Impossible d'échapper
à l'habituelle frénésie du déménagement
le 1er juillet prochain. Elle risque cependant d'être
atténuée par la pénurie de logements
qui sévit dans la plupart des villes.
À
Montréal, par exemple, sur chaque
millier d'appartements, seulement six sont à louer,
et on estime qu'il en manque plus de 16 000. Fanny
Britt en sait quelque chose : « Des
appels? J'en ai fait une centaine! À tous les samedis,
je sortais, j'attendais le journal dehors... »
Elle et son conjoint cherchent un appartement
de six pièces. Étant tous les deux travailleurs
autonomes et parents d'un jeune enfant, il leur faut donc
un bureau et deux chambres à coucher. Or, ils se
heurtent aux conséquences de la pénurie
actuelle des logements locatifs : des propriétaires
difficiles et des loyers élevés.
« On
se trouve dans une situation particulièrement difficile :
personne ne veut avoir un enfant de un an sur la tête.
[...] Je me disais, on va se trouver quelque chose autour
de 800-850 $ peut-être... On a envisagé
de payer 1200 $, non-chauffé. »
- Fanny
Yves
Delisle fait partie des locataires
les plus durement touchés. Il déménage
de mois en mois, de chambre en chambre. Il ne parvient
pas à se poser parce qu'il ne trouve aucun appartement
qu'il aurait les moyens de louer.
« Depuis
le mois de juillet, je cherche un logement à plein
temps. Ça fait quatre fois. Et je ne pense pas
que ce sera la dernière. »
-Yves Delisle
À Québec,
les logements libres sont encore plus rares qu'à
Montréal. Ce qui explique la parution de petites
annonces telles que : « Cherche
à louer, récompense de 100 $ »!
La
situation est en effet particulièrement difficile
pour les locataires de la vieille capitale : le taux
d'inoccupation des logements demeure le plus faible au
Canada, soit tout près de zéro.
Même situation dans l'arrondissement
soi-disant riche de Sainte-Foy, où un comité
de logement invite les locataires à ne pas céder
aux pressions des propriétaires.
Un des nombreux facteurs de
la pénurie actuelle : on ne construit
presque plus de logements à louer.
Pourtant,
au début des années 1990, on bâtissait
encore beaucoup d'immeubles d'appartements locatifs
à prix abordables.
|
Le
propriétaire et développeur de Québec
Claude Baudet explique pourquoi tout a changé :
« À l'époque de la construction,
en 1994, les coûts étaient approximativement
de 500-525 $ par mois. Or aujourd'hui, pour reconstruire
le même type d'habitation, pour être capable
d'avoir une rentabilité minimale, ça serait
autour de 800-850 $ par mois ».
Au contraire de la plupart
de ses confrères qui se sont reconvertis dans la
construction d'appartements à vendre en copropriété,
Claude Baudet, lui, persiste dans le secteur locatif,
mais de luxe, cher, et donc rentable. Un marché
qui s'est d'ailleurs resserré à Québec.
On
retrouve le même phénomène à
Montréal, où l'on constate notamment un
enrichissement des jeunes ménages. Par exemple,
depuis quelques années, sur les berges d'un canal
de Lachine restauré, des promoteurs ont aménagé
des centaines d'appartements locatifs destinés
à une clientèle aisée. Conséquence :
l'environnement s'adapte aux nouveaux riches, au détriment
de la population autochtone.
« Qui
va se faire refiler la hausse de taxes, sinon les locataires?
Et ces locataires-là, s'ils se retrouvent avec
des augmentations importantes, ils devront quitter le
quartier! » -
Louis Cyr, porte-parole du Comité logement du Sud-Ouest,
un organisme d'aide aux locataires
Les divers gouvernements ont
longtemps considéré qu'un ménage
ne devrait pas consacrer plus de 25 % de
ses revenus au logement. Or récemment,
le gouvernement fédéral a relevé
cette norme à 30 %. Ce qui contribue
à diminuer la proportion de mal-logés
dans les statistiques officielles.
|
Quoiqu'il en soit, le quart de tous les locataires dépensent
plus de la moitié de leurs revenus pour se loger.
Les ménages dans cette situation sont en augmentation
depuis 10 ans, et leur vie quotidienne s'en ressent.
Journaliste : Claude
Sauvé
Réalisateur : Jean-Claude Burger