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Non disponible
L'hôpital Saint-Charles-Borromée,
à Montréal, un centre de soins de longue durée,
est reconnu pour la qualité et la diversité
de ses services. Or depuis une semaine, l'établissement
est au centre de la tourmente, après la diffusion d'un
enregistrement où l'on entend des employés manquer
de respect à une résidente. Les événements
se sont ensuite précipités avec le suicide du
directeur général du centre, Léon Lafleur.
L'équipe d'Enjeux, qui a déjà
réalisé un reportage sur cet établissement,
y est retournée pour rencontrer certains résidents.
Vingt-quatre
heures venaient de s'écouler depuis l'annonce du suicide
de Léon Lafleur.
Les couloirs de la résidence étaient
vides. L'atmosphère était lourde. Dans le hall
d'entrée, les gens étaient invités à
signer le livre de condoléances.
Dans les chambres, des résidents étaient
rivés aux bulletins de nouvelles.
« Il
y a 200 résidents et 200 employés ici, et parfois,
il peut se développer des dynamiques qui échappent
à tout contrôle. [...] C'est probablement ce
qui s'est passé, et ça a dérapé
complètement. De là à dire que c'est
généralisé, que l'ensemble des soins
à Saint-Charles-Borromée se rapprochent de cette
image présentée dans les 90 heures de cassette,
c'est absolument impossible. » —
Un résident
« [M. Lafleur était] un homme droit, très
à l'écoute des résidents. Je trouve dommage
qu'il n'ait pas eu de soutien quand c'est arrivé. Dans
un gouvernement, quand un ministre fait une bévue,
est-ce que le premier ministre doit démissionner automatiquement?
C'est ce qu'on a fait ici, on a voulu la tête de M.
Lafleur, pour une erreur de préposé. »
— Une résidente
« C'est sûr que parfois, il y a des malentendus,
mais on arrive toujours à s'arranger. Il ne faut pas
mettre dans le même bain tous les préposés
quand il est question de un, deux ou trois. Il faut mettre
ceux qui ont fait la "gaffe" dehors. »
— Une autre résidente
Des cas isolés?
Denis
Desjardins est un résident de Saint-Charles-Borromée.
Il n'est pas prêt à dire qu'on parle ici
de cas isolés : « Ça peut
être des cas isolés, mais il y a des gens qui
ont peut-être aussi peur de dire ce qu'ils ont à
dire. Alors il y en a qui se taisent. »
Celui-ci se dit d'ailleurs en faveur d'une enquête publique.
« Il ne faut pas dire que ce sont
tous les préposés, parce qu'ils sont sympathiques
avec nous autres, et il se crée des liens. Et ça,
les liens, c'est très important pour les résidents
et le personnel », ajoute une résidente.
Tout n'est donc pas si noir, mais tout n'est pas blanc non
plus. M. Desjardins, qui dit lui-même avoir vécu
une histoire similaire il y a un an et demi, prétend
avoir réglé son cas « à l'interne ».
Après de nombreuses plaintes formulées par celui-ci,
la direction lui a écrit en lui disant qu'une mesure
disciplinaire allait être prise contre les employés
en question, mais sans préciser laquelle.
Plusieurs s'expliquent encore mal aujourd'hui les propos
de M. Lafleur, banalisant les mauvais traitements dont aurait
été victime une résidente, et aussi la
faiblesse de la sanction donnée aux employés.
« Il
reconnaissait que, peut-être, la sanction n'avait pas
été assez forte. Mais, indépendamment
de ça, une décision d'équipe a été
prise, et il s'est senti obligé de défendre
son équipe. Je crois que c'est ça qui l'a entraîné
dans une situation où, devant les caméras de
télévision, il a été obligé
de minimiser les événements, ce qui, d'un point
de vue "médias", est mal ressorti. »
- Un résident
« Je lui ai dit que je n'étais pas d'accord
avec les sanctions données parce que moi, j'aurais
donné, au nom des résidents, un congédiement
complet. Or, il a reçu (accepté) ma critique
comme quoi il avait fait un faux pas. Il avait manqué
de jugement dans ses [sanctions]. »
- Une résidente
En attendant qu'on fasse la lumière sur cette histoire,
les résidents de Saint-Charles-Borromée s'inquiètent
de l'avenir. Ils savent que diriger un centre comme le leur
est une lourde tâche.
« M.
Lafleur en avait trop sur les épaules. Et comme plusieurs
d'entre nous l'avons dit, il n'était probablement plus
capable, il en avait trop. Il était un très,
très bon directeur. »
-Une résidente
L'affaire Saint-Charles-Borromée
Les proches d'une patiente, âgée de 51
ans et souffrant de traumatisme crânien, soupçonnent
le personnel hospitalier de lui faire subir des mauvais
traitements. Ils décident donc de cacher un
magnétophone dans la chambre de celle-ci.
Les enregistrements révèlent
qu'elle subissait des agressions verbales, des moqueries
et des menaces de la part de certains employés.
Les proches soutiennent que
ces préposés ont traité la patiente
d'une façon irrespectueuse et qu'ils ont tenu
à son égard des propos méprisants
et moqueurs.
À la suite de la plainte de la famille, deux
employés, qui l'avaient terrorisée,
ont été suspendus pendant trois jours.
Quant à la patiente, elle a été
transférée dans un autre centre.
En conférence de presse, le directeur du centre,
Léon Lafleur, soutient que les employés
voulaient simplement s'amuser.
À la suite de cette déclaration, le
ministre de la Santé, Philippe Couillard, dit
s'interroger sur les sanctions imposées aux
employés fautifs. Voulant savoir s'il s'agit
d'un cas isolé ou d'un problème plus
répandu au sein de l'établissement,
le ministre décide
d'ouvrir une enquête sur le comportement du
personnel du centre hospitalier.
En point de presse, l'avocat de la famille,
Me Jean-Pierre Ménard, affirme que l'enquête
commandée par le ministre de la Santé
est nettement insuffisante.
Le 27 novembre, le corps du directeur
de l'hôpital, Léon Lafleur, est retrouvé
dans une chambre d'hôtel de Saint-Hyacinthe.
Il est transporté à l'hôpital,
où son décès est constaté.
Une autopsie sera pratiquée.
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Journaliste : Alain Gravel
Réalisateur : Léon Laflamme
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