« J'ai
Tallie qui est là. Elle a du 36 C. Très
jolie fille, style étudiante. (
)
Elle a du 38 D de poitrine, les cheveux noirs,
les yeux bleus. Elle pourrait être chez vous dans
environ 30 minutes. »
Pat est propriétaire
d'une agence d'escorte à Montréal. Son
bureau : sa voiture. À l'aide de ses nombreux
cellulaires, il reçoit les appels des clients
chez qui il envoie ses 15 prostituées. Un
chauffeur vient ensuite les chercher à la fin
des rencontres.
« Moi
il me reste 20 %, 20 $ sur les 100 $. Dans
les soirées occupées, il y a des
filles qui vont chez jusqu'à 6 ou
8 clients. »
- Pat, propriétaire
d'une agence d'escorte
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Actuellement, un débat
déchire les féministes au Québec.
Pour certaines, la prostitution avilit les femmes,
pour d'autres, c'est un choix de métier,
point à la ligne. Une nouvelle manière
d'aborder le plus vieux métier du monde?
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De
nombreuses étudiantes gagnent leur vie en travaillant
comme prostituées. Vous connaissez sans doute
Nelly Arcan, cette jeune intellectuelle qui a écrit
un roman à succès, Putain, racontant
son expérience d'escorte. Elle dit avec franchise
à quel point ce métier laisse un goût
amer :
« Être
prostituée, c'est exposer son corps, son intimité,
le cur même de son être. Ce n'est
pas vrai qu'on peut séparer le corps de l'esprit.
Ce n'est pas vrai qu'on peut se "turner off"
pendant que ça se passe, offrir son corps et
"pouf !" oublier. Parce que le corps
et l'esprit, c'est une seule et même chose.
Les images reliées aux rencontres avec les
clients, on ne les oublie pas. » -
Nelly Arcan, auteure
« Être
escorte, c'est avoir de l'argent bien sûr, c'est
une façon de se valoriser. Il y a aussi une
part de narcissisme là-dedans, parce que rencontrer
des hommes qui nous disent constamment qu'on est belle,
qu'on est désirable, c'est quelque chose qui
est valorisant à court terme, mais à
long terme, c'est l'effet inverse qui se produit :
il n'y a pas d'exclusivité, toutes les filles
sont interchangeables. »
- Nelly Arcan
Mary, une étudiante
qui se prostitue, pense le contraire. Âgée
de 32 ans, elle est mère de deux adolescents.
Elle adore son travail et ne se sent ni victime, ni
dévalorisée de le faire. Mary nous raconte
combien elle apprécie les rencontres avec ses
clients. Elle espère d'ailleurs continuer longtemps :
« On peut toujours
trouver quelque chose d'attirant chez un client. Même
chez les gars de 360 livres. Il faut juste voir, il
faut juste chercher un peu, parler un peu. [
]
Vraiment, j'adore faire ça. » - Mary
Mary
tient des propos étonnants pour une femme élevée
dans une famille très catholique. Elle se spécialise
en études féministes dans une université
montréalaise, et sa manière de penser
n'est pas unique : en effet, plusieurs féministes
pensent que la prostitution est un travail que l'on
peut choisir, et que c'est une façon comme une
autre de gagner sa vie. « Ce n'est pas
le corps que je vends, c'est mon temps avec quelqu'un.
Quand tu fais ça comme un choix, c'est une libération.
»
« Ensuite,
c'est extrêmement difficile de croire un homme
qui nous dit qu'il nous aime, qu'il va être
fidèle, qu'il a envie de s'engager profondément
et qu'il a du désir. Soudainement, il y a quelque
chose dans notre tête qui dit ben oui,
c'est ça.... Il y a comme
une partie de moi-même qui est totalement désillusionnée
par rapport à ça, et je dois dire que
la plus grande perte, c'est peut-être celle
de la naïveté. »
- Nelly
Arcan
Journaliste : Claire
Frémont
Réalisatrice : Doris Synnett