savent mais, comme le pétrole, le lisier peut être raffiné.

Dans une prairie au sud-est d'Edmonton en Alberta, c'est le monde à l'envers: au lieu d'aller vers la ferme, le courant des fils électriques vient de la ferme.

La source d'énergie est simple: des moutons, des cochons, des vaches et des poules. Ces bêtes fournissent gratuitement du combustible.

Il y a quelques années, les propriétaires d'une ferme ont décidé de transformer leur lisier en électricité. Comme ils ne trouvaient pas la technologie adéquate au Canada, ils sont allés voir en Europe et ont rencontré Romain Welter, au Luxembourg.

Cet ingénieur construit des systèmes de recyclage du lisier depuis plus de vingt ans. Il en a vendu 130 en Europe et un seul en Amérique du Nord.

«C'est le premier système au Canada. En Europe, on fait ça depuis des années... Je suis très heureux de voir que les Canadiens commencent aussi à faire de l'énergie verte...» Romain Welter, ingénieur

 

«Selon moi, c'est la première fois au Canada qu'un tel système est connecté au réseau public»
Meikle


Étapes de production...

La production de cette énergie verte commence dans la fosse où l'on mélange le fumier, le purin et les autres matières fécales. Le tout est broyé, puis pompé dans les cuves de digestion.

Chauffé à 37 degrés, le lisier est décomposé par les micro-organismes. Ce processus, qui dure une trentaine de jours, produit des gaz qui sont traités pour obtenir du méthane pur.

Le méthane, mélangé à cinq pour cent de carburant diesel, est brûlé dans un moteur à combustion interne.

La génératrice peut produire jusqu'à 350 kilowatts-heure. C'est assez pour subvenir aux besoins d'une cinquantaine de maisonnées moyennes.

Le grand avantage de ce système, c'est qu'il est directement relié au réseau électrique provincial. La ferme est ainsi l'une des seules du genre en Amérique du Nord à pouvoir vendre ses surplus d'électricité.

Récupération de chaleur

Il coûte 0,02$ pour produire un kilowatt-heure que l'on vend jusqu'à cinq fois plus cher à la compagnie d'électricité. Qui dit énergie dit chaleur. Le moteur à méthane produit presque deux fois plus d'énergie calorique qu'électrique: l'équivalent de 600 kilowatts-heure.

Cette chaleur est récupérée par un réseau de radiateurs. L'eau chaude circule dans des tuyaux et chauffe les quatre porcheries ainsi que les cuves à lisier.

Le recyclage des excréments ne s'arrête pas là. Une fois tout le gaz extrait du lisier, on pompe le résidu liquide vers l'usine de filtration. Une batterie de tamis et de filtres récupère jusqu'à 70% de l'eau. Cette eau est, en principe, assez pure pour être bue.

Après filtration, il ne reste qu'un liquide noir, un engrais concentré qui peut être déjecté dans le sol des terres cultivées.

Un début au Canada...

Au Canada, on dépense présentement des dizaines de millions de dollars pour commercialiser des systèmes de recyclage des excréments d'animaux. Certains de ces systèmes sont très prometteurs, mais ils commencent tout juste à faire leurs preuves.

Pendant ce temps en Europe, la technologie de production de biogaz est commercialisée depuis des décennies. Le système Welter aurait permis à cette ferme canadienne d'économiser un quart de million de dollars pendant la première année d'opération.

 




 

 




Le système a un impact écologique quadruple:

AIR:
La digestion des excréments réduit les odeurs de 80%.

FEU:
L'électricité tirée de la combustion du méthane est plus propre que celle produite dans les centrales de charbon de l'Alberta.

EAU:
Le recyclage de l'eau conserve une ressource qui se fait rare en temps de sécheresse.

TERRE:
La production d'engrais permet de nourrir les terres pauvres de la région sans produits chimiques.

 

Visionnez notre reportage «L'élevage ça gaze!».