L'irradiation des aliments

L'irradiation des aliments est une méthode controversée. Son but premier : tuer des bactéries dans les aliments et donc réduire les possibilités de maladies alimentaires. Mais on fait, pour cela, appel à la technologie nucléaire. Alors au bout du compte, c'est bon ou pas pour notre santé ?

Lors des missions des navettes dans l'espace, la NASA, toujours préoccupée par la sécurité, nourrit ses astronautes avec des aliments sans bactéries : des aliments irradiés.

Sur la Terre aussi, l'irradiation des aliments fait son chemin comme solution pour faire face aux problèmes de contamination. La maladie de la vache folle, l'épidémie de fière aphteuse, les rappels de bœuf haché et de saucisses continuent d'alimenter les craintes et coûtent cher.

« Au Canada, présentement, dit Monique Lacroix, de l'INRS - Institut Armand-Frappier, il y a 630 000 cas de salmonellose par année, et juste pour traiter cette maladie, ça coûte 98 millions de dollars. » 
« C'est clair,
précise Paul-Guy Duhamel, président de l'Ordre professionnel des diététistes du Québec, que les problèmes de la vache folle et de la fièvre aphteuse ont fait que les consommateurs sont beaucoup plus soucieux de la qualité des aliments. »

Au Canada, il est permis d'irradier les pommes de terre, les oignons, le blé et les farines de blé depuis 1989. Quant aux épices, elles peuvent être irradiées ou fumigées avec de l'oxyde de méthylène. Comme elles sont séchées à même le sol, elles contiennent énormément de bactéries et de parasites. La fumigation est encore permise au Canada, mais interdite aux États-Unis.

Mme Lacroix explique : « Les épices contiennent plus d'un million de bactéries par gramme. On retrouve très souvent de la salmonelle, entre autres, dans le poivre. La fumigation est interdite aux États-Unis parce que l'agent utilisé est un produit cancérigène ».

Santé Canada se prépare à autoriser l'irradiation de plusieurs autres aliments comme le bœuf haché, les crevettes et le poulet. Les mangues aussi pourront être irradiées. Avec leur noyau très dur et fibreux, la mouche à fruits peut loger ses œufs bien à l'abri des pesticides qui ne peuvent l'atteindre. « Lorsque vous coupez le fruit, il est plein de vers et de parasites. L'irradiation va empêcher le développement des œufs qui ont été déposés au cœur du fruit », soutient Mme Lacroix.

Comment se fait l'irradiation ?

Au Canada, nous utilisons la technologie des rayons gamma, produits par le cobalt 60, pour irradier les aliments. L'intérieur de l'irradiateur est protégé par des murs en ciment de six pieds. Leur fonction est d'absorber les rayons gamma. Le cobalt 60 se trouve dans une piscine profonde de 24 pieds, sous l'irradiateur. Au moment de l'irradiation, le cobalt 60 sort de la piscine et monte dans l'irradiateur. L'aliment entre, contourne la source et sort de l'autre côté.

Selon Mme Lacroix, « l'aliment ne contient pas de radioactivité parce qu'il absorbe simplement l'énergie émise par le cobalt. Il n'y a aucun contact. Le cobalt ne touche pas l'aliment. Ce sont les rayons, l'énergie qui passent à travers l'aliment ».

Pour chaque aliment, des doses préétablies de rayonnement assurent, semble-t-il, leur innocuité.

Quelques explications de Mme Lacroix : « L'irradiation provoque des coupures dans la molécule d'ADN des bactéries. La molécule d'ADN, c'est la molécule qui est responsable de la division cellulaire. L'irradiation ne pourra jamais causer des mutations, parce que les coupures sont trop importantes et l'ADN ne peut pas se réparer. Donc, si l'ADN ne peut pas se réparer, la bactérie ne peut plus se diviser et elle va mourir ».

 

Les avantages

L'irradiation permet de ralentir le processus de germination et de dégradation de certains fruits et légumes. Autre avantage : elle prolonge leur conservation.

Mme Lacroix donne l'exemple de la banane : « La banane est un fruit qui "respire" beaucoup. Vous avez simplement à le mettre dans un sac et, 24 heures plus tard, le fruit est mûr. Pourquoi ? Il va émettre de l'éthylène qui va provoquer le mûrissement du fruit. À partir du moment où vous avez un point noir sur une banane, il y a plus de 90 % de la vitamine C qui a été détruite parce que l'activité de la respiration de la banane est très rapide. Or, l'irradiation permet de réduire le niveau de respiration ».

Les inconvénients

Il est facile d'irradier des fraises, des melons ou du poisson. Par contre, ce procédé n'est pas indiqué pour les ananas, la laitue, le brocoli et le lait, qui changent de couleur ou de goût lorsqu'ils sont irradiés.

De plus, certaines vitamines sont détruites lorsque les doses d'irradiation sont fortes.

Et, fait important, l'irradiation ne tue pas toutes les bactéries, car une fois l'aliment irradié sorti de son emballage, le cycle de contamination bactérienne recommence, nous dit M. Duhamel. « Plus de 90 % des toxi-infections d'origine alimentaire — donc des maladies alimentaires au sens défini par l'Organisation mondiale de la santé — ont comme point d'origine la maison et la restauration. Ce qui veut dire qu'un aliment, qu'il ait été irradié ou non, si la manipulation au restaurant et à la maison est fautive, cela ne changera strictement rien... peu importe s'il a été irradié ou non. »

Un aliment irradié doit obligatoirement porter un logo
(qu'on appelle le radura), indiquant qu'il a été irradié.

L'irradiation des aliments fait encore peur. Plusieurs d'entre nous croyons que cette technologie rend l'aliment radioactif. Les scientifiques affirment qu'il ne le devient pas. Toutefois, on ignore encore beaucoup de choses sur les changements plus profonds que l'irradiation provoque dans les cellules de l'aliment. Cette technologie n'existe que depuis une quarantaine d'années : a-t-on le recul nécessaire pour en saisir toutes les particularités ? En tenant compte des avantages et des inconvénients, l'irradiation est-elle la meilleure solution ?

Selon M. Duhamel, « on ne peut pas dire que c'est bon dans tous les cas, on ne peut pas dire que c'est mauvais dans tous les cas. Je pense qu'il faut garder un œil critique sur ces technologies pour être en mesure de les utiliser à bon escient ».

 

Le pouvoir des consommateurs

Nous devrons payer quelques sous de plus le kilo pour un aliment irradié. C'est donc nous, consommateurs, qui aurons le dernier mot.

Claudette Dalpé, directrice générale des produits de santé et des aliments à Santé Canada, le confirme : « Même si on permet dans le règlement d'irradier un aliment, cela ne veut pas dire que le consommateur le demandera et l'achètera. S'il décide que lui ne veut pas en acheter, l'offre et la demande du marché restent là ».

L'irradiation est un procédé qui peut comporter des risques à long terme pour l'environnement et pour les travailleurs qui l'appliquent, puisqu'on se sert de la radioactivité. La plus grande prudence s'impose donc.

 

 

Question de L'épicerie :

« À une certaine époque, dans l'agriculture, on ne jurait que par les pesticides, par les engrais chimiques, ça ne devait pas être dommageable pour la santé, on n'en absorbait qu'à petites doses. Et à un moment donné, on s'est aperçu que ce n'est peut-être pas si innocent qu'on le pense. Est-ce qu'on est certain à 100 % qu'il n'y a pas de danger [avec l'irradiation] ? »

Réponse de Mme Dalpé :

« Vous savez, la science à 100 %, ça n'existe pas. Et ça, il faut le dire : même dans tous les domaines scientifiques, le 100 %, ça n'existe pas. »


Hyperliens

L'irradiation des aliments
Foire aux questions sur le site de Santé Canada

L'irradiation des aliments : sans danger pour la santé ?
Un article du Réseau Protéus, un portail de médecines alternatives

INRS - Institut Armand-Frappier
Composante de l'Institut national de la recherche scientifique

Ordre professionnel des diététistes du Québec

 

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