Sarah est emprisonnée à
Saint-Domingue, où elle purge une peine de cinq ans
pour trafic de drogue. Danièle, sa mère, se
rend dans ce pays pour renouer le dialogue avec sa fille.
Philippe Biret, lui, est incarcéré au Guatemala
depuis 11 ans pour un meurtre qu'il a toujours nié
avoir commis. Maryvonne, atteinte d'un cancer généralisé,
se bat pour que son fils soit transféré dans
une prison française.
Il y a cinq ans, Sarah a accepté de transporter trois
kilos de cocaïne, mais elle s'est fait arrêter
à l'aéroport de Saint-Domingue, en transit pour
la France. Sa mère Danièle supporte mal tout
ce qu'implique une incarcération à l'étranger.
Elle craint le regard des autres et éprouve énormément
de culpabilité.
« Sarah avait besoin de toute mon attention, et
de mon amour surtout. Mais elle n'a pas souvent entendu que
je l'aimais. Je ne l'aimais peut-être surtout pas comme
elle aurait voulu que je l'aime. »
- Danièle
Coréenne d'origine, Sarah
a été adoptée par un couple français
à 5 ans. Puis à 21 ans, c'est la prison.
Aujourd'hui, des milliers de kilomètres et une mer
d'incompréhension séparent la mère et
la fille. Leurs seuls contacts sont des conversations téléphoniques
orageuses et, en de rares occasions, une rencontre en vis-à-vis.
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La situation est très difficile pour Sarah
et pour sa mère
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Il y a deux ans, Danièle
découvrait avec horreur l'univers carcéral.
La prison de Saint-Domingue compte 3400 détenus,
dont 400 femmes, qui vivent dans des conditions très
rudes. Pourtant, Sarah préfère rester ici plutôt
que d'être transférée en France. Finir
sa peine en terre française lui vaudrait un casier
judiciaire, un obstacle sérieux pour refaire sa vie.
Une prison sous l'emprise de la mafia
Philippe est un des plus anciens détenus français
à l'étranger. Depuis 11 ans, il est incarcéré
au Guatemala, où il purge une peine de 30 ans.
Sa mère, Maryvonne, se bat sans relâche pour
obtenir le transfert de son fils dans une prison française.
D'un changement de gouvernement à l'autre, elle a contacté
inlassablement toutes les instances pouvant intervenir dans
le cas de Philippe.
La prison de Pavon, où vit Philippe,
est sous le contrôle de la mafia. Les détenus
sont totalement libres à l'intérieur des murs,
les cellules s'achètent et se vendent. C'est une véritable
ville avec un marché, un casino, une salle de billard,
un restaurant et des boutiques, le tout au profit de la mafia.
Tout l'argent passe par le chef mafieux, qu'on appelle « le
président » et qui vit à la « Maison-Blanche »
Maryvonne doit tout payer : la nourriture,
les médicaments, l'eau, le téléphone.
Elle a déboursé 1,5 million de francs depuis
11 ans. Elle paie encore 3500 francs tous les mois,
soit environ 900 $ canadiens. C'est le prix de la sécurité
et de la vie.
Malgré
tout cet argent, Philippe habite un taudis qu'il
partage
avec sept détenus. S'il se
retrouve dans ce coin si pauvre, c'est que
la mafia veut plus d'argent et que Philippe ne peut payer
plus.
« Un
peu de carton et un peu d'idée, chacun
essaie d'arranger sa taule. Ce sont les plus
pauvres qui vivent là. Cuisine populaire,
saleté, mouches. Nous sommes huit dans
une pièce minuscule. Le plus dur, c'est
d'essayer de rester en vie. »
- Philippe
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La
maladie menaçant sa vie, Maryvonne n'a plus de temps
à perdre dans sa quête de justice. Pour accélérer
un éventuel transfert de Philippe, elle a essayé
de rencontrer Dominique de Villepin, ministre français
des Affaires étrangères. Sa démarche
audacieuse, puisqu'elle l'a abordé sans avoir de rendez-vous,
a porté fruit. Elle est finalement reçue au
Quai D'Orsay par un délégué du ministre.
Une heure plus tard, Maryvonne sort requinquée.
« Ils essaient de faire avance le dossier
de transfert. Je suis regonflée un peu et un peu moins
désagréable vis-à-vis du gouvernement.
M. de Villepin a tenu promesse. C'est bien la première
fois. »
L'espoir d'être gracié
De son côté, Philippe a réussi
à obtenir un rendez-vous avec Rios Montt, président
du Sénat, l'homme le plus puissant du Guatemala, un
ancien dictateur au passé sulfureux, sous le coup de
mandats d'arrêt dans plusieurs pays. Sa fille, une députée
très connue, reçoit Maryvonne. Rien à
faire, le sort de Philippe est entre les mains de la Cour
suprême. Philippe serait admissible à une libération
en 2007, mais seulement s'il fait preuve de bonne conduite.
Maryvonne
craint pour son fils, qui supporte de plus en plus mal la
prison. « Il a passé un tiers de sa vie
en prison. D'une année à l'autre, il est moins
patient. C'est bien d'aller de porte en porte, mais le problème,
c'est qu'il n'y a pas de réponse. On a écrit
à tous les gouvernements, mais il n'ont rien fait.
Et encore une fois, ils ne feront rien. »
À
Saint-Domingue, la situation n'est pas plus rose. Sarah sait
désormais qu'elle ne pourra demander une grâce
avant plusieurs mois. Sa mère doit maintenant repartir
et la laisser seule sans soutien. Danièle ne sait pas
quand elle reverra Sarah. Le voyage coûte cher. Elle
lui a promis de tout faire pour obtenir une grâce présidentielle.
Mais Sarah a encore trois longues années à passer
dans cette prison.
Elle tente de conserver l'espoir.
« J'ai fait une erreur.
J'ai mal d'être ici. Mais je suis fautive et j'en paie
les conséquences. Mais ma mère paie aussi sans
avoir rien fait. Je garde le sourire même si c'est un
peu dur des fois. »
Pour Maryvonne, il faut garder le cap malgré
les difficultés qui s'accumulent et les jugements des
autres. « J'ai déjà eu honte du regard
des autres, loin d'être tendre. Les gens jugent et vous
jugent. Je n'ai rien fait. J'ai mis au monde un garçon
et mon devoir est de l'aider. Le plus important dans tout
ça, c'est mon fils. »
Mais la prison se dresse, immuable, entre ces
mères et leurs enfants. Combien de temps encore Maryvonne
et Philippe vont-ils pouvoir tenir ainsi? Sarah arrivera-t-elle
à se préserver dans cette incarcération
si loin des siens? Seul le temps le dira.
Journaliste : Olivier
Pighetti
Réalisateur : Benoît Roy
C I T A T
I O N S
« La
souffrance de l'emprisonnement réside dans
le fait que l'on ne peut, à aucun moment, s'évader
de soi-même. »
- Abe Kobo, écrivain
japonais
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« La
principale institution
dans tout gouvernement avec un parti unique est la prison. »
- Ahmadou Kourouma,
écrivain ivoirien
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Hyperliens
::
Comité de soutien à Philippe Biret
:: Amnistie
internationale section canadienne francophone
:: Ministère
des Affaires étrangères et du Commerce international
Guide à
l'intention des Canadiens emprisonnés à l'étranger
:: Haut-Commissariat
aux droits de l'homme
:: Association
Internet pour la promotion et la défense des droits
de l'homme
:: Observatoire
international des prisons
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