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REPORTAGE
— 30/09/03

LA REVANCHE DES ÉCOLES PUBLIQUES

« Quand je dis aux gens autour de moi que j'enseigne dans une école publique, on dit : “Comment fais-tu?” Les élèves que j'ai devant moi me vouvoient, me respectent. »
- Une enseignante

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« L'école publique, c'est mieux parce qu'elle nous donne plus de services, et les personnes sont plus agréables. »     - Philippe

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

- Des programmes de rattrapage de toutes sortes ont été créés pour rompre le cycle des échecs qui mène au décrochage.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

- Généralement, en ce qui concerne la drogue, les directions sont à l'image de la société : elles ne sévissent sérieusement que lorsqu'il y a vente ou récidive.

 

 

 

 

 

« Vivre une réussite, c'est quand on fait le bilan de notre activité (scolaire, sportive, socioculturelle) et qu'on y a appris quelque chose, qu'on a grandi là-dedans. »
- André Couture, directeur de l'école secondaire publique La Ruche

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Les écoles secondaires du secteur public sont mal-aimées. Le décrochage, la drogue, la violence, le taxage... on leur accole absolument tous les maux. Des préjugés? Pour le savoir, Enjeux a enquêté dans 10 écoles publiques de la province et réalisé 125 entrevues. Résultats : les écoles secondaires publiques du Québec se réveillent, diagnostiquent leurs maladies et commencent à mettre en place des solutions.

Haut taux d'échec scolaire, taux d'échec en français de près de 50 %, sans compter la violence à l'école. Tel était le sombre portrait de l'école secondaire publique La Ruche de Magog, il y a cinq ans. Trente-cinq pour cent de la clientèle scolaire était d'ailleurs littéralement aspirée par les nombreuses écoles privées de la région, tellement la réputation de l'établissement était au plus bas. Autre situation similaire, l'école secondaire Jacques-Rousseau, sur la Rive-Sud, qui a souvent fait la manchette pour autre chose que ses succès scolaires : taxage, suicide d'ados, etc.

À l'opposé, en exemple, le collège privé Saint-Sacrement de Terrebonne, qui a été classé quatrième au fameux palmarès du magazine L'Actualité. Sa devise rappelle celles des anciens collèges classiques : « Toujours plus haut ». Discipline sévère, succès académique, politesse et vouvoiement obligatoire résument bien le credo de l'établissement.

Pour ce collège, comme dans la plupart des collèges privés du Québec, c'est la ruée vers l'or : on refuse beaucoup plus d'élèves qu'on en accepte. Non seulement on n'accepte que la crème des étudiants, mais on peut se permettre de les remercier en tout temps.


Cela fait en sorte que l'école peut se vanter d'avoir un taux de succès scolaire de 99,9 %, et 0 % de décrochage. À force de se le faire répéter, les élèves finissent par croire qu'ils sont l'élite de demain, et même d'aujourd'hui.

 

La nouvelle recette de l'école publique

Les écoles publiques semblent avoir trouvé la recette pour attirer les enfants et les garder sur les bancs d'école : il suffit de leur donner ce qu'ils aiment et ce qu'ils veulent. Bref, « l'école à la carte ».

En plein milieu rural, à Saint-Marc-des-Carrières, des étudiants ont des cours de pointe en infographie et en langues. La directrice, Martine Talbot, a senti le besoin de faire un sondage auprès de ses 500 adolescents pour savoir ce qu'ils voulaient comme options. « Cours d'allemand, d'espagnol [...], mais je vous dirais qu'on a à peu près tout pris ce qui nous a été proposé! »

« Peut-être qu'on est meilleurs que les écoles privées, pour être capables de faire ce qu'on fait avec la diversité qu'on a. Peut-être qu'on a des pédagogues vraiment créatifs, imaginatifs, engagés, positifs, généreux, pour être capables de faire ce qu'on fait. » Claire Desrosiers, directrice, école secondaire publique Cap-Jeunesse

Des cours de luxe, qui pourraient apparaître extravagants ou trop chers, ne sont plus réservés aux écoles privées. Plus du quart des écoles secondaires publiques au Québec offrent des programmes spéciaux. Elles se sont carrément inspirées du privé. Et souvent, elles le surpassent.

La Camaradière, dans la région de Québec, s'est transformée en véritable école de musique, avec une harmonie, un orchestre symphonique complet et un ensemble de violons : La Cordée. Tous les instruments sont fournis par l'école, moyennant une contribution des parents de 400 $ par année.

Ici, les élèves sont tellement performants que le tiers d'entre eux sont inscrits dans une concentration ou des classes enrichies. C'est presque dire que sur le plan académique, le tiers des élèves aurait été qualifié pour aller au privé.

Qu'on le veuille ou non, l'école, tout comme la société, a changé. L'enfant-roi à la maison est devenu l'enfant-client de son école, qui ne ménage rien pour le séduire et satisfaire ses parents.

 

Problèmes d'apprentissage et de comportement : des solutions

L'école publique, c'est l'école de tout le monde. Ils sont presque 400 000 élèves au secondaire, de toutes races et religions. Mais l'école publique, c'est aussi l'école des moins doués, des enfants avec des problèmes d'apprentissage et de comportements. Ces enfants flirtent régulièrement avec le décrochage. Le défi, c'est de les intéresser malgré tout. 


Par exemple, le programme « Défi-Stage », de l'école Jacques-Rousseau de Longueuil, est destiné à des jeunes pour qui l'école pèse trop lourd : deux jours à l'école, trois jours en entreprise. À la fin de leur secondaire, ces jeunes décrochent non pas un diplôme, mais une attestation d'études.

À l'école La Ruche de Magog, on a lancé « le menu à la carte », comme presque qu'aucune autre école n'avait jusque-là osé le faire. Pour le directeur, André Couture, l'important est de créer des programmes dans lesquels ses 1250 élèves pourront progresser :

« On a fait en sorte de les inscrire dans des profils où ils vivraient une réussite. Ce qui n'est pas opter pour la facilité, mais pour la réalité! »




Drogue, violence et taxage

Parmi tous les préjugés que les parents entretiennent envers l'école publique, celui de la drogue est sûrement le plus fort. Alors que certaines écoles ont un policier à demeure, d'autres ont des surveillants spéciaux.

À l'école Nicolas Gatineau, les élèves pris à récidiver ou à faire le trafic de la drogue ont le choix : être expulsés ou passer toute la période du midi à faire du judo ou des exercices quasi militaires, et ce pendant presque la moitié de l'année.

Autre lourd problème dans les écoles secondaires : la réputation de violence et le taxage. À l'école Cap-Jeunesse de Saint-Jérôme, on a confié à des jeunes nommés « médiateurs spéciaux » le soin de régler les chicanes entre les jeunes. Les adultes interviennent seulement si la situation dégénère.



La contre-attaque est amorcée

Après plus d'un mois passé dans les écoles secondaires publiques, certains de nos préjugés se sont estompés.

D'abord, le décrochage est devenu un mot que les directions ne prononcent plus. C'est l'absentéisme qui est devenu l'ennemi numéro un. Un autre préjugé que nous avons perdu en faisant notre enquête : l'attitude des professeurs, de qui on dit souvent qu'ils sont démotivés ou, pire, désabusés.

Une chose est sûre : l'école secondaire publique est d'abord considérée par les jeunes comme un milieu de vie, où on rencontre les amis et où on s'amuse. Ce sont d'ailleurs les activités parascolaires qui attachent généralement le jeune à son école.

La contre-attaque des écoles publiques semble bel et bien commencée. Mais l'école doit-elle ressembler à un magasin à grande surface où le client-élève trouve son compte, dans les moindres détails? En créant « l'école à la carte », rogne-t-on sur la mission première de l'école, qui est de promouvoir la réussite scolaire?



Journaliste : Hélène Courchesne
Réalisatrice : Nicole Messier

C I T A T I O N S

« On attend tout de l'école, ce qui est le plus sûr moyen de ne rien obtenir d'elle. »
- Jacques Chirac, président de la République française

« L'éducation est au centre de toutes les stratégies de construction de l'avenir. C'est un enjeu mondial, un des grands défis du troisième millénaire. »
- Joël de Rosnay, biologiste et cybernéticien

Hyperliens

:: Projet Debout les gars de l'École La Ruche de Magog
   Reportage de l'émission Aujourd'hui de Radio-Canada, 24 septembre 2003

:: Palmarès des écoles secondaires - 2002, L'actualité

:: Étude portant sur les perceptions des Québécois et Québécoises à l'égard de l'école publique
   Enquête Léger Marketing produite en septembre 2002

:: Magazine Savoir, numéro spécial sur les écoles publiques - en ligne
Fédération des commissions scolaires du Québec

 

 

 

 
 
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