Le hockey a toujours soulevé
l'enthousiasme des foules. Mais notre sport national est de
plus en plus sujet à controverse. Cette fois, il s'agit
du hockey amateur et ce ne sont pas les jeunes joueurs qui
sont en cause, mais plutôt leurs parents.
Depuis quelques années,
le comportement des parents amateurs de hockey laisse nettement
à désirer. Enthousiasme qui déborde sur
une forme de fanatisme, émotions qui découlent
sur la violence verbale ou physique. Récemment, dans
l'affaire Côté à Boucherville, un parent
a été trouvé coupable d'avoir proféré
des menaces de mort à l'endroit d'un arbitre. On doit
de plus en plus souvent rappeler les parents à l'ordre,
leur imposer des contrats de conduite, les expulser. Des parents
avouent insulter parfois les arbitres, disent-ils, quand les
décisions sont injustes... à leurs yeux. Les
parents ont-ils perdu la tête?
Il semble que c'est l'été qu'on s'amuse le plus
au hockey. La raison? Les parents sont absents des arénas,
mais dès que l'automne se montre le bout du nez, ils
reviennent et avec eux, les problèmes.
« On
enseigne à nos jeunes officiels ce qu'ils vont entendre
dans les estrades. On a beau les mettre en garde [...] sur
3000 officiels, on en perd de 600 à 700 par année. »
- Michel Richer,
Comité des arbitres, Hockey Québec
Simon, le fils de Louise Danis, joue au hockey depuis qu'il
est tout petit et se démarque maintenant dans des équipes
d'élite. Il fréquente un camp de recrutement midget
AAA, le niveau le plus élevé du hockey mineur
avant d'atteindre le junior. Pour se consacrer à son
sport, il vit à Gatineau, à deux heures de Vaudreuil,
où habite sa famille.
Louise
Danis affirme : « Nous, les parents, on a
à se remettre en question, à se dégager
et à se demander : "Est-ce vraiment le rêve
de mon enfant?" Il y a beaucoup de jeunes qui débarquent
du hockey parce que la pression des parents est trop forte.
J'ai vu des choses qui m'ont fait pleurer, devant lesquelles
on est impuissants. »
Cette mère du hockey
a mis du temps à comprendre qu'elle et son conjoint
confondaient leurs rêves et ceux de leur fils. Si elle
ose montrer les parents du doigt, c'est qu'elle a parfois
été un parent excessif. Elle s'en est même
déjà prise à la mère d'un autre
joueur. Elle avoue : « J'ai vraiment perdu
les pédales. J'ai hurlé après cette femme
de sortir de ma vue. J'étais hors de moi, mais je n'étais
plus là. Pour moi, c'est le moment le plus embarrassant
que j'aie jamais vécu par rapport à mes comportements
dans le hockey. »
Exit
la quatrième période
Vers l'âge de 15 ans, Simon a commencé
à faire la sourde oreille, à être moins
performant et à songer à tout laisser tomber.
Ses parents ont compris. Son père s'est effacé
et sa mère a cessé de lui prodiguer ses conseils.
La quatrième période, c'est dorénavant
le repas au restaurant après la partie. On parle hockey,
mais fini les critiques.
« J'appelle ça la quatrième période
ou le pré-match, explique Louise Danis. On faisait
toujours une espèce de pression pour qu'il réussisse.
J'appelais ça le syndrome de la Ligue nationale, le
syndrome du fond de pension. Comme si c'était un investissement. »
Le mot est lancé. Au hockey, il n'y a plus uniquement
la gloire qui fait rêver, il y a aussi l'argent. Les
salaires faramineux des joueurs y sont pour quelque chose.
Steve Penney qui, avec le Canadien, a connu le rêve
à 25 ans dans les années 80, remet les
choses en perspective. « On ne rêvait pas
de faire carrière comme aujourd'hui. Ce que mon père
me demandait, c'était de donner mon maximum, de faire
mon possible. Les agents se promènent dans les arénas
pour trouver les meilleurs joueurs bantam. Ce sont des jeunes
de 14-15 ans, c'est jeune. Quand un agent vient te parler
de ton gars, tu commences à voir les millions. »
Vingt ans plus tard, faire
son possible ne suffit plus. Moins de 1 % des joueurs
atteindront la Ligue junior majeure. Une petite dizaine seulement
accédera à la Ligue nationale. Mais beaucoup
de parents s'accrochent à ce rêve. Ils vont jusqu'à
chronométrer le temps de jeu de leur enfant, payer
l'entraîneur pour qu'il le favorise ou encore, s'en
prendre à de jeunes joueurs. Dans le rapport de la
plus récente commission parlementaire sur la violence
au hockey, la troisième en 15 ans, les parents
sont montrés du doigt. Leurs comportements encouragent
une sous-culture de tricherie et de violence.
« Les
jeunes le disent : le hockey est comme
une arène. Il y a des choses qui sont
permises dans l'arène, que je ne ferais
jamais dans la vie de tous les jours parce que
je me ferais emprisonner. »
- Dany Bernard, entraîneur et détenteur
d'un doctorat sur la psychologie du hockey
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Réapprendre
le plaisir
Pourquoi les parents sont-ils aveuglés de la sorte?
Les attentes sont très élevées, sans
doute proportionnelles au montant d'argent investi par la
famille dans le hockey en camps d'été, en frais
d'association, en transport, en équipement et en hôtels.
Les parents finissent par en vouloir pour leur argent. Pour
certains, ce montant peut atteindre 7000 $ par année.
Pourtant, il faut garder les pieds sur terre.
Louise Danis l'a bien compris :
« Les attentes des parents doivent se limiter
à l'engagement du jeune. Au-delà de ça,
si ça ne fait pas notre affaire, arrêtons d'investir
dans ce qui nous pèse, pour arrêter de peser
sur leur petite conscience à eux. »
Pour sa part, Steve Penney aime encore le hockey. Il est entraîneur
bénévole et ses deux fils jouent au hockey.
Un sport qu'il voudrait moins tourné vers l'argent
et plus vers l'éthique, l'effort, la persévérance.
La situation actuelle provoque l'étonnement chez
lui : « Tu apprends à cet âge
que le hockey n'est plus juste un jeu, c'est un business.
Je ne suis pas certain qu'à 14 ans, tu es capable
de le comprendre. Mes propres enfants me demandent s'ils
seraient capables de faire la Ligue nationale. Travaille
fort, tu ne sais jamais. Amuse-toi et si jamais tu as du
talent, quelqu'un va te voir puis va te remarquer. »
Les
parents ne sont pas les seuls responsables de ce dérapage.
Heureusement, des arbitres, des entraîneurs et des associations
se remettent publiquement en question. Selon Dany Bernard,
« tout est là pour développer un
bon athlète, mais surtout un être humain solide
qui va être une valeur ajoutée pour la société ».
Peut-on
voir un signe de déclin dans le fait que le nombre
de joueur a diminué de 35 000 dans les dix dernières
années? De 120 000 qu'ils étaient, les
jeunes hockeyeurs ne sont plus que 85 000. Ce qui fait
encore beaucoup de parents derrière le banc, des supporteurs
qui doivent absolument redécouvrir les qualités
d'un sport d'équipe. Reste à voir si les parents
feront leur mea culpa à temps...
Journaliste : Sylvie
Fournier
Réalisateur : Pier Gagné
C I T A T
I O N S
« Je
m'oppose à la violence parce que lorsqu'elle
semble produire le bien, le bien qui en résulte
n'est que transitoire, tandis que le mal produit est
permanent. »
- Gandhi
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« Quand
nous disons que l'homme est responsable de lui-même,
nous ne voulons pas dire que l'homme est responsable
de sa stricte individualité, mais qu'il est
responsable de tous les hommes. »
- Jean-Paul
Sartre
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Hyperliens
:: Dossier
de Radio-Canada sur la violence au hockey
:: Association
canadienne de hockey
Campagne
« Relaxez, ce n'est qu'un jeu », à l'intention
des parents
:: Hockey
Québec
Nouvelles
directives pour la saison 2003-2004 et code d'éthique
à l'intention des parents
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