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REPORTAGE
— 2003-03-18

DU PREMIER AU DERNIER BAISER (2e partie)

 

« À 80 ans, quand on est séparés, ce n'est pas drôle. Ce n'est plus l'âge d'or. »
- Charles-Aimé Plante

 

 

 

 

 



« Ça fait 65 ans que nous nous parlons d'amour. »


Les enfants aiment penser que les histoires d'amour se terminent toujours ainsi : « Ils se marièrent et vécurent heureux jusqu'à la fin des temps. » Ils n'ont pas tort. Après 50, 60 ans de vie commune, bien des couples semblent incapables de vivre séparés.

 

Ensemble pour toujours

Maria et Nicolas Mezey ont toujours été des inséparables. En 1957, ils ont fui leur Hongrie natale pour venir s'installer au Canada.

Aujourd'hui, Nicolas a 96 ans. Il n'est pas malade, mais il est vieux : il entend mal et a besoin d'aide pour se déplacer. Il est de plus en plus confus, et c'est sa femme qui, à 85 ans, gère leurs deux vies. Pour elle, il n'est pas question de placer son mari :

 

« Il ne veut pas être séparé de moi.
Je sais que si ça arrivait, il mourrait. »


Chez les Lefèvre, c'est madame qui est totalement dépendante de monsieur. Elle a 91 ans, et lui est sur le point de célébrer ses 95 ans.

 

 

 

 

 

« Elle avait un joli petit bibi avec de la voilette qu'on portait à l'époque. Il y avait un rayon de soleil. C'était le printemps. »

 

Français d'origine, Henri et Yolande Lefèvre ont vécu une histoire d'amour aussi romantique que le décor de Montmartre, où ils se sont rencontrés en 1936. Sans enfant, ils ont alors tout le temps pour cultiver leur amour. Elle fait du théâtre amateur et chante. Lui, il la suit partout. Inséparables, ils sont toujours ensemble, sauf pendant la guerre, quand M. Lefèvre est fait prisonnier. Au début des années 1960, la situation économique en France les force à immigrer au Canada. Puis, le beau rêve commence à s'effriter.

 

Dans les années qui suivent, M. Lefèvre voit son amoureuse perdre peu à peu son autonomie. Il s'en occupe jusqu'en 1995, alors qu'elle ne peut plus quitter l'appartement de Montréal qu'ils habitent depuis 40 ans. Dans leur malheur, les Lefèvre ont la chance de vivre dans un quartier où il y a un projet pilote du CLSC : le SIPA (Soins intégrés aux personnes âgées).


Un jour, on coupe les vivres au projet de soins à domicile, et M. Lefèvre refuse de se séparer de sa femme et de la placer seule. Comme il est âgé de 94 ans et qu'il s'affaiblit légèrement, à leur grand bonheur, la résidence Berthiaume-du-Tremblay accepte les héberger tous les deux ensemble.

« Je la caresse encore, je lui tiens la main…
C 'est ma chérie encore, naturellement. »
- M. Lefèvre

 

Une séparation obligée

Charles Aimé Plante n'avait pas prévu qu'un jour il devrait se séparer de la femme qu'il aime depuis 1947 et avec qui il a élevé quatre enfants. Depuis quelques années, la santé de Mme Plante s'est dégradée. Il devient évident qu'elle souffre de la maladie d'Alzheimer.


 



Malgré l'aide qu'il reçoit à la maison, Charles-Aimé Plante s'épuise à soigner une femme. Ses enfants doivent intervenir pour lui faire accepter de la placer dans un centre de soins de longue durée. Après une séparation difficile, M. Plante tient à visiter sa femme tous les jours.


M. Plante a maintenant trouvé le compromis idéal : un petit logement, greffé par une passerelle à la résidence Berthiaume-du-Tremblay, où vit sa femme. Une formule parfaite pour le conjoint autonome ou semi-autonome, mais un concept extrêmement rare.

 

 

 

Effectivement, cette « chance » n'est malheureusement pas offerte à tout le monde. Laurent Hardy, 84 ans, est de ceux qui aimeraient bien bénéficier d'un tel arrangement. Mais il sait que les places sont rares dans les centres d'accueil publics.

 

12 800 personnes lourdement hypothéquées sont actuellement en attente de placement au Québec.


Les Mezey, comme les Lefèvre et les Plante, font partie des 17 000 couples âgés de plus de 80 ans au Québec. Quand la maladie frappe, à la douleur émotive du placement du conjoint s'ajoutent les problèmes financiers. Pour se séparer, il faut en avoir les moyens.



Journaliste : Hélène Courchesne
Réalisatrice : Nicole Messier

   

 

 
 
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