Partager la forêt
reporter : Gilbert Bégin
réalisateur : Michel Du Montier
15 décembre 2002

En redonnant la forêt à ses habitants, les métayers ont prouvé qu'une communauté pouvait gérer et aménager ses ressources.


Retour au temps des Seigneurs...

La forêt publique au Québec, c'est l'affaire des industriels.

De grandes entreprises détiennent un approvisionnement sur toute la ressouce garantie par l'état, et ce, pour 25 ans.

Dans ce château fort de l'industrie, y a-t-il une place pour une forme d'exploitation plus respectueuse de la forêt, redonnant aux villages l'accès à cette ressource ?

Au Bas-Saint-Laurent, une poignée d'irréductibles s'acharnent à relever ce défi.

À la Forêt modèle du Bas-Saint-Laurent, on expérimente depuis 1994 une formule unique de concession des terres: le métayage forestier.

Pour ce projet, la forestière Abitibi-Consolidated loue ses terres à des entrepreneurs artisans : les métayers.

Ces derniers, en guise de loyer, remettent une partie de leurs recettes à l'entreprise.

«Le chiffre d'affaires moyen de tous les métayers est au-dessus de 100 000$ pour un profit net, avant impôt, de
31 000$».
André Huppé, ingénieur forestier


Difficile de séduire l'industrie!

Après huit ans, les métayers ont maintenant le sentiment d'avoir gagné leur pari.

«Ces gens vivent de la forêt. Ils vendent du bois et font du développement durable. Ils respectent les zones d'affectation et les bandes riveraines. Aucune ressource ne souffre de surexploitation.» André Huppé, ingénieur forestier

Bien que les métayers aient démontré les avantages d'une foresterie durable, ils ont toutefois échoué dans leur tentative d'exporter le métayage.

À l'origine, le projet de la Forêt modèle devait servir de tremplin pour séduire l'industrie.

Or, les forêts publiques ne possèdent toujours pas de métairies. Comment expliquer ce revers ?

«La mécanisation sur la terre publique est beaucoup plus avancée, beaucoup plus grosse. Les travaux sont à plus grande échelle. Il faut donc comprendre que le prix du bois du métayer coûte un peu plus cher.» Claude Tessier, métayer

Bien que des gains de productivité soient nécessaires, il faudra encore plus pour exporter le métayage.

 

«Ça s'exporterait tellement bien pour les villages à proximité des forêts publiques. Je pense que tout le monde y gagnerait. Le bois irait aux usines et les utilisateurs y trouveraient leur compte...»
Claude Tessier, métayer



HYPERLIENS

Le manuel d'aménagement forestier
Ministère des Ressources naturelles

Programme de mise en valeur du milieu forestier
Ministère des Ressources naturelles

L'Association des industries forestières du Québec

La Forêt modèle du Bas-Saint-Laurent



Les CAAF...

Selon Luc Bouthillier, chercheur en économie forestière à l'Université Laval, le véritable problème d'exportation du métayage vient des contrats d'aménagement et d'approvisionnement forestier (CAAF).

«95% de l'exploitation de la forêt publique est attribué à des industriels, avec des contrats ayant une force légale (CAAF). Il est presque impossible de briser ces contrats pour faire de la place à d'éventuels métayers.»

Selon le chercheur, retirer des portions de ces CAAF à l'industrie coûterait des millions à l'État.

Par contre, en conservant son CAAF, une industrie pourrait confier une partie de la forêt à des métayers tout en y trouvant profit.

Avec le resserrement de la concurrence mondiale, de plus en plus d'entreprises font certifier leurs produits. Et le métayage pourrait faciliter l'accès à cette certification.

 

Visionnez notre reportage «Partager la forêt».