Des feuillus pour l'avenir
Reporter : Gilbert Bégin
Réalisateur : Jean-Pierre Dussault
7 septembre 2003

L'Estrie a le climat et les sols pour que fleurisse le feuillu. Pourtant, presque la totalité du reboisement de cette région est fait d'épinettes.


La perte d'un patrimoine...

Nous sommes à Oak Ill en Estrie. Il y a 200 ans sur les collines, il y avait des chênes rouges à perte de vue. Aujourd'hui, tout ça n'est qu'un souvenir. Les grands massifs de bois durs ont complètement disparu. Bref, l'Estrie est le paradis perdu des bois nobles.

Benoît Truax est écologiste forestier. Il arpente les forêts de l'Estrie depuis 15 ans. C'est le seul chercheur à se consacrer uniquement aux forêts de cette région. Le bilan qu'il dresse est préoccupant.

«C'est une forêt de feuillus. Pourtant, quand on regarde la régénération de cette forêt, on y voit que du sapin baumier. C'est tout de même étrange d'avoir une forêt de feuillus régénérée en sapins baumiers.» Benoît Truax, écologiste forestier

La cause de cette dégradation: des décennies de coupes successives. (voir capsule info) Cet écrémage forestier a fragilisé la santé de la forêt. Sans ses plus beaux géniteurs, elle a perdu la capacité de régénérer de grands massifs.

Les feuillus sont plus petits et moins massifs, ce qui favorise grandement les résineux.

L'industrie du sciage subit également les conséquences de cette rareté. Elle ne trouve plus les noyers, ni les frênes et les chênes pour approvisionner ses usines. Certaines importent désormais 90% de leur bois noble des États-Unis.


Plantations de feuillus

Jusqu'ici, les plantations de feuillus ont été désastreuses. les mauvaises herbes, mais surtout les rongeurs et le chevreuil sont impitoyables. «Pour les chevreuils, c'est carrément un bar à salade.»

Selon Benoît Truax, il ne faut pas reboiser une seule essence en rang d'oignons. C'est bien mal connaître les besoins écologiques de ces arbres.

Benoît Truax a fait l'essai de plusieurs plantations qui imitent la régénération naturelle des bois durs. Chaque fois, la croissance est surprenante et dépasse celle des arbres en plein champ. «On ne fait jamais d'autres traitements que d'éclaircir la forêt d'origine. On laisse la nature faire le travail elle-même.»

M. Truax est maintenant convaincu qu'on peut renverser la vapeur et restaurer les forêts dégradées.

Benoît Truax fait du travail de pionnier. Il y a dix ans, l'enrichissement des forêts de feuillus n'existait pas au Québec. Il y a deux ans, on ne connaissait même pas l'emplacement des dernières chênaies en Estrie.

Aujourd'hui, les propriétaires forestiers de l'Estrie ont la possibilité de ramener un peu de noblesse dans leur paradis perdu...




HYPERLIENS

Groupe de recherche en écologie forestière interuniversitaire

Benoît Truax




Un peu d'histoire...

Dès le début du 19e siècle, la chasse aux gros arbres est lancée dans les forêts du sud du Québec.

L'amirauté britannique est assoiffée de bois dur pour la construction de ses navires.

On estime qu'en 1811, pas moins de 35 000 mètres cubes de chênes sont expédiés en Grande-Bretagne.

Un peu plus tard, c'est l'ouverture du chemin de fer de l'Estrie qui consacre une deuxième vague de coupe, cette fois-ci à destination des États-Unis.

On prélève chaque fois les arbres plus gros et les plus droits: la crème de nos forêts.

 

Visionnez notre reportage «Des feuillus pour l'avenir».