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REPORTAGE
— 09/09/03

COMBAT DE FEMMES

« Finalement, être mère, c'est la plus belle chose qui peut nous arriver. Mais c'est dur et ça le sera jusqu'à la fin. »
- Danièle

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Dans cette prison, les femmes entre elles avaient toutes des regards de mères, des regards très tristes. C'est ce qui m'a marquée. »
- Danièle

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Les enfants ne se rendent pas compte de ce qu'ils infligent à leurs parents. Que suis-je pour mon fils? Sa maman ou une planche à billets? »
- Maryvonne

 

 

 

 

 

 

« Quand je suis reçue quelque part, on me reproche l'effet pervers de la presse. Mais si ce n'était pas de la presse, mon fils serait mort. »
- Maryvonne

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sarah est emprisonnée à Saint-Domingue, où elle purge une peine de cinq ans pour trafic de drogue. Danièle, sa mère, se rend dans ce pays pour renouer le dialogue avec sa fille. Philippe Biret, lui, est incarcéré au Guatemala depuis 11 ans pour un meurtre qu'il a toujours nié avoir commis. Maryvonne, atteinte d'un cancer généralisé, se bat pour que son fils soit transféré dans une prison française.

 

Il y a cinq ans, Sarah a accepté de transporter trois kilos de cocaïne, mais elle s'est fait arrêter à l'aéroport de Saint-Domingue, en transit pour la France. Sa mère Danièle supporte mal tout ce qu'implique une incarcération à l'étranger. Elle craint le regard des autres et éprouve énormément de culpabilité.

 



« Sarah avait besoin de toute mon attention, et de mon amour surtout. Mais elle n'a pas souvent entendu que je l'aimais. Je ne l'aimais peut-être surtout pas comme elle aurait voulu que je l'aime. »

- Danièle

 

Coréenne d'origine, Sarah a été adoptée par un couple français à 5 ans. Puis à 21 ans, c'est la prison. Aujourd'hui, des milliers de kilomètres et une mer d'incompréhension séparent la mère et la fille. Leurs seuls contacts sont des conversations téléphoniques orageuses et, en de rares occasions, une rencontre en vis-à-vis.

La situation est très difficile pour Sarah
et pour sa mère

Il y a deux ans, Danièle découvrait avec horreur l'univers carcéral. La prison de Saint-Domingue compte 3400 détenus, dont 400 femmes, qui vivent dans des conditions très rudes. Pourtant, Sarah préfère rester ici plutôt que d'être transférée en France. Finir sa peine en terre française lui vaudrait un casier judiciaire, un obstacle sérieux pour refaire sa vie.

 

 

 

Une prison sous l'emprise de la mafia

Philippe est un des plus anciens détenus français à l'étranger. Depuis 11 ans, il est incarcéré au Guatemala, où il purge une peine de 30 ans. Sa mère, Maryvonne, se bat sans relâche pour obtenir le transfert de son fils dans une prison française. D'un changement de gouvernement à l'autre, elle a contacté inlassablement toutes les instances pouvant intervenir dans le cas de Philippe.

La prison de Pavon, où vit Philippe, est sous le contrôle de la mafia. Les détenus sont totalement libres à l'intérieur des murs, les cellules s'achètent et se vendent. C'est une véritable ville avec un marché, un casino, une salle de billard, un restaurant et des boutiques, le tout au profit de la mafia. Tout l'argent passe par le chef mafieux, qu'on appelle « le président » et qui vit à la « Maison-Blanche »

Maryvonne doit tout payer : la nourriture, les médicaments, l'eau, le téléphone. Elle a déboursé 1,5 million de francs depuis 11 ans. Elle paie encore 3500 francs tous les mois, soit environ 900 $ canadiens. C'est le prix de la sécurité et de la vie.

 

 

Malgré tout cet argent, Philippe habite un taudis qu'il partage
avec sept détenus. S'il se retrouve dans ce coin si pauvre, c'est que
la mafia veut plus d'argent et que Philippe ne peut payer plus.


« Un peu de carton et un peu d'idée, chacun essaie d'arranger sa taule. Ce sont les plus pauvres qui vivent là. Cuisine populaire, saleté, mouches. Nous sommes huit dans une pièce minuscule. Le plus dur, c'est d'essayer de rester en vie. »
- Philippe

 

La maladie menaçant sa vie, Maryvonne n'a plus de temps à perdre dans sa quête de justice. Pour accélérer un éventuel transfert de Philippe, elle a essayé de rencontrer Dominique de Villepin, ministre français des Affaires étrangères. Sa démarche audacieuse, puisqu'elle l'a abordé sans avoir de rendez-vous, a porté fruit. Elle est finalement reçue au Quai D'Orsay par un délégué du ministre. Une heure plus tard, Maryvonne sort requinquée.

« Ils essaient de faire avance le dossier de transfert. Je suis regonflée un peu et un peu moins désagréable vis-à-vis du gouvernement. M. de Villepin a tenu promesse. C'est bien la première fois. »

 

L'espoir d'être gracié

De son côté, Philippe a réussi à obtenir un rendez-vous avec Rios Montt, président du Sénat, l'homme le plus puissant du Guatemala, un ancien dictateur au passé sulfureux, sous le coup de mandats d'arrêt dans plusieurs pays. Sa fille, une députée très connue, reçoit Maryvonne. Rien à faire, le sort de Philippe est entre les mains de la Cour suprême. Philippe serait admissible à une libération en 2007, mais seulement s'il fait preuve de bonne conduite.

Maryvonne craint pour son fils, qui supporte de plus en plus mal la prison. « Il a passé un tiers de sa vie en prison. D'une année à l'autre, il est moins patient. C'est bien d'aller de porte en porte, mais le problème, c'est qu'il n'y a pas de réponse. On a écrit à tous les gouvernements, mais il n'ont rien fait. Et encore une fois, ils ne feront rien. »

 

 

À Saint-Domingue, la situation n'est pas plus rose. Sarah sait désormais qu'elle ne pourra demander une grâce avant plusieurs mois. Sa mère doit maintenant repartir et la laisser seule sans soutien. Danièle ne sait pas quand elle reverra Sarah. Le voyage coûte cher. Elle lui a promis de tout faire pour obtenir une grâce présidentielle. Mais Sarah a encore trois longues années à passer dans cette prison.

Elle tente de conserver l'espoir. « J'ai fait une erreur. J'ai mal d'être ici. Mais je suis fautive et j'en paie les conséquences. Mais ma mère paie aussi sans avoir rien fait. Je garde le sourire même si c'est un peu dur des fois. »

Pour Maryvonne, il faut garder le cap malgré les difficultés qui s'accumulent et les jugements des autres. « J'ai déjà eu honte du regard des autres, loin d'être tendre. Les gens jugent et vous jugent. Je n'ai rien fait. J'ai mis au monde un garçon et mon devoir est de l'aider. Le plus important dans tout ça, c'est mon fils. »

Mais la prison se dresse, immuable, entre ces mères et leurs enfants. Combien de temps encore Maryvonne et Philippe vont-ils pouvoir tenir ainsi? Sarah arrivera-t-elle à se préserver dans cette incarcération si loin des siens? Seul le temps le dira.


Journaliste : Olivier Pighetti
Réalisateur : Benoît Roy

C I T A T I O N S

« La souffrance de l'emprisonnement réside dans
le fait que l'on ne peut, à aucun moment, s'évader de soi-même. »
- Abe Kobo, écrivain japonais

« La principale institution
dans tout gouvernement avec un parti unique est la prison. »

- Ahmadou Kourouma, écrivain ivoirien
 

Hyperliens

:: Comité de soutien à Philippe Biret

:: Amnistie internationale — section canadienne francophone

:: Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international
  Guide à l'intention des Canadiens emprisonnés à l'étranger

:: Haut-Commissariat aux droits de l'homme

:: Association Internet pour la promotion et la défense des droits de l'homme

:: Observatoire international des prisons

 

 

   

 

 
 
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