Voici bébé
Nadja. Elle a trois mois. Vous avez à vous en occuper
24 heures sur 24. Imaginez! C'est votre bébé!
Il n'y a pas de mode d'emploi, pas de retour possible,
pas d'échange possible, ni de remboursement.
Chantal
Lamarre est comédienne. Elle a 40 ans
et c'est sa première grossesse.
« Les filles sont honnêtes de nos jours :
"C'est épouvantable ma fille, tu vas voir, tu
ne peux pas imaginer. Ce n'est pas vrai que tu as le temps
de te laver!" Bon. On en reparlera! »
Voici
Nadia, Sonja, Catherine, Corinne, Sophie, Marie-Claude,
Anne, Catherine et Brigitte. Elles ont entre
26 et 35 ans et sont toutes des femmes de carrière.
À notre invitation, ces nouvelles mamans ont accepté
de lever le voile sur ce qu'on n'ose pas dire : l'arrivée
d'un bébé, c'est plus qu'une adaptation,
c'est un choc!
« J'étais
habituée à performer ou à gérer
ma vie avec tout le pouvoir que je pouvais avoir. [...]
Avec un enfant je pense que c'est une des premières
choses qu'on apprend on n'a pas le contrôle
sur tant de choses que ça. C'est quasiment rendu
un acte de courage d'avoir un enfant de nos jours. »
- Corinne
« De plus en plus de [gens] ont des enfants
dans la trentaine et sont habitués à performer
[...] à se dépasser. [...] Je pense que
la conséquence logique, c'est que lorsqu'on a un
enfant, on veut faire la même chose, et encore plus. »
- Marie-Claude
Qui est exigeant? La société
ou les parents?
« Je
pense que parce que nous sommes habitués, au travail,
de se fixer des objectifs, de performer, on arrive à
la maison et on remet ça sur l'enfant : Va
falloir que tu fasses tes nuits parce que
tout le monde te le demande et si ton bébé
ne se tient pas bien la tête, tu n'es pas une bonne
maman... Je crois qu'on se met beaucoup de pression. »
- Nadia
« Ce n'est plus moi qui ai le contrôle :
c'est ce petit gars-là de deux mois qui gère
ma vie! S'il décide qu'il a faim au milieu du centre
commercial, bien, ça vient de finir, il a faim et
tant qu'on ne le nourrira pas, il va avoir faim. »
- Catherine
À
la Maison de naissance de Pointe-Claire, dans l'ouest
de Montréal, dans les cours postnataux, on parle
de la réalité. Des joies, mais aussi des
difficultés que rencontreront les nouveaux parents.
Rien n'est tabou. « Il faut arrêter
d'avoir peur d'être fatigué, parce que c'est
un fait. À un moment donné, vous allez l'être
moins, et à un moment donné, ça ira
mieux. » -
Christiane Léonard, intervenante
Le sentiment d'être
emprisonnée
« Il y a eu des moments
où je me disais : Est-ce que je vais
pouvoir ressortir dehors, me remettre du vernis à
ongle, prendre une douche? Un peu comme si, tout
à coup, j'étais dans une prison. »
- Corinne
Le sentiment d'être
emprisonnée, bien des mères l'ont
ressenti. Mais la majorité refusent de
l'admettre. Au cours postnatal, une nouvelle maman
en a eu l'audace.
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« Tu
es juste un parent. Dans ta vie de couple tu ne peux plus
sortir, aller au cinéma, aller au restaurant, tout
ce que tu aimes faire, il faut que tu le mettes en veilleuse.
Il faut accepter de se mettre soi-même en veilleuse,
pour être dans une relation one-way, inconditionnelle,
tout le temps. »
Isolement, fatigue, culpabilité...
et agressivité
Cette
réalité des mères est de plus en
plus analysée, discutée. En librairie, on
trouve maintenant des livres qui décrivent franchement
les difficultés d'être maman. On n'a qu'à
penser aux livres de l'Américaine Naomi Wolf,
de la Française Marie Darieussecq et de
l'Anglaise Allison Pearson.
Des livres sur « la grossesse, mode d'emploi »,
il en existe une panoplie. Vous saurez tout : comment
éduquer, comprendre, nourrir et endormir votre
enfant. Bref, comment devenir le meilleur parent. Les
difficultés de l'après-grossesse demeurent
cependant réelles et importantes. On parle ici
d'isolement, de fatigue, de culpabilité. Mais aussi
d'agressivité envers son bébé. Quand
les mamans n'en peuvent plus...
« Elle ne voulait pas dormir, elle était
dans son petit parc, grand sourire, puis là, je
l'ai prise et lui ai dit "dors", et là,
j'ai fait, ah mon Dieu, ah mon Dieu, j'ai eu peur de moi-même,
je ne lui ai pas fait mal, mais je me suis fait peur.
[...] Je manquais tellement de sommeil que j'ai eu un
moment de panique. »