Fermiers en prison
Reporter: Yvan Côté
Réalisateur: Marc Cotton
9 février 2003

«On devrait avoir le droit et la liberté de mettre en marché nos propres céréales. C'est injuste cette loi qui nous oblige à vendre à la Commission.» Rod Hanger, fermier


Les débuts de la Commission

Au milieu des années 1930 dans les Prairies, la production de céréales se multiplie et l'Ouest canadien devient le grenier du Canada.

À la suite de pressions des fermiers, Ottawa crée, en 1935, la Commission canadienne du blé.

En 1939, la deuxième guerre mondiale éclate en Europe. Dorénavant, tout le blé et l'orge de l'Ouest sera obligatoirement vendu par la Commission.

Les producteurs n'auront plus à se battre pour se trouver des acheteurs et l'organisme prétend que les fermiers vont obtenir de meilleurs prix dans un marché unique.

Pendant des années, les producteurs de l'Ouest cultivent l'esprit en paix. Mais dans les années 1990, des fermiers du sud des Prairies s'aperçoivent qu'en vendant eux-mêmes aux États-Unis, ils peuvent obtenir davantage pour leurs céréales qu'avec la Commission.

La rébellion commence...

Au Manitoba, David Sawatzky, un producteur de céréales, conteste le monopole de la Commission en allant vendre son grain aux États-Unis. Il gagne sa cause.

Ottawa intervient immédiatement et change la loi pour s'assurer qu'il n'y aura plus de zones grises. Mais rien n'y fait: le mouvement de protestation prend alors de l'ampleur.

200 fermiers de l'Ouest défient la loi et traversent à leur tour la frontière américaine. Le soulèvement rapporte: Rod Hanger, un des 200 fermiers, obtient 2 000$ de plus pour ses 300 boisseaux de céréales.

Mais à son retour, une mauvaise surprise l'attend: les douaniers saisissent son camion. On l'accuse d'avoir vendu son grain aux États-Unis, et ce, sans permis de la Commission. Les amendes sont salées: entre 1 000$ et
7 500$ chacune.

Ottawa intervient à nouveau. Pas question d'abolir la Commission canadienne du blé, mais le changement est de taille: on remet son avenir entre les mains des producteurs.

Dorénavant, les fermiers vont élire dix des quinze directeurs à la tête de l'organisme.

Pourtant, malgré le mécontentement, le mouvement est encore loin de faire l'unanimité dans l'Ouest. Après un vote, les deux tiers des fermiers veulent rester avec la commission.

«Aujourd'hui, les fermiers de l'Alberta sont punis parce qu'ils ont fait ce qu'un fermier doit faire: Cultiver et essayer de vendre ses récoltes.»
Ralph Klein, premier ministre de l'Alberta


Un manque d'unanimité...

À l'automne 2002, l'épisode de la vente du grain aux États-Unis de 1996 refait surface. Treize fermiers albertains refusent de payer leur amende. Ils choisissent plutôt d'aller en prison afin d'attirer l'attention du public sur leur cause.

«J'aurais pu payer mon amende. Mais si on avait payé, jamais la population n'aurait entendu parler de l'enjeu. Pour nous, il était donc hors de question de payer.» Rod Hanger

L'appel à la justice fait du bruit et trouve un écho auprès du gouvernement de l'Alberta.

«Aujourd'hui, les fermiers de l'Alberta sont punis parce qu'ils ont fait ce qu'un fermier doit faire: Cultiver et essayer de vendre ses récoltes.» Ralph Klein, premier ministre de l'Alberta

La province prend position dans le conflit. Elle s'apprête à adopter un projet de loi privé qui permettra aux fermiers de l'Alberta de vendre leurs céréales à qui ils veulent.

Le geste inquiète les Prairies. Impossible pour l'Alberta de faire cavalier seul sans que les fermiers des autres provinces en sentent les contre-coups.

La lutte est donc ouverte. Elle se dessine entre les producteurs du nord plus isolés et les producteurs du sud plus près du marché américain. Et rien n'est réglé pour le moment...


«Si on perd la Commission canadienne, on va reculer de 100 ans. On aura plus de sécurité et on ne saura pas comment on aura pour nos produits à l'automne.»
Léonard Forcade, fermier

 



HYPERLIENS

Sources de renseignements fédéraux 2001-2002
Gouvernement du Canada

Des fermiers albertains paieront leurs amendes

Les agriculteurs prennent position




Qu'est-ce que la Commission canadienne du blé?

La Commission canadienne du blé (CCB) a été fondée en 1935 en vertu de la Loi sur la Commission canadienne du blé.

Sa mission est de voir à la vente ordonnée du blé et, depuis 1949, à celle de l'avoine et de l'orge cultivés dans la zone désignée par la Loi.

La CCB s'est vu retirer la commercialisation de l'avoine en 1989.

La CCB a l'obligation d'acheter le blé et l'orge que les céréaliculteurs lui offrent à vendre par le biais d'appels de livraison, et de verser un acompte sur le grain ainsi reçu.

La CCB s'engage ensuite à commercialiser les céréales qu'elle détient sur le marché intérieur et sur les marchés internationaux, puis à répartir équitablement le solde de ses opérations, s'il est créditeur, entre les céréaliculteurs ayant livré du grain à la CCB, après avoir déduit le montant des ventes de l'acompte à la livraison et ses frais d'exploitation.

La CCB gère également un système de livraison conçu pour maximiser les opérations commerciales et répartir équitablement les possibilités de livraison entre les céréaliculteurs qui souhaitent livrer leurs grains sur le marché intérieur ou sur les marchés internationaux.

La CCB voit également à l'application de la Loi sur les paiements anticipés pour le grain des Prairies, en vertu de laquelle des paiements anticipés sont accordés aux céréaliculteurs qui s'engagent à livrer blé et orge selon les contingents.

La CCB administre le Programme d'avance de crédit printanière (PACP) pour le blé et l'orge, qui permet de verser des avances aux agriculteurs pour les aider à défrayer les coûts de semis.

Source: Sources de renseignements fédéraux 2001-2002

 

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