« Maintenant
qu'il n'est plus là, il n'y a plus personne qui
peut m'abuser. Ça fait sept ans et demi que je
suis en prison, et il n'y a pas personne qui m'a abusée,
il n'y a pas personne qui m'a contrôlée,
il n'y a plus personne qui soit jaloux, ou s'il y en a,
[cette personne] ne le démontre pas d'une façon
violente. »
Theresa
Saint-Denis, 63 ans, purge une sentence de prison
à vie pour avoir assassiné son mari, le
père de ses quatre enfants. Continuellement battue
par son mari, elle n'avait voulu que lui faire peur en
pointant une carabine vers lui. Jamais, dit-elle, n'avoir
souhaité la mort de celui-ci.
Son histoire
ressemble à celle de la plupart des 60 détenues
du pénitencier de Joliette. Bien connue pour ses
tendances plutôt libérales, l'institution
carcérale est souvent critiquée. On l'a
même baptisée « Club fed »,
en référence aux centres de villégiature.
Mais les détenues en ont-elles la même opinion?
Une équipe d'Enjeux leur a donné la parole.
D'après une ancienne
détenue, « les femmes qui ont des longues
sentences n'ont pas nécessairement besoin d'être
réhabilitées. Elles ont vécu des
choses qui ont fait en sorte qu'elles en sont arrivées
à un moment émotif où elles ont
explosé », mais cela ne l'est rend
pas pour autant de dangereuses criminelles qu'il faut
isoler. Aujourd'hui, alors qu'elle a obtenue sa liberté
conditionnelle, Ayla (nom fictif) confirme
que les institutions comme celle de Joliette favorisent
davantage la réinsertion, parce que les conditions
de vie sont le plus proche possible d'une vie «
normale ».
Cet environnement est aussi nettement important pour
les enfants et petits-enfants des détenues. «
L'imagination [des enfants] est souvent pire que
la réalité parce que ce qu'on connaît
des prisons ce sont des barreaux, un lieu austère,
lugubre, où il y a des méchants. C'est
ça que les enfants ont en tête. Ils ont
besoin de voir dans quel environnement vit leur mère.
Ça les sécurise », explique
Marie-Andrée Nantel, responsable du programme
mères-enfants du pénitencier.
Le contact entre les détenues et leurs proches,
et particulièrement leurs enfants, est très
important pour la santé mentale des détenues.
Face à la réalité d'une incarcération
de près de 20 ans, plusieurs femmes souffrent
de dépression et même de pensées suicidaires.
Les femmes sont souvent hantées par la culpabilité
du crime dont elles sont accusées, non pas tant
envers la victime, que pour les enfants qu'elles ont laissés
orphelins.
Malheureusement, malgré les installations
accueillantes, à Joliette, comme dans tous les
pénitenciers de femmes au pays, les parloirs sont
presque toujours vides, contrairement à ceux des
hommes. Même si les femmes qui ont commis un crime
passionnel ne sont généralement pas des
criminelles d'habitude et qu'elles ne récidivent
pas, statistiques à l'appui, elles sont souvent
traitées en parias par leur famille.
« Elles sont enfermées,
elles ne peuvent pas voir les gens qu'elles aiment
comme elles le veulent, elles sont limitées
dans leurs mouvements... elles sont punies. »
-
Ayla
|
Stivia
Clermont, 36 ans, mère de deux enfants,
purge une sentence de 25 ans ferme pour meurtre et
complot de meurtre. Au pénitencier de Joliette,
elle est présidente du comité des détenues
et s'active pour supporter l'absence de ses garçons.
Elle avoue que plusieurs demandes qu'elle dépose
au profit des détenues sont acceptées, mais
elle est loin de se considérer dans un centre de
villégiature.
Les mesures de sécurité sont
là pour lui rappeler son état. Les gardiennes,
qu'on appelle I.P.L. pour Intervenantes de première
ligne, procèdent à des dénombrements
trois fois par jour, et bien sûr à des fouilles
périodiquement. « Si on doit quitter
pour aller à la cour et qu'on revient, c'est des
fouilles sommaires. Les fouilles à nu ne se font
que si on a des soupçons que la détenue
a de la drogue sur elle, ou une arme. Là, on l'amène
à l'écart des autres détenues et
on fait des fouilles à nu », précise
Stivia.
«
C'est loin d'être un Club Fed, les gens de
la communauté doivent réaliser que
nous, malgré tout ce qu'on a ici, on a perdu
notre liberté », tient à
faire remarquer Stivia. Selon elle, le fait de devoir
prendre soin du quartier d'habitation, de faire
l'épicerie et la cuisine, ainsi que d'autres
tâches ménagères, contrairement
à la vie dans les prisons de Kingston ou
de Tanguay, améliore la réinsertion
sociale. « Nous, comme on a cette chance-là
maintenant, 10 ans plus tard, je n'aurai pas oublié
les tâches ménagères, comment
cuisiner, etc. » |
Même si les conditions de vie
au pénitencier de Joliette sont moins restrictives
qu'ailleurs, il n'en reste pas moins qu'une sentence à
vie reste une sentence à vie, comme le rappelle
Ayla : « Quand je [vais mourir], c'est là
que la sentence sera finie et ma famille va être
obligée de fournir un certificat de décès
pour fermer le dossier. »
Journaliste : Solveig
Miller
Réalisateur : Nicole Messier