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REPORTAGE
— 2003-01-14

J'HABITE CHEZ MES PARENTS

 

«Je voudrais pouvoir vous dépeindre la joie de ma maison.»  [Duhamel]


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Qu'est-ce que les «marmmonies»?

En Italie, on surnomme les garçons à maman les «marmmonies». Aujourd'hui, en Italie, il y a de moins en moins de «marmmonies». Au Québec, c'est l'inverse : les Italiens du Sud qui sont au Québec depuis 40 ans ont jalousement gardé cette tradition.

 



« Ça fait 34 ans que je les connais et qu'on développe des
relations mutuellement. C'est devenu plus que papa, maman
et le garçon. On est devenus amis à travers tout ça. »

- Claude, 34 ans

 

Ils ont 28, 30, 34 et 41 ans et vivent toujours chez leurs parents. Et ils sont beaucoup plus nombreux que vous ne l'imaginez : près de 700 000 Canadiens âgés entre 25 et 34 ans habitent toujours chez leurs parents, soit un sur trois.

 




« J'ai quand même mon intimité, ils ne descendent pratiquement jamais en bas. »
- Michelle, 28 ans

 

 

 




« La première fois que tu te couches dans ta chambre tu te dis “Mon Dieu! (rire), il y a quelques années, j'étais ici et j'y reviens”. J'ai changé la décoration, ça a beaucoup aidé! »

- Lorraine, 41 ans

 

 

 



« J'ai grandi ici. Ça fait 30 ans que je suis ici. Je ne veux pas me départir de cette maison-là, à moins que je commence ma propre vie. »

- Danny, 30 ans

 

 

 

Enjeux vous raconte d'abord l'histoire de Claude, qui a 34 ans. Au contraire de ce que plusieurs pourraient croire, ses parents ne souhaitent pas du tout son départ : « Ça ne nous dérange pas, ça garde la maison jeune! » nous dit son père.

« Mon mari travaille de soir... Ça coupe l'ennui qu'il pourrait y avoir, la routine trop régulière. Claude coupe tout ça : il nous parle, il nous raconte toutes ses choses à lui », ajoute sa mère.

 

« Me ramasser dans un 3 1/2 et parler aux quatre murs?
Pas tout de suite! »

 

Claude a un train de vie tout à fait normal. En fait, il est similaire à celui des hommes de son âge : il a un travail, un réseau social et il fréquente beaucoup les salles de cinéma. La différence : il n'a jamais quitté la maison familiale. Pourquoi? Claude mise sur sa carrière : il veut devenir comédien. Pour ses parents, il est tout à fait normal de lui donner un coup de main.

 




« Ça lui coûte 45 $ de l'heure pour ses cours en cinéma et il fait un salaire de 9 $ de l'heure. Donc, c'est sûr que de ce côté-là, ça l'aide. »
- La mère de Claude

Ses parents font tout pour lui : nourri, logé (50 $ par semaine), lavages et lunchs compris.

 

 

 

Un phénomène nouveau ?

Des enquêtes longitudinales révèlent que les gens nés autour des années 1930 quittaient la maison plus tardivement, comme les jeunes d'aujourd'hui, en raison des conditions socioéconomiques difficiles.

Bref, c'est la génération des babyboomers qui a fait l'exception. Le phénomène actuel pourrait donc n'être qu'un juste retour des choses.


 

Selon Michel Claes, enseignant au Département de psychologie de l'Université de Montréal, l'adulte doit absolument, un jour ou l'autre, faire « le grand saut ». « Quitter ses parents, c'est une étape importante dans cet accès à l'âge adulte. Se prendre en charge, prendre sa vie en main, devenir autonome, c'est quand même un passage important et fondamental. C'est un temps où il faut s'insérer dans la vie sociale, se trouver un job, se positionner soi-même. (…) On risque de trouver des personnes qui sont plus dépendantes, émotionnellement, affectivement, et qui auront du mal à faire face à des difficultés quotidiennes. »

 

Un phénomène tabou

Ce qui est sûr, c'est que les adultes qui demeurent chez papa et maman sont victimes de préjugés. Le phénomène est extrêmement tabou, la très grande majorité refusant d'en parler publiquement.

 

Enjeux vous raconte aussi l'histoire de Daniel, qui est Italien. Dans sa culture, habiter longtemps chez ses parents est loin d'être tabou : c'est normal. « Souvent, quand ma mère me présente, elle dit : ça, c'est mon bébé! Moi, j'aime ça! Parce qu'on a toujours besoin d'être rassuré, peu importe l'âge qu'on a. Pour moi, c'est ma sécurité de savoir qu'elle me considère encore comme son bébé. »

 

Le phénomène boomerang


Quant à Lorraine, ses parents, qui habitent une grande maison, lui ont offert de revenir habiter avec eux, il y a deux ans. Âgée de 39 ans, elle vivait alors une séparation douloureuse. Michelle Fortier, 28 ans, a reçu la même offre. Elle est de retour à la maison familiale après trois ans d'absence. Comme elle était sans emploi, sa mère et sa tante ont accepté de l'héberger le temps qu'elle se refasse une situation.

 

Le retour aux sources, que les sociologues appellent le phénomène boomerang, est de plus en plus présent. L'an dernier au Québec, plus de 140 000 adultes âgés entre 20 et 29 ans sont retournés vivre chez leurs parents, selon Statistiques Canada.

Plus la maison est grande, plus les parents sont susceptibles de voir revenir leur progéniture.

 

La précarité des emplois, l'augmentation des loyers et les séparations expliquent en grande partie pourquoi les adultes retournent de plus en plus vivre chez leurs parents.

 

Journaliste : Nancy Desjardins
Réalisateur : Jean-Louis Boudou

   

 

 
 
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