Brasser la cage
Reporter réalisateur :
Charles Marcoux (Régina)
26 janvier 2003

«Les consommateurs ne comprennent pas. Pour eux, ce n'est pas une façon d'élever les animaux.» Florian Possberg, président Porcheries Big Sky


La cage à truie

La cage de gestation est l'épine dorsale de l'industrie du porc nord-américaine, et ce, depuis près de 40 ans.

Au début des années 1960, la plupart des truies élevées au pays vivaient en groupe dans des enclos de bois. Les risques de bataille étaient donc plus élevés.

L'arrivée de la cage individuelle a révolutionné l'industrie. Elle a aidé à mettre fin aux batailles sanglantes, diminuant ainsi le nombre de blessures et offrant un meilleur contrôle sur l'alimentation individuelle des truies.

Pourtant, cette cage est maintenant interdite dans de nombreux pays européens et ce mouvement d'opposition tend à se rapprocher du Canada.

Pour plusieurs groupes qui prônent le respect des animaux, cette cage est loin d'être une bonne chose. Au contraire...

L'enfer d'une cage... (Source: GAIA)

Une telle cage mesure environ 60 à 70 cm de large et deux mètres de long, soit juste un peu plus grande qu'une truie.

La truie reste donc en permanence debout ou couchée pendant la durée totale de la gestation, soit environ 16 semaines.

Les truies en cages sont plus sujettes à des lésions aux pieds et à des douleurs chroniques causées par des coupures et des écorchures.

Le manque d'exercice engendre un affaiblissement des os et des muscles. L'impossibilité de bouger et de se déplacer provoque aussi un plus grand nombre d'infections urinaires. Des problèmes cardiaques peuvent également survenir.

«On veut prendre le système européen, qui marche bien, et on veut l'adapter à l'industrie nord-américaine.»
Harold Gonyou, chercheur en élevage porcin


Le Canada fait des efforts de recherche...

Le Prairie Swine Center, près de Saskatoon en Saskatchewan, est l'un des plus importants centre de recherche porcine au Canada.

L'industrie et les gouvernements y financent une grande étude sur l'élevage des truies sans cages. Pour ce faire, les chercheurs doivent comparer les deux méthodes.

Ces derniers ont donc recréé une salle de gestation avec cages. «Les truies sont en cages pendant toute la période de gestation. La truie peut se lever et se coucher, mais c'est à peu près tout ce qu'elle peut faire comme mouvement.» Lilianne Chénard, assistante à la recherche

À quelques pas de cette salle, on trouve un grand espace où des truies gestantes sont réparties en groupe de 35. C'est le système à l'européenne. «Les truies vont y passer, en groupe, toute la période de gestation.» Lilianne Chénard

La mangeoire automatisée est la clé de l'élevage en groupe. Équipée d'un système de portes, elle permet l'entrée d'une seule truie à la fois. Comme l'animal porte une puce qui l'identifie, la ration est personnalisée.

Les agressions sont le principal problème des élevages en groupe. Mais ici, on peut les contrôler en évitant d'introduire de nouveaux animaux dans un groupe déjà formé.

Les grandes chaînes de restauration rapide se préparent à imposer une série de nouvelles réglementations à leurs fournisseurs de viande.

Le site web de Burger King, entre autres, en fait grand cas.

 

Trop coûteux ?

En Angleterre, la majorité des petits et moyens éleveurs de porc a rejeté la nouvelle technologie parce qu'elle est trop coûteuse.

Plus de 50% des fermiers anglais qui ont survécu à la nouvelle législation ont choisi de retrouner 40 ans en arrière: ils élèvent maintenant leurs cochons en groupe, comme on le faisait encore au Canada dans les années 1960.

Ces exploitations qui veulent suivre le courant ont besoin d'une plus grande main d'oeuvre, et les agressions entre truies sont redevenues un gros problème.

À venir au Canada...

En novembre 2002, comme prévu, le mouvement de réforme amorcé en Europe a traversé l'Atlantique.

Le gouvernement de la Floride a adopté la première législation nord-américaine qui interdit l'usage des cages de gestation.

Les observateurs croient que la décision inspirera d'autres règlements du même genre aux États-Unis et que le Canada devra, tôt ou tard, suivre la marche.




HYPERLIENS

Site web Burger King

GAIA: Pourquoi l'Europe doit bannir les cages à truies

Prairie Swine Center




Une méthode «européenne»

En Europe, les sondages ont démontré que, de tous les aspects de l'élevage du porc, c'est l'utilisation de la cage à truie qui inquiète le plus les consommateurs.

Des études britanniques ont démontré que ces cages peuvent notamment entraîner un affaiblissement du système immunitaire des truies et causer des problèmes aux pieds.

En 1999, un mouvement d'opposition a culminé en Angleterre, avec l'interdiction pure et simple des cages de gestation.

Les autres pays de l'Union Européenne suivent rapidement le pas et donnent à leurs éleveurs jusqu'en 2013 pour limiter l'utilisation de la cage à quelques semaines.

Au Danemark, les éleveurs doivent avant tout satisfaire les exigences des géants de l'alimentation.

La chaîne de supermarché britannique Tesco, un gros client du Danemark, refuse le porc produit dans les fermes qui utilisent la cage.

Ces pressions se font sentir au Canada. C'est donc la course contre la montre pour mettre au point des solutions de rechange.

Visionnez notre reportage «Brasser la cage».