Réalisateur : Jacques Bouffard
Journaliste : Lucie Bergeron
21 juillet 2002
«Ce
territoire-là, c'est le territoire ancestral des Montagnais
de Betsiamites. (...) Nos ancêtres sont passés
par ici, ils l'ont fait à pied et avec le canot.»
Jack Picard.
Île
René-Levasseur...
Ce territoire, c'est l'Île René-Levasseur. Une
île sauvage, immense, à l'image du Nord québécois,
quatre fois plus grande que celle de Montréal! L'île
est située en plein coeur du réservoir Manicouagan
à 250 km au nord-ouest de Baie-Comeau. Le meilleur
moyen de s'y rendre : louer un hydravion.
Gestion conjointe...
Personne ne peut se promener au lac La Freydière,
sauf avec la permission du gouvernement. Une partie de l'île
est devenue une réserve écologique, un territoire
hautement protégé. Québec a confié
une partie de la gestion de la réserve aux autochtones.
«Nous, on a le mandat ou l'exercice
de faire la gestion de cette réserve écologique-là,
à la fois de l'identifier clairement et à la
fois aussi une mission de gardien du territoire.»
Jack Picard.
Aucune activité
humaine permise...
Aucune activité humaine n'est permise sur la réserve
écologique: ni chasse, ni pêche, ni camping,
ni feu, pas même pour les autochtones.
Chalet en cours
de démolition.
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Ce
chalet a été construit illégalement
avant la création de la réserve écologique
il y a 4 ans. L'avis de
prise de possession est affiché depuis assez
longtemps pour pouvoir procéder à la
démolition...
«Avec ce
matériel-là, on va essayer de récupérer
tout ce qui est récupérable. Par la
suite, tout ce qui est non récupérable,
on va essayer de le mettre dans un dépotoir
à cet effet-là.(...) Il faut sortir
tout ce qui n'est pas décomposable sur place:
comme tout ce qui est fer, on le sort de la réserve,
mais tout ce qui est bois dans la construction du
chalet comme tel, on va le laisser sur place.»
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Réserve écologique
Louis-Babel...
La réserve écologique s'étend sur 235
km carrés au sommet de l'Île René-Levasseur.
C'est la plus vaste et la plus nordique du Québec.
La réserve porte le nom de Babel, un missionnaire chargé
d'évangéliser les Montagnais. Selon le biologiste
Benoît Dubeau, cette partie de l'île a été
choisie parce qu'elle constitue un bon échantillon
du territoire.
«Avec
le mont Babel, on trouve des étages montagnards
et des étages alpins (...) c'est-à-dire
des plantes de distributions arctiques qu'on pourrait
retrouver dans le Grand Nord, dans la toundra, plus
au nord. C'est comme si on avait une partie du Nord
qui se retrouvait sous des latitudes (...) plus basses.»
«Plus on monte en altitude sur le mont Babel,
plus les conditions météo sont rigoureuses.
Donc, les différentes espèces ont davantage
de difficultés à grandir.(...) Rendu
à une certaine altitude, y'a pus possibilité
pour les arbres de pousser. Donc, on retrouve seulement
des lichens et quelques plantes de distribution arctique.»
Benoît Dubeau,
biologiste.
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Chladine étoilée.
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Exemples de végétation...
Une plante typique du territoire: la chladine étoilée,
qu'on appelle plus souvent mousse de caribou. Les longs cheveux
sombres accrochés aux arbres sont des lichens, du type
Bryoria, communs dans la région.
Lichens, du type Bryoria.
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Origine météorique...
L'intérêt de la réserve écologique
ne réside pas seulement dans sa végétation.
Sa valeur relève aussi d'un phénomène
extraordinaire qui s'est produit ici, il y a des millions
d'années. Son origine est liée à l'impact
d'une météorite qui aurait frappé directement
la région il y a 210 millions d'années.
L'Oeil du Québec...
Cratère visible
de la lune.
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Cette météorite a créé un cratère
sphérique qui permet de repérer rapidement la
région. C'est pourquoi on le surnomme l'Oeil du Québec!
C'est le plus gros cratère du Canada : il est visible
de la lune! Selon les calculs de la NASA, on évalue
que le météorite aurait eu 8 km de largeur et
serait arrivé à une vitesse d'environ 17 km
par seconde.
Les autochtones qui ont toujours utilisé le mont Babel
comme point de repère étaient loin de se douter
qu'un météorite avait crée la montagne.
Mais eux aussi associaient le mont Babel à des manifestations
du ciel.
Accès interdit...
Les agents de la faune espèrent que les nombreux chasseurs
et pêcheurs qui fréquentent les environs tiendront
compte des interdits de passage. Ils ont placé des
pancartes partout aux limites de la réserve mais il
n'y a aucune barrière pour empêcher les gens
d'entrer.
Afin de mieux surveiller la réserve, une dizaine de
Montagnais agissent à titre d'agents territoriaux,
depuis le printemps 2000. Ces autochtones n'ont pas les mêmes
pouvoirs que les agents de conservation mais ils participent
à toutes les activités qui concernent le territoire.
La réserve Louis-Babel demeure la seule à être
co-gérée par des autochtones mais le modèle
pourrait servir ailleurs au Québec.
«Je pense que les autochtones
et les Québécois y trouveraient davantage à
se trouver des partenariats : vivre et trouver une harmonisation
dans la gestion du territoire. Et ça, c'est le devenir
des autochtones et des Québécois. On est condamné
à vivre sur le même territoire, donc, donnons-nous
une condamnation qui soit facile à vivre et à
exprimer.»
Jack Picard
Le Québec possède très peu d'aires naturelles
protégées. La réserve Louis-Babel, avec
ses successions végétales, ses humeurs climatiques,
ses légendes, constitue l'un des rares joyaux intacts
du patrimoine provincial.
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