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* Non disponible
Au Québec,
les deux tiers des écrivains sont incapables de vivre
de leur plume. Ils doivent donc user d'imagination pour joindre
les deux bouts. Ils deviennent barmans, enseignants ou cochers
pour pouvoir gagner leur vie et, surtout, pour se payer le
luxe d'écrire.
Qui
ne connaît pas Harry Potter? Les aventures de cet apprenti
sorcier ont été vendues à plus de 195
millions d'exemplaires. Un succès planétaire
qui a rendu son auteure, J.K. Rowling, multimillionnaire.
On va même jusqu'à dire que Mme Rowling est devenue
plus riche que la reine d'Angleterre.
Plus près de nous, à l'automne
2002, l'écrivain Yann Martel a remporté le prestigieux
Booker Prize avec son livre Life of Pi, vendu à
environ 2 millions d'exemplaires et traduit dans une trentaine
de langues. Un succès inespéré, qui vaut
son pesant d'or.
Il y a aussi les Michel Tremblay, Arlette Cousture,
Yves Beauchemin et Chrystine Brouillet. Sans oublier Marie
Laberge, qui a réussi un tour de force avec sa trilogie
Le goût du bonheur. Cependant, le succès
que connaissent ces auteurs représente l'exception
plutôt que la règle. Pour la majorité
des auteurs québécois, l'écriture seule
ne leur permet pas de gagner leur vie.
Une
situation difficile
Au
Québec, ils ne sont pas plus d'une vingtaine d'écrivains
à pouvoir vivre de leurs droits d'auteur. Plus précisément,
les deux tiers des écrivains québécois
ne peuvent tout simplement pas vivre de l'écriture.
Plusieurs d'entre eux doivent par conséquent se trouver
un deuxième travail pour avoir un revenu d'appoint
leur permettant de vivre et de consacrer le reste de leur
temps à l'écriture.
L'exemple de Lucien Francur est révélateur.
Si on le connaît surtout comme chanteur et animateur
de radio, il faut dire qu'il est avant tout un poète.
Il a publié une trentaine de recueils de poésie,
dont Les rockeurs sanctifiés, qui a remporté
en 1983 le prix Émile-Nelligan. Ce prix, auquel se
sont ajoutés quelques articles dans les journaux et
quelques invitations, lui a rapporté environ 5000 $.
« C'est
impossible de vivre avec ça, et quand je vois les gens
parler et dire : "Je suis déçu, je
croyais vivre de ça", je leur réponds :
"C'est sûr que tu ne vivras pas
de la poésie". »
- Lucien Francoeur
Cette
histoire est loin d'être unique. En fait, elle se répète
pour la grande majorité des écrivains québécois.
Pauline Gill, une ancienne enseignante, a publié
neuf bouquins. Elle est l'auteure d'une série de quatre
romans historiques intitulés La saga de la cordonnière.
Elle affirme que « les conditions financières
dans lesquelles on écrit, au Québec, c'est presque
de l'héroïsme ». Pour promouvoir
son uvre et gagner un peu d'argent, elle donne une série
de conférences. De nombreux écrivains font aussi
la tournée des écoles et des bibliothèques
pour rencontrer les lecteurs et faire la promotion de leurs
livres.
« Si je faisais une moyenne de mes revenus d'écriture
sur 15 ans, je serais un peu comme votre poète. Ça
m'a rapporté à peu près 6000 $ par
année. » - Pauline
Gill
Les droits d'auteur
Les écrivains sont payés en droits d'auteur.
Il s'agit en fait d'un pourcentage de chaque livre vendu.
Au Québec, la norme est de 10 %. Par exemple,
si vous achetez un livre qui coûte 20 $, 2 $
vont dans les poches de l'auteur. Si ce livre atteint les
3000 exemplaires vendus, le chiffre magique pour qu'un titre
devienne un best-seller au Québec, l'écrivain
recevra 6000 $ en droits d'auteur.
Pour
qu'un écrivain fasse beaucoup d'argent, il
doit vendre beaucoup de livres, parce que la portion
qui lui revient est plutôt mince. Le prix d'un
livre se répartit généralement
comme suit :
40 % au libraire
33 % à l'éditeur
17 % au distributeur
10 % à l'auteur
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Chrystine
Brouillet a écrit une cinquantaine de romans, tant
pour les jeunes que pour les adultes. Elle a publié
un guide de voyage et un livre de recettes. Elle est très
connue pour ses polars, dont Le collectionneur, qui
s'est vendu à 38 000 exemplaires. À 25
ans, elle espérait vivre de son écriture. Au
bout du compte, le rêve est devenu réalité,
mais Chrystine Brouillet, qui s'avoue elle-même chanceuse,
est l'une des rares à vivre de sa plume au Québec.
La situation est plus difficile pour les jeunes auteurs.
Marie-Hélène Poitras et Guillaume
Vigneault en savent quelque chose. Ces jeunes auteurs,
qui font partie de la relève, ont publié des
livres qui ont reçu un bon accueil et qui ont même
été primés. Malgré tout, ils doivent
occuper un deuxième travail pour arrondir leurs fins
de mois. Tandis que Marie-Hélène se fait cochère
le temps de la saison estivale, Guillaume doit travailler
quelques heures par semaine dans un bar.
Quant aux bourses et autres distinctions, s'il donne un précieux
coup de pouce aux auteurs, ils ne représentent pas
pour autant une panacée. Par exemple, Marie-Hélène
Poitras a reçu une bourse de 15 000 $ du
Conseil des arts du Québec, et le prix Anne-Hébert,
d'une valeur de 7500 $. Elle affirme avoir eu une très
belle année, mais avoue du même coup que « des
bourses et des prix, ça aide, mais ça ne paie
pas toutes les factures ».
« Si je n'avais pas eu le salaire de base du professeur,
j'aurais peut-être écrit plus de romans, mais
j'aurais été dans la misère toute ma
vie. » - Noël
Audet
L'adaptation
télévisuelle ou cinématographique
Noël
Audet avait 20 ans quand il a publié pour la première
fois. Il a vite appris la leçon : écrire
ne fait pas vivre son homme. Lorsqu'on lui demande si l'immense
succès qu'a connu son roman L'Ombre de l'épervier,
vendu à 125 000 exemplaires, lui a permis de devenir
riche, il ne peut s'empêcher de rire.
Certes, son roman est devenu une télésérie.
En droits d'auteur et en droits d'adaptation pour la télévision,
il a empoché quelques centaines de milliers de dollars,
mais une fois qu'il en a remis une partie à l'impôt,
et si l'on calcule les revenus sur trois ans, il ne reste
plus grand-chose : « Le plus gros chèque
que j'ai vu de ma vie, c'est celui que j'ai fait à
l'impôt. En fait, 53 % de mes droits sont allés
à l'impôt. Donc, si je reçois 100 000 $
de droits pour une télésérie, j'en donne
53 000 $. Mais tout ça pour un travail de
3 ans, quand même. »
Chrystine Brouillet a, elle aussi, eu droit à une
adaptation. Son roman Le collectionneur a été
porté au grand écran. Selon elle, c'est formidable
que l'une de ses uvres soit adaptée pour le cinéma.
Toutefois, elle se considère comme faisant partie des
privilégiés. Tous n'ont pas la chance de voir
leur roman porté au petit ou grand écran.
« On
n'écrit pas quand on est inspiré, on écrit
tous les jours parce qu'il faut écrire pour payer notre
hypothèque, ça, c'est la réalité. »
- Chrystine
Brouillet
Le succès n'est pas au rendez-vous pour tous les écrivains.
Les libraires le savent bien. Ils doivent donc miser sur leur
flair pour détecter le livre qui se changera en or.
Selon Pierre Renaud, des librairies Renaud-Bray, « les
vrais succès sont toujours inattendus ».
Ce qui représente un défi pour les libraires.
D'autant plus que les succès retentissants ne sont
pas légion.
D'un autre côté, certains auteurs ont de la
difficulté à percevoir leurs droits auprès
de leur éditeur. Une situation que reconnaît
le président de l'Association des éditeurs de
livres du Québec, Denis Vaugeois. Lorsqu'on lui demande
s'il considère que c'est du vol, il répond :
« Oui, c'est du vol. Dans un certain sens, on
ne lui a pas pris de l'argent de sa poche, mais on ne lui
a pas donné ce qui lui était dû. »
Malgré tout, nombreux sont ceux qui choissent de continuer
à écrire. Au début de chaque livre, il
y a un écrivain devant une page blanche. Il y a aussi
ce désir d'être lu parce qu'on a quelque chose
à raconter. Mais il y a surtout cette décision
d'écrire contre vents et marées; pour le meilleur
et pour le pire.
« Jamais je ne vais me compromettre à
publier quelque chose qui n'est pas prêt ou dont je
ne suis pas content juste pour revenir sur la liste Renaud-Bray
des
best-sellers. Si je fais ça un jour, "tu me
tueras",
comme disait Dan Bigras. » -
Guillaume Vigneault
« Faire de l'argent,
lorsqu'on est un artiste, c'est pouvoir faire une autre uvre
après. » -
Marie Laberge
Écrire ne fait pas vivre
Selon une étude de l'Observatoire de la culture
et des communications du Québec, intitulée
Écrire ne fait pas vivre, seulement
9 % des écrivaines et écrivains
québécois comptent sur leurs droits
d'auteurs comme principale source de revenu.
Parmi les 768 écrivaines
et écrivains qui ont participé à
l'enquête, 60 % ont affirmé que
le travail rémunéré constituait
leur principale source de revenu, alors que 10 %
comptent plutôt sur des bourses d'aide à
la création ou diverses prestations gouvernementales.
Par ailleurs, on dénote
des différences significatives entre la situation
des écrivains et des écrivaines. Ainsi,
ces dernières comptent sur les droits d'auteurs
comme principale source de revenu dans 13 % des
cas, alors que chez les écrivains, cette proportion
n'est que de 6 %.
En ce qui concerne les revenus
annuels, l'étude révèle que 40 %
des écrivains ont gagné moins de 30 000 $,
alors que 25 % ont gagné plus de 60 000 $.
Des différences notables existent cependant
entre les écrivains et les écrivaines.
Par exemple, le quart de ces dernières ont
déclaré des revenus inférieurs
à 15 000 $, ce qui n'est le cas que
de 11 % des écrivains. À l'autre
extrémité, par les auteurs qui ont des
revenus égaux ou supérieurs à
60 000 $, 32 % sont des hommes, et
15 % des femmes.
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Journaliste : Marie-Claude Pednault
Réalisatrice : Lucie Payeur
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La version vidéo de ce reportage
ne peut être disponible en raison de droits. Veuillez
nous en excuser.
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Hyperliens
:: Pour
consulter l'étude Écrire ne fait pas vivre,
premier volet d'une enquête menée par l'Observatoire
de la culture et des communications du Québec auprès
des écrivaines et écrivains de la province (en
pdf)
Institut de la statistique
du Québec
::
Pour consulter l'étude Qui sont les écrivains
et écrivaines du Québec, le second volet
de l'enquête menée par l'Observatoire de la culture
et des communications du Québec auprès des écrivaines
et écrivains de la province (en pdf)
Institut de la statistique
du Québec
:: Les
statistiques
de l'édition au Québec en 2002
Bibliothèque nationale du Québec
:: Union
des écrivaines et écrivains québécois
:: Association
nationale des éditeurs de livres
:: Biographies
et bibliographies de près de 1 millier d'auteurs québécois
L'Île, l'Infocentre
littéraire des écrivains
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