À chaque année,
des milliers d'enfants provenant des quatre coins de
la planète sont adoptés au Québec.
Pour les parents adoptifs, l'arrivée de ces petits
êtres constitue l'heureux aboutissement de plusieurs
mois d'attente. Une journée inoubliable, au cours
de laquelle ils deviennent enfin « papa »
et « maman ». Or, nombreux sont
ceux qui oublient un facteur fort important : quelle
vie a connu l'enfant depuis sa naissance? Cette première
partie du « conte » n'est pas
toujours si rose...
« L'image
de l'adoption internationale - qui est en fait le contraire
de ce que c'est - est l'arrivée d'un enfant à
l'aéroport aux nouvelles, toujours montrée
comme une bonne nouvelle, qui vient tout juste de connaître
papa, maman, l'oncle, la tante et tout. Comme si, du
jour au lendemain, cet enfant avait brisé un
processus d'attachement important. Or, ce n'est pas
vrai qu'une fois rendu chez nous qu'il est correct,
qu'il vient d'échapper à quelque chose
d'absolument énorme. »
- Dr Jean-François
Chicoine, pédiatre
« Ce ne sont pas mes vrais
parents, ils remplacent mes parents, ce sont des remplaçants.
Mais je les appelle "papa" et "maman"
par pur respect. » - Camillo
« C'est sûr
que j'ai rejeté ma mère, je lui ai demandé
: pourquoi tu m'as amené ici? T'es pas ma mère!
Je n'ai vraiment pas été facile. »
- Alexandrine
Des
paroles qui font mal et qui rappellent que derrière
chaque adoption, se cache une déchirure : pour
que des parents puissent satisfaire le rêve de donner
une nouvelle vie à un enfant, il a d'abord fallu
qu'il soit abandonné. Une blessure que
les parents adoptants comprennent mal.
« Les parents vont chercher
un enfant en Chine ou en République dominicaine,
ou ailleurs, et là, ça devient leur enfant.
Ils changent le nom, ils changent tout. "T'es mon
enfant, appelle-moi maman"... du jour au lendemain! »
- Alexandrine
Au
Québec, depuis 1990, une loi a fait débloquer
tout le processus de l'adoption internationale.
Depuis, plus de 12 000 familles sont
allées chercher au moins un enfant à
l'étranger. Virtuose de la compassion des
Québécois? Il semble que l'amour
ne suffise plus...
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Avec
un groupe de collègues qui travaillent en psychologie,
Diane Quevillon essaie de développer des
outils afin de pallier le manque de ressources pour aider
les parents mais aussi les enfants de l'adoption internationale.
Michel Lemay est un pédopsychiatre vers qui
on se tourne en situtation de crise. Comme la plupart
des professionnels qui gravitent dans le milieu international,
il considère que les parents sous-estiment l'importance
de histoire de la pré-adoption de leur enfant :
« L'enfant
adopté, il a une histoire antérieure et
ce, même s'il a été pris à
deux jours (...) Il a été porté par
quelqu'un d'autre, il a été rêvé
par quelqu'un d'autre, il a peut-être aussi été
rejeté par quelqu'un d'autre, mais il a quand même
finalement été suffisament accepté
pour qu'il n'y est pas d'avortement. »
- Michel Lemay
« Il y a encore
beaucoup de mythes à l'effet que si l'enfant ne
s'en souvient pas coginitivement (il avait trois mois
lorsqu'on l'a laissé sur le perron d'un poste de
police en Chine, ou lorqu'on l'a trouvé dans un
marché au Guatemala) DONC il n'a pas été
traumatisé, il ne s'en souvient pas. Eh bien je
m'excuse : passez-moi votre fils de six mois, je
vais le laisser dehors sur un perron pendant une nuit...
Certains me répondront : voyons, il sera traumatisé!
Ah! Lui, votre fils va être traumatisé, mais
la petite qui a été laissée sur un
perron à Shangaï, elle, ne sera pas traumatisée?
» -
Johanne Lemieux, travailleuse sociale
Une première étude
québécoise sur le développement
physique et psychologique d'enfants adoptés
à l'étranger vient d'être
réalisée. Elle révèle
que la plupart d'entre eux, à leur arrivée
au pays, présentent des retards au niveau
du développement physique, cognitif et
moteur.
Mais elle révèle
aussi qu'en trois ans, tous les retards observés
ont été comblés chez la grande
majorité des 123 enfants participants
à l'étude du laboratoire du nourrisson
de l'UQAM, réalisée en collaboration
avec le Dr Jean-François Chicoine.
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Les parents : suffisamment
informés?
« Quand
on est en démarche d'adoption, on est un peu sur
un nuage. Même s'il existe des avertissements, je
crois que nous ne sommes pas prêts à les
écouter à ce moment-là. On y est
plus sensibles par la suite. »
- Père de
Pierre-Antoine, un petit Roumain adopté à
l'âge de 2 ans
Journaliste
: Solveig Miller
Réalisatrice : Nicole Messier