Brûlage dirigé des forêts
Journaliste - Réalisatrice:
Thérèse Champagne (Vancouver)
9 mai 2004

En 2003, la CB a connu sa saison de feu la plus dévastatrice. Quelque 45 000 personnes évacuées, plus de 300 maisons et entreprises détruites, sans compter la plus grande perte: 3 pilotes, morts en combattant les flammes. Ces feux catastrophiques faisaient suite à une des plus longues sécheresses jamais enregistrées dans l'histoire de la province.

De nombreux scientifiques croient que la sévérité des incendies de 2003 est due à la sécheresse extrême. Mais d'autres, comme Bob Gray, écologiste du feu, disent que la gravité des feux s'explique par un autre facteur: la densité de combustible présent dans les forêts.

«La sécheresse est un facteur, mais le combustible est l'élément critique. Plus il y en a, plus la chaleur est intense et l'incendie sévère. Nous devons commencer à gérer le combustible forestier dans cette province.»

- Bob Gray, écologiste du feu


Le combustible, dans la forêt, c'est tout ce qui peut brûler: les feuilles au sol, le bois mort, les arbres. Le problème, c'est que les forêts d'aujourd'hui en contiennent beaucoup trop. Si le feu prend, cette matière se comporte comme un escalier qui permet aux flammes de grimper du parterre de la forêt jusqu'à la cime des arbres. Avec le moindre vent, un feu de cime peut sauter sur une distance de plus de un kilomètre. En plus de favoriser la dispersion du feu, la densité du combustible en augmente l'intensité. Ainsi, les incendies de 2003 ont détruit des arbres qui auraient survécu à un feu normal.

Au début du siècle, la forêt était beaucoup moins dense qu'aujourd'hui, et les incendies moins destructeurs. Des petits feux naissaient tous les 10 ou 20 ans, éliminant la broussaille. Or, depuis 100 ans, on combat les feux de forêt. Résultat: le combustible s'est accumulé de façon alarmante. Selon Bob Gray, la solution est évidente: il faut éliminer cet excès de broussaille et de bois mois. Il y a plusieurs moyens d'y arriver.

Un des moyens les plus écologiques est une approche controversée: le brûlage dirigé. Il s'agit de mettre le feu volontairement pour brûler un espace délimité de forêt. Bob Gray dirige un des premiers projets du genre dans la province. Il brûlera la forêt en bordure du village de Devine, à une heure du centre de ski de Whistler. Une région de maisons construites en pleine forêt. Un feu naturel analogue à celui de l'été dernier pourrait y détruire des propriétés de grande valeur.

Avant de déclencher l'incendie contrôlé, on prépare la forêt. Les forestiers éliminent les arbrisseaux et la broussaille pour créer une plus grande distance entre le sol et le feuillage. Ensuite, ils éclaircissent la forêt. Ils abattent les petits arbres parce que les gros résistent plus facilement au feu. Ils coupent ainsi 80 à 90 % des arbres. La dernière étape sera de brûler la matière restée au sol.

Mais avant de mettre le feu, il faut obtenir la permission de la communauté, ce qui n'est pas une mince tâche. Plusieurs rencontres et visites en forêt sont organisées. La mairesse de Pemberton, un village avoisinant, connaît bien les inquiétudes de la population. Craintes sur la qualité de l'air, l'impact sur le paysage... Il faut éduquer la population. En avril 2004, la population donne finalement le feu vert.

La pression est grande pour Bob Gray. Il a conçu le procédé selon lequel une superficie plus grande que les plaines d'Abraham, soit 140 hectares de forêt, sera brûlée. Il est important que le feu brûle assez intensément pour consumer la matière au sol, sans toutefois tuer les arbres encore sur pied. Et, surtout, il faut contenir les flammes.

Des feux de ce genre, il y en aura beaucoup plus souvent en Colombie-Britannique. À la suite des incendies désastreux de 2003, la province va lancer un programme de brûlages destinés aux zones forestières habitées. Mais, selon Bob Gray, il faudra rester très prudent. C'est qu'un programme de brûlages dirigés est une entreprise monumentale qui exige un engagement à très long terme. Les arbres vont repousser. Il faudra revenir brûler tous les 10 ou 15 ans.

Et puis, il y a une question de main-d'œuvre. Il serait très dangereux d'aller de l'avant avec des travailleurs inexpérimentés. Dans l'immédiat, on compte bien peu d'équipes qualifiées. Bob Gray estime qu'il faudra 10 ou 20 ans avant d'avoir la main-d'œuvre pour effectuer les brûlages.

L'expérience de Bob Gray prendra une année avant d'être complétée. Après un brûlage, la végétation renaît rapidement.

«Mon plus grand plaisir, c'est de voir la réaction de l'écosystème après un brûlage, de voir la diversité d'animaux et de plantes.»

- Bob Gray, écologiste du feu


L'avantage de brûler, plutôt que de simplement déboiser pour créer des pare-feu, c'est que l'incendie est une intervention naturelle qui régénère la végétation. Mais les sites brûlés vont-ils suffire à arrêter un incendie? Bob Gray croit que non. Le but de son projet n'est pas de prévenir les incendies, mais de réduire la sévérité du feu. Selon Bob Gray, le brûlage dirigé n'est pas la solution à court terme pour les communautés situées dans des forêts à haut risque d'incendie. Il faudra des années pour bien planifier et exécuter un programme de feux contrôlés. Mais à long terme, ce pourrait être une solution bénéfique à la fois pour la communauté et pour la forêt.



 

HYPERLIENS

Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU)

Service canadien des forêts
Site du ministère des ressources naturelles du Canada