Devenir médecin est le
rêve de bien des jeunes. Les facultés de médecine
du Québec reçoivent chaque année environ
5500 demandes d'admission et acceptent, toutes universités
confondues, environ 550 étudiants. Chacune de
ces facultés a ses propres critères pour trouver
les meilleurs candidats au titre de médecin.
À l'Université de Sherbrooke, cette année,
on a reçu près de 2000 demandes et 145 étudiants
ont été acceptés. Qu'ont donc traversé
ceux qui vont finalement suivre la formation en médecine
dans cette université? Enjeux a suivi trois
étudiants désireux d'entrer en médecine :
Laurie, Maxime et Janie.
À Sherbrooke, un comité de sélection
prend en compte, évidemment, les notes de l'étudiant,
qui pèsent pour 75 % dans le dossier du candidat.
On se penche aussi sur le test de sélection qui consiste
en une série de questions touchant les habitudes intellectuelles,
les capacités organisationnelles et les valeurs des
étudiants pressentis.
À
l'heure de la visite, tout est fait pour impressionner les
futurs étudiants.
Le but : attirer
ceux qui seront acceptés partout. Il faut savoir que
ceux qui sont conviés aux tests ont tous d'excellentes
moyennes. Seule la crème de la crème sera retenue.
À l'Université de Montréal, on compte près
de 2000 demandes pour 227 places disponibles. Le Dr Raymond
Lalande, vice-doyen de la Faculté de médecine
de l'Université de Montréal, résume en
ces termes les critères de l'institution dans la sélection
de ces candidats : « On cherche de très
très bonnes moyennes. »
Les
entrevues permettent de sélectionner les étudiants
qui ont les qualités recherchées chez les futurs
médecins. Outre les entrevues personnelles, les autorités
de la Faculté de médecine de l'Université
de Montréal plongent leurs futurs étudiants
dans une discussion de groupe. Les sujets, cette fois-ci :
la légalisation de la marijuana, la violence dans les
écoles et l'utilité d'Internet dans la bonne
communication.
Pendant le dîner, des étudiants aguerris donnent
des trucs aux apprentis pour les aider à passer l'entrevue.
L'une des étudiantes déjà en place donne
ce conseil : « L'important à mon
avis, c'est de rester soi-même. Ce n'est pas mieux d'aimer
la littérature du 15e siècle que d'aimer
le cinéma américain. »
Improvisation à l'Université
Laval
À
l'Université Laval, à Québec, les notes
comptent pour 50 % du dossier de l'étudiant. On
y a reçu cette année 1600 demandes pour
179 étudiants acceptés. Ici, l'approche
diffère des autres universités et est assez
originale. Les étudiants sont réunis et soumis
à des mises en situation, des approches par simulation.
Voilà une manière originale d'évaluer
le jugement et la capacité à communiquer. On
fera improviser les jeunes à partir de différentes
situations.
Le Dr Augustin Roy, ex-président
du Collège des médecins, met un bémol
sur la place qu'occupent les notes dans la sélection
des médecins. « Je me méfie de ce
qu'on appelle les bollés, de nature obsessionnelle
compulsive, qui ont réponse à tout, qui sont
rapides. Et c'est ce qu'on privilégie actuellement. »
Pour Marie-Claude Goulet, étudiante de
troisième année à l'Université
de Montréal, ce n'est pas le seul problème.
« Je laisserais une place à ceux qui proviennent
de différents milieux, qui ont eu des expériences
différentes parce que ça enrichit la médecine
d'avoir ces expériences. »
Marie-Claude a elle-même un parcours atypique.
Elle a dû faire un baccalauréat en sciences afin
d'être acceptée en médecine. Une solution
pour ceux qui ont des notes moins fortes au cégep.
Mais le problème est peut-être
ailleurs.
« De
toute façon, les gens qui sont en médecine
viennent de milieux privilégiés.
C'est clair, net et précis. »
- Marie-Claude
Goulet, étudiante en médecine
à l'Université de Montréal
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Des garçons et des filles
Une autre question est soulevée par l'étude
des admissions en médecine. Dans presque toutes les
universités, la proportion est d'environ 70 %
de filles pour 30 % de garçons. Officiellement,
personne n'y voit de problèmes et certains diront qu'il
s'agit tout simplement d'un phénomène. Rien
là de bien problématique. La France n'échappe
pas à cette omniprésence des filles en médecine,
mais le Dr Didier Rabineau, vice-doyen de la Faculté
de médecine Cochin Port-Royal à Paris, en fait
une tout autre analyse.
« Ça a
des incidences très importantes dont nous prenons
conscience maintenant. Les filles pour une partie d'entre
elles abandonnent complètement leurs études
ou si elles terminent, n'exercent pas la profession ou
choisissent des spécialités compatibles
avec leur vie de mère de famille. » |
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Autre question à regarder de plus près :
ailleurs au Canada comme aux États-Unis, on entre en
médecine à un âge plus avancé.
Il semble que cette façon de faire favorise l'entrée
des garçons et crée de meilleurs médecins.
Le
Dr Jean Drouin, omnipraticien, précise : « L'individu
qui commence sa pratique médicale autour de 23-24 ans
peut être un excellent médecin, mais si vous
avez devant vous quelqu'un qui a des idées suicidaires,
qui est psychotique, qui a des troubles avec la réalité,
ça prend une bonne maturité. »
Troisième
bémol dans la médecine au Québec :
l'exode des cerveaux. Par exemple, 60 % des diplômés
de McGill quittent le Québec. Le Dr Philip Beck,
vice-doyen de la Faculté de médecine de cette
université, n'y voit pas un problème :
« Ça aide la province de Québec d'avoir
de bons médecins qui pratiquent un peu partout et ça
nous aide à attirer les médecins d'autres pays
pour venir pratiquer ici. »
Augustin Roy propose plutôt
un service civil obligatoire pour les jeunes médecins.
« Vous êtes acceptés en médecin
à la condition que dans les quatre premières
années, vous alliez exercer là où on
a besoin de vos services. Ça peut être à
Montréal ou dans les salles d'urgence, des fois, on
manque de monde, ou ça peut être dans certaines
régions où on a plus de misère à
recruter. »
Fait à retenir, en entrevue, à
McGill, on ne soulève pas devant Laurie, notre jeune
étudiante, la question du travail en région ou
à l'extérieur du Québec.
Plusieurs pensent que notre manière de sélectionner
les étudiants en médecine est très complexe.
Trop complexe? Aux Pays-Bas, on procède beaucoup plus
simplement. Étonnamment, les étudiants en médecine
sont sélectionnés par un système de loterie.
Ce choix a de quoi surprendre, mais le Dr Albert Scherpbier,
doyen de la Faculté de médecine à Maastricht,
n'y voit pas de problème. « Rien ne prouve
que les autres systèmes fonctionnent mieux. Si quelqu'un
peut prouver que les autres systèmes fonctionnent mieux,
nous changerons. »
Les deux
tiers de ceux qui font une demande sont refusés. Notre
processus de sélection n'est certainement pas parfait
et les étudiants refusés contestent parfois
la décision des autorités. Le Dr Michel
Baron, doyen de la Faculté de médecine de l'Université
de Sherbrooke, confirme : « On
a souvent des contestations des étudiants et des parents,
même très souvent juridiques. Je suis l'ami personnel
des huissiers, on se connaît. On se voit régulièrement.
Mais jamais on n'interviendra dans le processus. »
Pour Laurie, Janie
et Maxime, le rêve d'exercer la médecine se réalisera
puisqu'ils ont tous trois été acceptés
dans une des quatre facultés et deviendront dans quelques
années, Dre Laramée, Dre Lafontaine
et Dr Côté.
Journaliste : Claire Frémont
Réalisateur : Jean-Louis Boudou
C I T A T I O N S
« Guérir
parfois, soulager souvent, réconforter toujours. »
- Georges Clémenceau,
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optimistes : la médecine a découvert
beaucoup plus de remèdes qu'il n'y a de maux. »
- Alfred Capus,
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