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REPORTAGE
— 2004-01-06

CLONAGE : LES APPRENTIS SORCIERS

« Si elle est la première à le faire, plein de gens remplis d'espoir viendront du monde entier dans sa clinique. C'est important d'être le premier à le faire, c'est une question de prestige international et d'argent. »
- Un apprenti sorcier



 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Clonage : les apprentis sorciers sont à l'œuvre! Tout le monde connaît les professeurs Zavos ou Antinori, qui, régulièrement, annoncent l'arrivée imminente du premier bébé cloné de l'humanité. Tout le monde se souvient des raëliens, qui annonçaient, eux aussi, la naissance du premier clone. Fantasme ou réalité? Qu'en est-il réellement?

À l'issue d'une enquête de huit mois, Catherine Berthillier et Valérie Aubert nous entraînent derrière les effets d'annonce pour découvrir une terrifiante réalité. Le clonage est avant tout un business qui attire de nombreux scientifiques avides d'argent et de gloire. Pour arriver à leurs fins, certains sont prêts à toutes les expériences, y compris faire porter l'enfant cloné par un orang-outang ou utiliser des ovocytes de vaches.

Le 27 décembre 2002, Brigitte Boisselier, présidente de Clonaid, annonce la naissance du premier clone humain : « Je suis très heureuse d'annoncer que le premier bébé cloné est né hier. » Avec le soutien médiatique du mouvement raëlien, la nouvelle fait rapidement le tour du monde et la une des quotidiens. Néanmoins, plusieurs doutent qu'elle ait effectivement réussi l'expérience. Même l'expert indépendant mandaté par les raëliens pour vérifier scientifiquement la véracité de ce qu'elle avançait s'est rétracté, affirmant qu'il s'agissait plutôt d'un canular. Et Brigitte Boisselier a reconnu devant le Congrès américain qu'elle n'avait jamais vu le supposé bébé cloné.

La nouvelle avait soulevé un certain émoi. Il faut dire que le clonage est devenu un sujet tabou. Les scientifiques en sa faveur se font de plus en plus discrets et hésitent à en parler publiquement. Quant à ceux qui tentent effectivement de cloner un être humain, ils sont encore plus méfiants. De nombreux pays ayant adopté des lois interdisant le clonage d'êtres humains, ils s'exposeraient à de lourdes peines si jamais ils étaient pris à tenter l'expérience.

Pour entrer en contact avec ces gens, il faut donc les convaincre que l'on est déterminé à avoir un enfant cloné, et surtout que l'on est prêt à investir beaucoup d'argent dans l'aventure.

« Ma fille a été tuée il y a six ans. J'étais anéantie et tellement perdue sans elle que la seule chose à laquelle je pensais, c'était de la ressusciter. J'avais en tête de la cloner, et j'espérais que la science pourrait un jour le permettre. Je garde toujours cet espoir. »
- Kathy Gordon

Kathy Gordon n'est pas la seule à espérer que l'on pourra un jour cloner un être humain. Selon plusieurs sondages réalisés en Europe et aux États-Unis, 7 à 8 % de la population serait prête à recourir au clonage.

Un marché que certains médecins entendent bien conquérir en courtisant une clientèle très fortunée, même si leur technique est loin d'être au point. En fait, personne n'a encore officiellement réussi.

Peu importe, ils proposent quand même leurs services, et font croire à leurs clients qu'ils y arriveront. Ils se font la lutte pour devenir le premier à cloner un être humain, et ainsi entrer dans l'histoire. En privé, ils sont cependant beaucoup plus prudents qu'en public, et mettent en garde leurs clients : ils n'en sont toujours qu'à la phase expérimentale.



Le docteur Antinori

Le docteur italien Severino Antinori a maintes fois annoncé qu'un bébé cloné était sur le point de naître, annonces qui ne se sont jamais concrétisées. Au-delà de ses coups médiatiques, dont il est passé maître, quel discours Antinori tient-il à ses propres patients? En fait, il semble beaucoup plus prudent et confesse que sa technique n'en est qu'à la phase expérimentale. Plus précisément, le professeur Antinori et son équipe n'en sont qu'à savoir si le clonage humain provoque ou non des malformations morphologiques sur le fœtus. Une question pour laquelle il n'aurait toujours pas de réponse.

Ses recherches sont menées à l'étranger, en raison des lois bannissant le clonage. Il lui est impossible de mener ce genre de recherche en Europe. Et les autorités sont de plus en plus vigilantes et sévères.

Les Nations unies examinent actuellement un projet universel d'interdiction du clonage humain. En Europe, pas moins de 24 pays ont ou vont adopter une loi prohibant ce type de clonage, une tendance qui s'observe également ailleurs dans le monde. Quant au Canada, la Chambre des communes a voté, en octobre 2003, la Loi sur la procréation assistée, qui interdit une douzaine de techniques de procréation assistée, dont le clonage humain.



Le « père de la création »

Un autre exemple de ces apprentis sorciers est celui du scientifique qui se fait appeler « le père de la création ». Parfaitement inconnu du grand public, il travaille dans l'ombre depuis trois ans. Docteur en biologie, il rencontre certains de ses clients potentiels en Inde, où il travaille dans le plus grand secret. Il y a même développé un partenariat avec une clinique spécialisée dans la fertilité humaine, dont la directrice est également intéressée par le clonage humain.

La clinique, située dans un endroit discret, dispose visiblement d'équipements modernes en parfait état de marche. D'ailleurs, la directrice de l'établissement et le « créateur » y ont déjà tenté une expérience de clonage humain sur une patiente américaine, expérience qui fut un échec. Celle-ci est demeurée secrète, mais les apprentis cloneurs ne demandent pas mieux que d'effectuer une nouvelle tentative.


« Si elle est la première à le faire, plein de gens remplis d'espoir viendront du monde entier dans sa clinique. C'est important d'être le premier à le faire, c'est une question de prestige international et d'argent. »
- Le « père de la création »

Les clients qui font appel à leurs services pour tenter d'avoir un bébé cloné doivent être prêts à débourser beaucoup d'argent, et le succès de l'expérience n'est évidemment pas garanti. Leur tarif, aligné sur celui des raëliens, est de 200 000 € le clonage. Et les ambitions du « créateur » n'ont pas de limites : « Je veux être le premier à cloner un être humain. C'est un moment historique, c'est comme le premier pas sur la lune. Non, mieux encore, le premier pas sur Mars. Le premier clone humain, ce sera encore plus fort que l'homme sur la lune. »

« Il ne s'agit pas simplement de faire un enfant. L'enjeu est beaucoup plus important que cela, il s'agit de l'immortalité des humains. Cela va bouleverser la nature profonde de l'être humain à travers la manipulation de notre ADN. Nous allons pouvoir introduire de nouveaux gênes, rendre les hommes plus intelligents, physiquement plus résistants, plus grands, avec des cheveux plus courts ou plus longs, des yeux bleus ou noirs, ce que vous voulez. Vous pourrez demander tout cela. »
- Le « père de la création »


L'animal au service du clonage humain

Malgré la loi américaine prohibant le clonage d'êtres humains, certains continuent de tenter l'expérience aux États-Unis, comme ce chercheur de la région de Chicago. Rien ne l'arrête, même pas les risques de représailles du gouvernement américain. Il mène évidemment ces expériences dans un laboratoire secret, auquel très peu de gens ont eu accès : « Tant que personne n'est au courant, rien ne peut m'arriver. » Il travaille dans ce laboratoire de quelques mètres carrés, encombré d'appareils, depuis plus de trois ans. Avec son associé, il travaille sans arrêt sur son projet, ne comptant ni son temps ni son argent.


« Ce projet devrait coûter 3 millions de dollars. Jusqu'à présent, j'ai dépensé 278 000 $ en matériel, mais aujourd'hui, je suis complètement fauché. »
- Le docteur


Sa méthode consiste à isoler, à la suite d'une prise de sang, les globules blancs. À partir d'un de ceux-ci, il prélève une cellule, qui est ensuite dénoyautée pour récupérer l'information ADN, avant d'être réimplantée dans une autre cellule énucléée, qui est en fait une cellule de vache.

Il cherche à faire des embryons humains avec des ovocytes de vaches. Évidemment, l'approvisionnement est beaucoup plus facile. Une fois par mois, il lui suffit de se rendre aux abattoirs de Chicago afin de récupérer tous les ovocytes dont il a besoin. Depuis trois ans, les équarrisseurs ont eu le temps de s'habituer à cette visite insolite et régulière. « La première fois que je suis venu, j'avais pris rendez-vous, et il y avait à peu près 7 personnes qui m'attendaient parce que c'était vraiment inhabituel. Ils m'ont dit : "Vous voulez les organes génitaux? C'est fou! On vous facturera 50 $ pour ça, normalement on les jette, ça va à la poubelle." En fait, cet ovaire a à peu près la taille des ovaires d'une femme. Si je le mettais à côté d'ovaires de femme, vous ne verriez pas la différence, ça ressemble exactement à ça. »

Il connaît l'anatomie des bêtes par cœur. Il n'a aucune difficulté à effectuer ce type de prélèvement à l'arrière de sa voiture. Et théoriquement, c'est à un de ces ovocytes que les cellules sont supposées se coupler. À notre connaissance, aujourd'hui, le « docteur » poursuit toujours ses travaux dans le plus grand secret.

Il est persuadé qu'il réussira. D'après lui, d'ici 2010, chaque année, 10 000 clones naîtront aux États-Unis. Et le marché est immense, touchant aussi bien les couples stériles que les femmes ménopausées ou la communauté homosexuelle. « Le clonage va prendre ni plus ni moins la place des fécondations in vitro. En utilisant des ovocytes de vache, ça coûtera moins cher, ça sera plus sûr, et le taux de réussite sera plus élevé. Donc, tout sera mieux. Ce que j'ai découvert est tellement remarquable que je vais devenir riche et célèbre. Je postulerai pour le prix Nobel en physiologie et médecine. Mes travaux seront remarquables si je réussis à développer des embryons possédant un jeu complet de chromosomes humains. Je pense que ça va être le cas, que les chromosomes seront normaux, mais ça reste à prouver, et ça, ce sera une grande expérience. »

Le « docteur » n'est pas le seul à penser aux ovocytes du règne animal. D'autres scientifiques, par exemple, s'intéressent de très près à nos cousins les singes.


Jusqu'à présent, les experts n'ont réussi à cloner que sept espèces de mammifères : une brebis, un cochon, un rat, un mulet, un bovin, un chat et un cerf de virginie. Malgré tout, les taux de réussite sont infimes, et la technique est loin d'être sans risque. Par exemple, il a fallu 300 essais pour cloner Dolly, et près de 40 % des animaux clonés ont développé prématurément des maladies.

 

Quelle que soit la méthode envisagée, les apprentis sorciers semblent loin du compte. Pourtant, ils continuent leur expérimentation, en secret, convaincus qu'ils y arriveront. Et les conséquences que pourrait avoir le clonage humain ne semblent guère les préoccuper.

 






Un documentaire de Catherine Berthillier et Valérie Aubert
Montage : Virginie Letendre
Une production Galaxie Productions 2003
Adaptation : Benoît Roy

 

 


La version vidéo de ce reportage ne peut être disponible en raison des droits. Veuillez nous en excuser.




Hyperliens

:: Clonage humain : les enjeux éthique
Dossier de l'émission Découverte


:: Loi proposée concernant la procréation assistée - Aperçu
Santé Canada


:: Le clonage humain
Dossier complet sur le clonage : définitions, historique, enjeux technologiques et éthiques, liens et références. Réalisé sur le site de Science citoyen, par une équipe de l'université Louis-Pasteur, de Strasbourg.

::  Clonage humain : entre capacité et volonté
Dossier-résumé d'Info Science sur le clonage humain : enjeux éthiques, difficultés techniques, entrevue avec un spécialiste français de l'éthique, André Boué.

:: Bioéthique
Programme de bioéthique de l'UNESCO

:: La question du clonage divise l'ONU
Sur le site Nouvelles de Radio-Canada


 

 
 

 

 
 
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