Les enfants aiment penser
que les histoires d'amour se terminent toujours ainsi :
« Ils se marièrent et vécurent
heureux jusqu'à la fin des temps. »
Ils n'ont pas tort. Après 50, 60 ans de
vie commune, bien des couples semblent incapables de
vivre séparés.
Ensemble pour toujours
Maria
et Nicolas Mezey ont toujours été
des inséparables. En 1957, ils ont fui leur Hongrie
natale pour venir s'installer au Canada.
Aujourd'hui, Nicolas a 96 ans.
Il n'est pas malade, mais il est vieux : il entend
mal et a besoin d'aide pour se déplacer. Il est
de plus en plus confus, et c'est sa femme qui, à
85 ans, gère leurs deux vies. Pour elle,
il n'est pas question de placer son mari :
« Il
ne veut pas être séparé de moi.
Je sais que si ça arrivait, il mourrait. »
Chez
les Lefèvre, c'est madame qui est totalement
dépendante de monsieur. Elle a 91 ans, et
lui est sur le point de célébrer ses 95 ans.
« Elle
avait un joli petit bibi avec de la voilette qu'on
portait à l'époque. Il y avait un
rayon de soleil. C'était le printemps. » |
Français d'origine,
Henri et Yolande Lefèvre ont vécu une
histoire d'amour aussi romantique que le décor
de Montmartre, où ils se sont rencontrés
en 1936. Sans enfant, ils ont alors tout le temps pour
cultiver leur amour. Elle fait du théâtre
amateur et chante. Lui, il la suit partout. Inséparables,
ils sont toujours ensemble, sauf pendant la guerre,
quand M. Lefèvre est fait prisonnier. Au début
des années 1960, la situation économique
en France les force à immigrer au Canada. Puis,
le beau rêve commence à s'effriter.
Dans les années qui suivent,
M. Lefèvre voit son amoureuse perdre peu
à peu son autonomie. Il s'en occupe jusqu'en
1995, alors qu'elle ne peut plus quitter l'appartement
de Montréal qu'ils habitent depuis 40 ans. Dans
leur malheur, les Lefèvre ont la chance de vivre
dans un quartier où il y a un projet pilote du
CLSC : le SIPA (Soins intégrés
aux personnes âgées).
Un jour, on coupe les vivres au projet de soins à
domicile, et M. Lefèvre refuse de se séparer
de sa femme et de la placer seule. Comme il est âgé
de 94 ans et qu'il s'affaiblit légèrement,
à leur grand bonheur, la résidence Berthiaume-du-Tremblay
accepte les héberger tous les deux ensemble.
« Je
la caresse encore, je lui tiens la main
C 'est ma chérie encore, naturellement. »
- M. Lefèvre
Une séparation obligée
Charles
Aimé Plante n'avait pas prévu qu'un
jour il devrait se séparer de la femme qu'il
aime depuis 1947 et avec qui il a élevé
quatre enfants. Depuis quelques années,
la santé de Mme Plante s'est dégradée.
Il devient évident qu'elle souffre de la maladie
d'Alzheimer.
Malgré l'aide qu'il reçoit à la
maison, Charles-Aimé Plante s'épuise
à soigner une femme. Ses enfants doivent intervenir
pour lui faire accepter de la placer dans un centre
de soins de longue durée. Après une séparation
difficile, M. Plante tient à visiter sa
femme tous les jours.
M. Plante
a maintenant trouvé le compromis idéal :
un petit logement, greffé par une passerelle
à la résidence Berthiaume-du-Tremblay,
où vit sa femme. Une formule parfaite pour le
conjoint autonome ou semi-autonome, mais un concept
extrêmement rare.
Effectivement, cette « chance »
n'est malheureusement pas offerte à tout le monde.
Laurent Hardy, 84 ans, est de ceux qui aimeraient
bien bénéficier d'un tel arrangement.
Mais il sait que les places sont rares dans les centres
d'accueil publics.
12 800 personnes
lourdement hypothéquées sont actuellement
en attente de placement au Québec.
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Les Mezey, comme les Lefèvre et les Plante, font
partie des 17 000 couples âgés
de plus de 80 ans au Québec. Quand la maladie
frappe, à la douleur émotive du placement
du conjoint s'ajoutent les problèmes financiers.
Pour se séparer, il faut en avoir les moyens.