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REPORTAGE
— 2002-12-10

LIBERTÉ 75


 

 

 

 


Tout le monde rêve d'une belle retraite. Une retraite active ou reposante, au soleil ou à la campagne. Ce que personne ne veut, par contre, c'est prendre sa retraite trop vieux ou trop pauvre. La Bourse, c'est comme un jeu, un jeu dédaigné par les Québécois pendant longtemps, par prudence. Mais les temps changent et aujourd'hui, un Québécois sur trois possède des actions sous une forme ou une autre. C'est entre 45 et 54 ans qu'on joue le plus à la Bourse, question de bonifier sa retraite ou de la devancer. Un résultat souhaité qui ne se réalise pas toujours.

 

« J'étais sûr qu'un dirigeant d'entreprise, lorsqu'il faisait un communiqué, [disait la vérité]. J'ai appris qu'un dirigeant peut dire ce qu'il veut à ses actionnaires. »

 

 

Osmond Binette espérait, il y a deux ans, pouvoir devancer l'âge de sa retraite de dix ans en investissant ses épargnes dans le marché boursier. Sa passion pour la Bourse l'a même amené à gérer ses fonds de retraite lui-même. Il choisit alors de travailler la fin de semaine et de passer ses semaines chez lui, à vendre et à acheter ses actions. Avec des résultats spectaculaires, du moins au début.

Au début de l'an 2000, c'est la surchauffe. On s'arrache les titres technologiques au point où la valeur boursière de ces entreprises n'a plus rien à voir avec leur valeur réelle. Cette frénésie d'achat touche aussi plusieurs autres secteurs. Nous sommes au cœur d'une bulle boursière. Mais une bulle finit toujours par éclater.

Pour M. Binette, c'est la descente aux enfers. Il essaie de réagir en se débarrassant de ses petites actions pour acheter des titres réputés infaillibles... comme Nortel. Erreur. Son REER passera des six chiffres à quelques centaines de dollars.

 

« En octobre 2000, mon portefeuille valait 150 606 $. Dix mois plus tard, il était rendu à 87 406 $. 70 000 $ en dix mois… c'est cher du mois! »

 

 

À la mort soudaine de son mari, Johanne Cérat hérite d'environ 150 000 $. Ce n'est pas une fortune, mais c'est suffisant pour assurer sa sécurité financière et celle de son fils; et peut-être aussi pour planifier une retraite à 55 ans. Sa première idée était alors de placer cet argent à la banque, dans une petite obligation d'épargne et de le laisser dormir jusqu'au temps convenable. Mais sa famille finit par la convaincre de confier son argent à un courtier affilié à une grande banque.

Le courtier lui propose d'investir massivement dans des titres technologiques et, malgré ses réticences, elle accepte. Les deux premiers mois, tout va bien, mais par la suite, son portefeuille commence à descendre, non pas à coup de milliers de dollars, mais à coup de dizaine de milliers de dollars par mois.

À 43 ans, Johanne Cérat doit repartir à zéro car la petite entreprise qui l'emploie n'offre aucun fonds de pension à ses employés, comme la plupart des PME. Si elle arrive à se retirer à 55 ans, ce sera beaucoup moins confortable que prévu.

D'après Pierre Champagne, courtier chez Valeurs mobilières Desjardins, « les clients ont une responsabilité parce que c'est leur argent ». Plusieurs clients ne prennent pas le temps de vérifier leur état de compte et de consulter leur courtier. À la Bourse, il faut rester à l'affût même si l'argent est dans les mains d'un expert. « [Si vous ne voulez pas suivre vos titres], investissez seulement dans des placements totalement sûrs. Vous n'aurez pas à vous en occuper et quand vous allez voir la Bourse chuter, vous allez pouvoir continuer à dormir », nous prévient Michel Girard, chroniqueur financier pour le quotidien La Presse.

 

Courtiers : crise de confiance

Les courtiers en valeurs mobilières font l'objet d'une véritable crise de confiance et les poursuites contre eux se multiplient. Une des plus importantes, déposée cet été, implique la Financière Banque nationale et un de ses courtiers. Leur client, Lionel Fremeth, allègue avoir perdu près de 3,5 millions de dollars en moins de deux ans, les deux tiers de son portefeuille de placement.

Cette histoire débute à Sainte-Sophie, dans les Laurentides. Lionel Fremeth a passé sa vie dans les poulaillers et les porcheries qui appartiennent à la famille de son épouse. À la vente de l'entreprise, cet homme qui n'a pas fini son secondaire se retrouve avec 5 millions de dollars à investir. Son comptable lui recommande Bertrand Trudel, un conseiller financier bien connu à Joliette et qui est aussi vice-président de la Financière Banque nationale. Lors de leur première rencontre, M. Fremeth explique à son futur courtier qu'il ne connaît rien à la Bourse, son épouse et lui veulent avant tout des placements conservateurs et sécuritaires. Mais son courtier l'assure que d'investir à la Bourse est plus profitable.

Son courtier lui fait ouvrir des comptes sur marge, ce qui lui permet d'emprunter pour acheter encore plus d'actions. En moyenne, les portefeuilles contiennent 91 % de placements risqués, avec une forte proportion de titres technologiques. Une stratégie pour le moins surprenante pour des clients à la retraite et dans la soixantaine.

Lorsque Lionel Fremeth décide de fermer ses comptes, en 2002, son portefeuille de placement est en lambeaux. Il ne lui reste alors que 1,5 million de dollars sur un peu plus de 5 millions de dollars qui avaient été investis.

 


« C'est comme une loterie, on ne peut pas prévoir. On espère gagner le gros lot, mais ça reste un jeu. »

 

 


Jacques Houpert a tout d'un retraité idéal. Ancien patron d'une grande entreprise, 59 ans, il se repose dans une grande maison près d'un lac dans les Cantons-de-l'Est. Mais il lui manque un ingrédient essentiel à son bonheur : son épouse.

Sa femme, Diane Favreault, travaille au centre-ville et chaque soir, elle retourne à Rosemont dans son petit appartement. Une séparation qui ne devait durer que deux ou trois ans, le temps pour Diane de bonifier son régime de retraite. En 1996, ils avaient préparé un plan de retraite avec un portefeuille équilibré : un peu d'actions, le reste en fonds communs de placement et en obligations. Mais la prévision de croissance de 7 % qu'ils espéraient n'aura pas dépassé les 2,5 %. Une différence qui se résume en quelques centaines de milliers de dollars.

Naturellement, ils auraient pu placer cet argent plus prudemment, à la banque par exemple. Mais pour qu'un retraité puisse maintenir son train de vie, ses épargnes doivent générer environ 70 % de son ancien revenu. Avec des taux d'intérêt très bas, les plus bas depuis 40 ans, Diane Favreault et Jacques Houpert estiment qu'ils n'avaient pas le choix d'investir à la Bourse. Un raisonnement que Pierre Champagne confirme. « Ils n'ont pas le choix parce que les rendements "sans risque" ont diminué de façon énorme! Du 4 ou 5 % de rendement, ce n'est pas assez pour procurer une qualité de vie. Alors qu'est-ce qui reste, [ils sont] obligés de prendre un risque. »

Aujourd'hui, alors que le creux de la vague boursière a probablement été atteint, c'est le temps des bilans. Pour certains, comme Johanne Cérat, la blessure est profonde : «  Le bas de laine de la banque était bien correct. Je n'aurais pas fait d'argent, mais je n'en aurais pas perdu! ». Alors que pour d'autres, comme Osmond Binette, malgré l'amertume, la passion pour la Bourse demeure. « J'ai hâte que le marché reprenne [pour] rembarquer [dedans]. »

 

Journaliste : Pasquale Turbide
Réalisateur : Pier Gagné

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« Votre sécurité financière à la retraite »
Brochure d’information (en format pdf) qui a pour but d'informer les investisseurs de 50 ans et plus sur les différentes façons de mieux protéger leurs revenus à l'aube et lors de leur retraite. Site de la Commission des valeurs mobilières du Québec, un organisme relevant du gouvernement.

:: Wallstreet dans la tourmente
Notre dossier sur les derniers scandales financiers et leurs conséquences sur les marchés mobiliers.

 
 

 

 
 
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